Article publié dans le magazine Antilla.
Dans antilla (no 1883) à la rubrique «  Des faits et des hommes », nous avons publié l’information portant sur la création d’une chaire pérenne entièrement dédiée au continent, baptisée « Histoire et Archéologie des mondes africains » au Collège de France,à la tête de laquelle François-Xavier Fauvelle a été élu.
Il semblait y avoir unanimité dans la  reconnaissance du caractère novateur de l’initiative. Il était d’ailleurs dit  par le journaliste du très sérieux journal Le Monde Afrique , Joan Tilouine que François-Xavier Fauvelle « brise les clichés sur l’Afrique », à propos de sa leçon inaugurale… Que : « Dans un amphithéâtre Marguerite-de-Navarre bondé, François-Xavier Fauvelle a prononcé sa leçon magistrale. Son texte, puissant, brise élégamment les clichés sur une Afrique trop souvent caricaturée voire méprisée, au point de se voir amputée de son histoire précoloniale. Pire… d’être effacée du récit du monde par un président de la République française qui avait déclaré sans ambages à Dakar, en juillet 2007, que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ». Et que « … Comme en écho à ce passé gommé, M. Fauvelle plaide pour « un travail de reconnaissance de la méconnaissance » et répond par une érudition qu’il partage tel un conteur, passeur de savoirs. L’intellectuel, qui veut partager la richesse de la « littérature orale », cite des récits historiques rédigés par des lettrés musulmans sous forme de chroniques pour le sultan de Zanzibar au XVIe siècle, à Tombouctou (Mali) puis à Kano (Nigeria) le siècle suivant. » Des propos novateurs nous semble-t-il dans ce monde ethnocentré.
Ou encore « S’il n’est jamais superflu de rappeler que les sociétés africaines sont faites de la même étoffe historique que toutes les sociétés, c’est parce que l’Afrique, bien que toujours déjà là, a vu sa coprésence au monde depuis longtemps méconnue. » Cette histoire de l’Afrique, l’Occident et ses puissances l’ont longtemps délibérément évitée pour mieux la piller, l’exploiter, réduire en esclavage ses habitants. « L’expérience de la traite par les esclaves africains, transportés d’un continent à l’autre, réduits à une condition de marchandises, victimes et instruments de la globalisation du monde, constitue à la fois le point central et aveugle de la modernité », souligné M. Fauvelle, pour qui « ce processus de déshumanisation des ancêtres » constitue la pierre angulaire du déni d’existence. »
De quoi alimenter « une peur raciale qui actionne les théories providentialistes de l’histoire ». Une manière d’éclairer par une analyse savante du passé les dérives actuelles et les discours haineux confortés par certains polémistes et politiciens. De l’esclavage à la colonisation, des empires médiévaux aux indépendances parfois confisquées par un clan ou un parti-Etat, cette histoire des mondes africains a longtemps été malmenée par « une violence qui pénètre dans la forme même du récit ».
Le journaliste de faire remarquer que la démarche de l’historien est de: « …mieux faire avancer une discipline trop longtemps polluée par le poids colonial, le tiers-mondisme et les autres instrumentations politiques paternalistes ; voire par un afrocentrisme dont il a déconstruit les ressorts lors de ses travaux précédents. »
Un autre commentateur d’ajouter:   « Jeudi, le nouvel élu au Collège de France a présenté la place cruciale jouée par les Afriques dans l’histoire du monde et de la mondialisation. En citant les récits d’Ibn Battuta, les productions d’érudits du Moyen-Age et les discours de Nelson Mandela, il a convoqué les « ancêtres pour leur dire que le travail de l’historien est de les inviter dans le présent »… «  Avec Fauvelle, les Afriques entrent en majesté au Collège de France. »
Et pourtant nous avons reçu le commentaire suivant du professeur Oruno Lara que nos lecteurs connaissent bien:  « Message à Gérard Dorwling-Carter.
Je veux simplement vous signaler, au passage, le poids que vous mettez à la nomination de F.X. Fauvelle au Collège de France. Cet « africaniste » français appartient, comme vous le savez, à la liste de ces « spécialistes de l’Afrique » qui, depuis Georges Balandier, écument les pistes, les tribus, les clans et les ethnies… en expliquant aux Africains, ce qu’ils sont.
Fauvelle, au Collège de France, c’est l’apogée de ces pseudo-pédagogues qui prétendent enseigner l’Afrique aux Africains.
J’avais rédigé un petit article pour un colloque sur Eboué qui devrait vous intéresser, où je dénonçais son comportement de musicologue expliquant aux indigènes leurs sonorités au lieu de les interroger et d’écouter leurs réponses s’agissant de la transmission musicale.
(Félix Eboué, soixante ans après, colloque, 2008, ministère de l’Outre-Mer).
Jadis, Jean Devisse, titulaire d’une thèse sur Hincmar, avait hérité d’une chaire sur l’Afrique pour participer à la rédaction d’une Histoire générale du continent. Depuis cette époque, aucun Africain n’a été nommé professeur d’Histoire à la Sorbonne. J’aurais préféré, au lieu de voir le romancier Mabanckou au Collège de France, voir un de mes collègues africains y occuper un siège réservé à l’Histoire. Mais ne rêvons pas !
C’est cette arrogance française que je n’aime pas et que je retrouve chez Fauvelle.
Comment parler de l’histoire de l’Afrique sans connaître les confréries secrètes et sans y être initié, ce qui est possible. Veillez donc, je vous en prie, à ne pas « introniser » un tel personnage, ce serait lui rendre un trop grand service.€
Oruno D. Lara.
 CERCAM. »
Notre commentaire: Comme quoi les choses sont souvent plus complexes qu’il ne paraît ! Et comme le dit le proverbe africain :  « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter la gloire du chasseur. »
Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version