25 ans au service des plus démunis !

Depuis 2002, l’Association Citoyenne pour l’Insertion Solidaire et Economique Samu social ou ACISE s’est donné une mission : aider les Martiniquais relégués au banc de la société, ceux qui connaissent des conditions de vie extrêmes et qui parfois refusent cette aide. Avant tout, il s’agit de leur proposer un toit et une nourriture aussi réguliers que possible. Monsieur Dominique Edouard Lagier, Directeur de l’ACISE et homme très passionné, a bien voulu nous éclairer sur cette association.

Pouvez-nous nous parler de cette Association, créée en 2002 ? Qui sont les résidents de l’hôtel social, situé à Fort-de-France ?

« Nous pensons qu’aujourd’hui, il y a des travailleurs sociaux, des professionnels, formés de manière spécifique pour s’occuper de ce public particulier. »

A l’origine, l’ACISE avait pour objectif de prendre en charge les « clochards » et les toxicomanes de nos rues, nos villes et nos campagnes. A cette époque, nous avions une mission immédiate qui consistait en cela : leur permettre d’avoir accès aux soins et à la nourriture. Il n’était pas encore question de les héberger mais qu’ils se portent au mieux, sur le plan sanitaire, dans l’environnement de la ville de Fort-de-France. Nous devions faire en sorte que ces personnes ne se dégradent pas. Une grande dame, Marie-Rose Mauny, décédée depuis, avait créé l’APEX, Association de Prévention et de l’Exclusion Sociale, première association structurée pour prendre en charge ces populations vivant dans des conditions extrêmes. J’ai donc rejoint Madame Mauny et nous avons travaillé ensemble sur une nouvelle manière de prendre ces personnes en charge. Donc en fait, on pourrait dire que l’ACISE est la « petite sœur » ou la suite logique de cette association APEX, parce que justement comme il fallait élaborer des missions un peu plus structurées, nous avons changé la gouvernance et l’organisation associative.

Notre association est née en 2002, grâce à la volonté de la ville de Fort-de-France, grâce à Aimé Césaire alors maire de la capitale. Il a mis un bâtiment à notre disposition, où se trouve l’hôtel social aujourd’hui, pour accueillir les Sans Domicile Fixe, les personnes en errance. Ainsi, ils pouvaient être nourris, lavés, habillés et donc d’être vraiment pris en charge au niveau sanitaire. Mais malgré cet hébergement d’urgence, on a réalisé que cela ne suffisait pas. Nous nous sommes rendu compte que nous devions leur proposer de se poser, de se stabiliser, pour tenter avec elles une démarche évolutive, pour ne pas les renvoyer dans la rue ensuite ! A l’époque, on ne pouvait héberger que 5 personnes, étant donné que la Direction Départementale Affaires Sanitaires et Sociales de l’époque nous avait octroyé un financement pour 5 places.

Très rapidement, le besoin s’est fait sentir d’augmenter le nombre de places et la DDASS nous a suivis. Le nombre de résidents est alors passé de 10 à 25 ! Nous devions convaincre ces personnes suffisamment pour qu’elles acceptent de venir dormir dans un lit et avoir envie de continuer à le faire ! On a bien compris que, pour elles, c’était compliqué d’installer leur vie dans la rue, de cohabiter dans un espace urbain et de se l’approprier. Très rapidement, nous avons réalisé qu’il fallait aller plus loin que l’hébergement d’urgence. Nous avons donc créé l’hébergement de stabilisation, pour que les personnes puissent dormir et y rester, pendant six mois, un an ou deux, le temps que leur situation globale change. Mais nous voulions davantage pour ces résidents. Nous avons alors créé l’accueil de jour, avec une équipe médico-sociale, pour leur permettre de s’inscrire dans une dynamique de prise en charge et d’accompagnement socio-éducative et sanitaire. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait des personnes dans la rue que nous n’arrivions pas à toucher puisqu’elles étaient éparpillées un peu partout.

Nous avons donc créé le Samu social. L’équipe mobile avait pour objectif d’aller à la rencontre de ces personnes, quel que soit l’endroit où elles se trouvaient. Elle a alors établi un lien avec elles, elle a commencé à mettre en place une relation humaine, à travers la parole, pour maintenir cette relation suffisamment longtemps et entrainer une adhésion des démunis vers une prise en charge. Nous sommes ensuite passés à une organisation plus sérieuse de prise en charge sanitaire. Ces personnes n’avaient pas de protection sociale. Nous avons créé cela pour que, dès qu’elles en avaient besoin, elles puissent être vues et suivies par des médecins, à court ou à moyen terme, pour que ces personnes, quand elles étaient malades ne se retrouvent plus dans la rue.

Les résidents de l’hôtel social sont des personnes qui ont été recueillies dans la rue, identifiées, repérées par le Samu social, qui ont accepté de venir dans notre Centre d’hébergement et de le fréquenter. Elles ont souhaité s’inscrire dans une démarche globale d’accompagnement. On ne peut rien faire sans leur accord. Les 80 personnes hébergées chez nous habitaient dans la rue et ont considéré de manière déterminée que la rue n’était plus leur espace naturel d’existence. Elles ont accepté de venir pour sortir de cette spirale d’exclusion dans laquelle elles se trouvaient. Dans ce groupe de personnes, il y a une typologie spécifique particulière. Il y a des toxicomanes, des personnes souffrant de troubles du comportement ou malades mentaux, des personnes sortant d’incarcérations, des personnes qui sortent de rupture familiale. On accueille également celles qui se retrouvaient à la rue et qui n’avaient pas de lieu d’hébergement, des femmes (30 % environ) qui ont connu des conditions difficiles soit dans leur foyer initial, soit par rapport à une situation de départ désavantageuse pour elles. Ces gens peuvent avoir connu l’inceste, n’avoir pas connu la sécurité nécessaire pour s’épanouir et ont vécu des choses compliquées, difficiles au cours de leur vie.

Il y a aussi des jeunes âgés de dix-huit à vingt ans, qui sortent d’une prise en charge d’aide sociale à l’enfance, car le système, tel qu’il fonctionne, fait que ces « enfants » sont pris en charge soit en milieu fermé, soit dans des familles d’accueil pendant toute leur prime jeunesse. Mais à dix-huit ans, s’ils n’ont pas évolué de manière gratifiante, on les met dehors ! L’Aide Sociale à l’Enfance est aujourd’hui gérée par la Collectivité Territoriale de la Martinique. Si les jeunes n’ont pas un membre de leur famille qui accepte de les récupérer, ils se retrouvent à la rue. Toutes ces personnes que je viens d’évoquer sont des victimes du fonctionnement de la société, car lorsque que vous n’êtes pas « dans les clous », tout est organisé pour que vous soyez exclu du fonctionnement de la société dite « normale ». Cela arrive petit à petit, jusqu’au jour où ces personnes réalisent qu’elles ne sont pas des citoyens. Elles organisent donc leur mode d’existence, dans leur propre milieu pour s’en sortir. La plupart de ces personnes sont en mode « survival ». On a tendance à les regarder comme des fainéants, des gens qui ne veulent rien faire, des parasites, etc…mais on est loin de la réalité.

En effet, quand un jeune de 17-18 ans a fumé son premier crack, c’est fini pour lui, parce qu’il a déjà abîmé une partie de ses neurones ! Le problème, c’est que le crack est tellement puissant que l’accoutumance va s’installer et ce que l’on appelle l’addiction généralement va prendre une place importante dans sa vie.  Elle ne va penser qu’à cela, jour après jour, jusqu’à l’autodestruction. C’est un ensemble de circonstances, de réalités concernant la drogue, l’alcool, l’inceste, les violences familiales. Tout cela existe ! Mais heureusement, une grande majorité arrive à s’en sortir : quand les personnes acceptent de coopérer, la situation évolue assez rapidement. Le plus difficile, c’est quand la personne est addict et présente des troubles mentaux ; c’est ce que l’on appelle la comorbidité. Les personnes concernées ont besoin d’être soignées sur du long cours.

Pourquoi avez-vous choisi, depuis 25 ans, de vous occuper de cette population dite précaire ?

Figurez-vous que j’étais destiné à être un gestionnaire d’entreprise. J’ai commencé à gérer une entreprise de grande distribution, un supermarché de 1200 m2. Je l’ai fait durant une dizaine d’années puis j’ai changé. J’ai toujours été proche des personnes en difficulté, car l’amour des autres cela signifie beaucoup pour moi. Mon père nous a élevés dans cet esprit d’aider les autres. Après mon expérience dans la distribution, j’ai ressenti le besoin de changer de cap, non pas parce que cela ne me convenait pas mais intérieurement, je sentais qu’il y avait la nécessité de faire autre chose qui soit au service de l’humain. Je suis parti alors que j’étais déjà marié et que j’avais déjà mon premier enfant. J’ai laissé femme et enfant, en Martinique, pour faire des études pour un diplôme d’éducateur. Je revenais régulièrement dans l’île, si bien que j’ai pu poursuivre ma formation et m’occuper de ma famille. Même si nos ressources étaient faibles, je n’ai jamais regretté mon choix, parce que là j’ai découvert ma vraie vocation.

C’est donc ainsi que j’ai commencé à m’intéresser à cette population en difficulté. Lors d’un stage en milieu pénitentiaire, j’ai eu la chance de rencontrer Marie-Rose Mauny ; elle était infirmière. J’ai vraiment eu la conviction, le sentiment que j’étais fait pour cette mission. On pourrait presque parler d’appel ! Il était important que j’aide les gens.  Quand on a commencé, beaucoup de personnes, même dans ma propre famille, dans mes relations, s’étonnaient de ma volonté aussi forte de vouloir me consacrer à ce milieu. Ils ne comprenaient pas mon choix ! Mais celle qui m’a soutenu, accompagné dès le départ, c’est mon épouse. Bien sûr, cela n’a pas toujours été facile, notamment dans les relations avec les personnes rencontrées dans la rue. En effet, il y a vingt-cinq ans, ceux que l’on rencontrait dans la rue, c’étaient des crack-men. Certains étaient violents, dangereux ; le crack venait d’arriver et ceux qui en consommaient n’avaient pas la maîtrise de cette drogue. Ce produit était consommé n’importe comment et on a dû faire face à de nombreuses crises de violence. A plusieurs reprises, Madame Mauny a été agressée mais elle a tenu bon, car elle se disait que l’attitude des consommateurs de ce produit n’était pas de leur faute. C’est aujourd’hui le leitmotiv de mes collègues et moi : ce sont des victimes donc nous devons trouver les bons moyens de communication pour garder le contact avec eux.

Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien ?

Aujourd’hui, il faut avouer une chose, c’est que les services de l’Etat, les collectivités en général, ont pris conscience de la nécessité d’accompagner ce public, à travers des institutions, des structures. Ce n’était pas le cas il y a dix ou quinze ans. Maintenant, ils réalisent vraiment qu’il y a une problématique de l’errance, de personnes sans abri en Martinique. On note quand même des manques, des insuffisances liés à des besoins matériels. Nous pensons qu’aujourd’hui, il y a des travailleurs sociaux, des professionnels, formés de manière spécifique pour s’occuper de ce public particulier. Si nous devions formuler une demande, ce serait d’augmenter ces moyens humains, de développer la formation des gens ayant fait des études pour cela. Au cours de la formation des travailleurs sociaux, l’accent devrait être davantage mis sur ces publics isolés, en errance, parce que n’oublions pas que ces gens ont d’abord été dans une famille, avant de se retrouver isolés. Il y a également les personnes âgées, car certaines vivent dans la rue. Elles ont élevé des enfants, ont eu une vie normale pendant quelques années. Mais soit parce qu’elles ont perdu leur mari, leur compagnon, soit parce que leurs enfants ne s’en occupent plus : elles se retrouvent seules. Parfois, elles doivent vivre avec moins de cinq cents euros par mois, dans une maison très insalubre. Les difficultés rencontrées sont d’ordre matériel.

Nous pensons qu’il faudrait spécifier la prise en charge, faire en sorte par exemple que ces personnes âgées bénéficient d’un dispositif adapté à leurs conditions. Les personnes souffrant d’addictions ou de comorbidité doivent trouver une aide propre à leurs difficultés. En résumé, il faudrait que chaque catégorie des problématiques puisse être prise en charge de façon spécialisée. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. A l’ACISE, il y a cette multiplicité de profils qui sont accompagnés, recevant les mêmes prestations mais qui ne sont toujours celles dont elles ont besoin pour sortir de leur situation. Il nous faut des moyens matériels supplémentaires : des bâtiments, des espaces plus nombreux, plus grands, des terrains, des complexes pour un public qui lui, est multiple, des espaces de sommeil, d’activités. Seule une partie des gens en errance a pu accéder à ces chantiers, par rapport aux exigences. Il faudrait qu’ils puissent suivre des formations, dans un parcours d’accompagnement professionnel.

Compte tenu de leur parcours sanitaire, certains des SDF ne sont pas en capacité cognitive d’étudier. Malheureusement, certains n’auront jamais accès à un poste de travail, parce qu’ils sont trop dégradés, leur situation mentale est trop affaiblie. A l’avenir donc, il faudrait créer une manière d’existence pour ces personnes, qui diffère de ce que l’on attend généralement. Cela leur permettrait de sortir de l’espace urbain, de manière digne et humaine. Nous n’en sommes pas là, puisque la société cherche à inscrire ces personnes dans des cases préétablies. Il faudrait consacrer un budget spécialement pour ce public-là ! On se contente de constater que sur une population de près de 370000 Martiniquais, le nombre de démunis se trouve entre 500 et 1000 personnes, donc ce n’est pas très important ! Nous travaillons avec les collectivités, les services de l’Etat, pour développer une dynamique d’identification et de prise en charge des problématiques de ce public en grande souffrance, pour que des solutions matérielles adéquates soient trouvées, pour les accompagner.

Qui vous aide, en matière de financement, à maintenir votre association à flot ?

En ce qui concerne le volet médico-social, les premiers financeurs sont les services de l’Etat, puis la Direction Régionale de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion Sociale, l’Agence Régionale de Santé. Viennent ensuite les collectivités de la Communauté d’Agglomération du Centre de la Martinique, la Mairie de Fort-de-France et la Collectivité Territoriale de la Martinique. Au niveau de l’insertion, ce sont d’autres financeurs. Nous sommes une Association qui avons un agrément ministériel pour œuvrer dans le sens de notre mission reçue par l’Etat. Nous devons gérer les structures de prise en charge des sans-abris.

Quel type de professionnels y travaille ?

Nous avons des travailleurs sociaux, des assistantes sociales, des éducateurs spécialisés, des agents de médiation, un psychologue, un médecin, des infirmiers, un animateur général. Ce dernier s’occupe de créer une dynamique d’animations éducatives chez notre public. En marge de ce personnel, il y a un service administratif comptant cinq personnes avec des cadres socio-éducatifs pour gérer tous ces établissements.

Le 26 décembre, le jeune nageur de 13 ans, Christophe Maleau qui s’est illustré par un 3 ème défi en mer en traversant le Canal de Sainte-Lucie, vous a rendu visite. Comment cela s’est-il passé ?

Au niveau de la Direction, mais surtout chez les résidents du Centre d’hébergement, pour nous c’était un honneur de le recevoir ! Personnellement, quand je voyais à la télévision ce qu’il a réalisé, j’avais des frissons. Je me disais que ce n’était pas possible ! D’où sortait cet enfant ? Etait-il un envoyé ? Avait-il reçu une mission ? Il ne le sait pas encore mais je reste persuadé que oui ! Comment un enfant peut avoir une telle force mentale ? C’est cela qui m’a surtout impressionné. Physiquement, physiologiquement, les enfants sont faits pour avoir de l’endurance. Ils grandissent, ils se développent. Mais la force mentale de Christophe Maleau est extraordinaire. Je pense que sa mission est de l’ordre du spirituel ! On a parlé du Dalaï-Lama, de Martin Luther King, de Gandhi, mais ce jeune-là ! Evidemment, il a réalisé un énorme effort physique mais pour le faire, cela demande quelque chose que nous n’avons pas de manière naturelle. De plus, ce qui était plus important pour les personnes dont nous avons la charge, c’était de voir cet enfant venir à l’ACISE, pendant la période de Noël, pour la première fois. Il y a tout un symbole derrière sa visite. Il a choisi de porter une parole de solidarité, d’amour, de réconfort, mais surtout des mots pleins de sagesse dans certaines expressions qu’il a pu utiliser. Pour nous, c’était un honneur mais aussi une grande chance, parce que nos résidents ont reçu cet accueil comme quelque chose de très fort.

Lors de notre moment de « remédiation », d’échange avec les résidents, parce que justement c’était un enfant, ils ont reçu cela comme un encouragement à donner du sens à leur présence à l’ACISE. Parfois, la force de l’affect disparait, compte tenu de leurs conditions de vie, à cause de barrières, de blocages que le cerveau fait pour ne rien ressentir. Plus on accompagne ces personnes, plus l’affect reprend le dessus. Ce jour-là a vraiment été un moment de communion pour nos résidents mais aussi pour nos salariés. Ces derniers ont été encore plus touchés que les résidents . Nous avons l’habitude d’organiser des fêtes, le Préfet vient nous voir, mais cette fois, c’était différent. C’était exceptionnel, particulier. Christophe a apporté une sorte de sérénité dans la pensée bouleversée. J’ai entendu un de nos résidents dire « je suis fier d’avoir vu ce petit bonhomme ! ». Une des résidentes a dit « quand je l’ai vu, je me suis que ce n’était pas possible ! ». Pour nous, cette visite était un signe, car il est venu avec un message, en dehors des cadeaux qu’il a apportés. Nos résidents sont très attachés aux mots, à la parole car c’est la seule chose qu’ils ont à échanger avec nous. Ils n’ont rien, donc ils ne peuvent rien offrir mais ils ont la parole, pour lier des liens avec les autres !

Visite de Christophe Maleau à l’ACISE :

« On a parlé du Dalaï-Lama, de Martin Luther King, de Gandhi, mais ce jeune-là ! Evidemment, il a réalisé un énorme effort physique mais pour le faire, cela demande quelque chose que nous n’avons pas de manière naturelle. De plus, ce qui était plus important pour les personnes dont nous avons la charge, c’était de voir cet enfant venir à l’ACISE, pendant la période de Noël, pour la première fois. Il y a tout un symbole derrière sa visite. Il a choisi de porter une parole de solidarité, d’amour, de réconfort, mais surtout des mots pleins de sagesse dans certaines expressions qu’il a pu utiliser. Pour nous, c’était un honneur mais aussi une grande chance, parce que nos résidents ont reçu cet accueil comme quelque chose de très fort. »

Pouvez-vous nous parler de votre mission pour 2021 ?

Nous sommes toujours dans cette recherche d’innovation, de recherche de solutions et en 2021, nous aurons deux grands dispositifs. Le premier est d’ordre sanitaire : nous aurons 28 lits médicalisés pour accompagner les personnes malades dans un cadre médico-social. Tous ces publics marginalisés pourront être pris en charge dans des espaces qui leur seront dédiés. Ces lits seront financés par les Services de l’Etat, à travers l’ARS. Pour nous, c’est une révolution. Le second grand projet concerne l’insertion. Il a fait l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt du Ministère, au niveau national. Cela s’appelle « Projet pour l’accueil et l’insertion, l’accompagnement des grands marginaux ». Chaque département, chaque région devait présenter un projet piloté, dynamisé par les services de la Préfecture. En Martinique, c’est l’ACISE qui a été choisie pour travailler avec d’autres partenaires, tels que la Croix-Rouge, le Centre Communal d’Action Social, l’Association des Personnes Agées du Lamentin et l’Equipe Mobile de Rue et d’Insertion.

Au niveau national, on a constaté que s’il y a des personnes sans domicile qui acceptent d’être prises en charge facilement, autrement dit acceptent « la main tendue », d’autres la refusent catégoriquement ! Ces dernières ont été « abîmées » durant de nombreuses années à cause du fait qu’elles n’avaient pas de domicile et étaient exclues à cause de la drogue, l’alcool, les maladies somatiques qui n’ont pas été soignées mais supportées pendant un temps très long, et les troubles mentaux.

On a donc réalisé qu’il n’y avait pas de dispositif spécifique à leur prise en charge. C’est important, vu qu’avant il n’y avait rien ! L’objectif est de permettre à ces personnes de reprendre le chemin de la socialisation à leur rythme, en tenant compte de la complexité de leur problématique, de leur situation sanitaire, sociale, médicale. L’idée est de créer des espaces spécifiques, pour qu’elles ne soient pas totalement installées dans un mode d’existence qui ne leur conviendrait pas. On a fait l’inverse en fait. On dit que pour que quelqu’un soit inséré, il doit être dans un logement, avec une salle de bain, une cuisine etc. C’est ce que la société préconise pour un citoyen dit « normal » ! C’est ce que l’on fait, à l’ACISE.

En ce qui concerne les grands marginaux, c’est différent. Ce sont des gens qui aiment leur liberté, qui se sont adaptés en fonction des problèmes rencontrés depuis de longues années, à un espace particulier, à un environnement, à qui on ne peut imposer, du jour au lendemain autre chose, même à l’ACISE ! Il faut leur proposer quelque chose qu’ils doivent accepter, chaque fois qu’ils en auront envie. A côté de ce type d’hébergement que nous allons créer, il y aura une équipe médico-sociale et sanitaire, constituée des spécialistes de toutes les associations qui adhèrent à ce projet : médecins, spécialistes de l’addiction, psychiatres, infirmiers, assistances sociales etc. Ils iront à la rencontre de ces personnes et garderont le lien entre le lieu qui leur sera destiné et un espace dédié, pour les prendre en charge, pour les écouter, pour établir la relation entre ces personnes et la rue qu’ils quitteront petit à petit. C’est une sorte de triptyque : la rue, un espace dédié pour un accompagnement coordonné et l’espace pour les héberger.

Les Services de l’Etat l’ont bien compris : ce dispositif sera nouveau, expérimental, sur une durée de trois ans par exemple. Après la période d’essai, on va évaluer l’action qui aura été menée et voir si on doit la poursuivre. De nouvelles orientations pourront alors être envisagées.

Chez nous, on dit Se grenn diri ka plin sak. Avez-vous un message à faire passer aux Martiniquais ou à d’autres personnes, qui voudraient aider votre Association ?

Oui, le message est le suivant : il concerne le regard. Même si cela a évolué positivement, nous souhaitons que les Martiniquais aient un nouveau regard, plus compatissant, d’amour, tout simplement ! Ici, nous avons trop tendance à considérer tout ce qui n’est pas dans la norme comme quelque chose à rejeter ou à regarder de façon réprobatrice. Parfois, on a même peur de regarder car cela nous renvoie une image de ce qui pourrait nous arriver, à nous ou à nos enfants.

Je vais m’adresser aux Collectivités et à tous ceux qui ont les moyens financiers ou matériels de nous aider. Aujourd’hui, nous avons besoin d’espaces, de bâtiments suffisamment grands pour accueillir toute cette population qui ne manquera pas de grandir ! Les Martiniquais doivent bien comprendre que, compte tenu du contexte économique actuel, il y aura de l’exclusion !

J’ai un autre souhait : celui-ci concerne la personne de Marie-Rose Mauny. Je ne voudrais pas que l’on oublie celle qui a tant œuvré pour les démunis. Elle a pratiquement donné tout son temps voire sa vie en se mobilisant pour eux. A une époque où rien n’était mis en place pour eux, Madame Mauny avec le concours du Docteur Lecurieux-Lafferronay, le premier Centre d’accueil pour les alcooliques. J’aimerais qu’un hommage soit rendu à cette infirmière, qu’une salle ou un lieu quelconque porte son nom.

Avez- vous autre chose à ajouter ?

Je voudrais rendre hommage à mon équipe : l’équipe socio-éducative et sanitaire, le Samu social, pour le travail extraordinaire qu’ils fournissent tous les jours ! Ils font preuve de bonne volonté, d’abnégation, parfois ils prennent des risques mais ils apportent tout leur cœur pour le mettre au service des plus démunis, dans la rue ou au sein de la résidence. Aujourd’hui, j’ai un grand coup de coeur pour tous ces salariés. Madame Laloupe Géraldine, la Cheffe de service du Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale, est pour moi comme une « envoyée », avec son grand charisme et son immense capacité à mobiliser, autour d’elle, les énergies de l’ensemble des travailleurs sociaux et même au-delà ! Pour tous les partenaires, l’objectif est le même : aider, apporter du soutien, accompagner, et montrer à ces personnes qu’on les aime !

Je n’oublie pas mon Conseil d’administration, avec Madame Claude Formont qui le préside et conduit l’institution depuis plusieurs années.

Sonia JEAN-BAPTISTE-EDOUARD

 

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