Le Conseil des ministres a adopté, mercredi 26 novembre, le projet de loi autorisant l’adhésion de la Martinique à la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Le texte avait été validé par le Conseil d’État huit jours plus tôt, confirmant la solidité juridique de la démarche engagée par la Collectivité territoriale de Martinique (CTM). Cette nouvelle étape rapproche un peu plus l’île de son intégration régionale, un objectif revendiqué de longue date par les autorités locales.
Un processus engagé depuis plusieurs années
La signature officielle du protocole d’adhésion par Serge Letchimy, président du Conseil exécutif de la CTM, remonte au 20 février, lors d’une cérémonie organisée à la Barbade. La Martinique rejoindrait la CARICOM en tant que membre associé, à l’instar d’autres territoires non souverains de la région. « C’est une étape déterminante pour notre avenir régional », expliquait alors M. Letchimy, insistant sur la nécessité pour l’île d’« exister pleinement dans son environnement géopolitique naturel ».
Mais comme pour tout acte engageant une collectivité française dans une organisation internationale, la ratification par le Parlement est indispensable. La validation par le Conseil des ministres ouvre ainsi la phase parlementaire, qui devrait s’étendre jusqu’à janvier 2026. L’Assemblée nationale et le Sénat devront se prononcer successivement sur le texte.
Un contexte politique national qui pourrait peser
Si la CTM salue « un pas en avant majeur », la prudence reste de mise. Il ne faut pas crier victoire trop vite, le climat politique national demeure instable, avec une majorité fragilisée et un Parlement profondément fragmenté. L’adoption du projet de loi nécessitera un consensus minimal, loin d’être acquis.
L’intégration à la CARICOM constitue pour la Martinique un enjeu stratégique autant qu’économique. L’organisation rassemble vingt-et-un États et territoires, de la Jamaïque au Guyana, en passant par Trinidad-et-Tobago ou Sainte-Lucie. Malgré des liens historiques et culturels, la Martinique est longtemps restée à l’écart des dynamiques régionales, freinée par son statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne et par un cadre institutionnel centralisé.
Des retombées économiques encore incertaines mais porteuses d’espoir
L’impact économique de cette adhésion reste difficile à mesurer. La Martinique exporte peu vers les pays de la Caraïbe, et les filières locales — agriculture, agroalimentaire, BTP, services — devront s’adapter à un marché où la concurrence est vive. Les défenseurs du projet y voient toutefois une opportunité de diversification, dans un contexte post-Covid où la dépendance au marché hexagonal se révèle particulièrement vulnérabilisante.
La dimension symbolique : une revendication d’identité régionale
Au-delà des aspects juridiques et économiques, l’adhésion possède une portée symbolique forte. Elle marque la volonté d’une île française de « parler d’égal à égal » avec ses voisins caribéens, rompant avec l’image d’un territoire tourné exclusivement vers Paris ou Bruxelles.
Pour Serge Letchimy, cette intégration illustre « l’engagement constant de la Martinique dans son ancrage caribéen » et traduit « la reconnaissance, par l’État, de l’importance stratégique de cette orientation ».
Une mise en œuvre conditionnée à la ratification parlementaire
Si le Parlement valide le texte en janvier, la mise en œuvre de l’accord pourra commencer dans la foulée. Il s’agira alors d’installer les mécanismes de représentation de la Martinique au sein de la CARICOM, de définir les domaines de coopération prioritaire et d’adapter les dispositifs existants, notamment ceux liés au cadre européen.
Jean-Paul BLOIS



