La réduction des émissions de carbone est un objectif atteignable mais il est loin d’être évident que la planète y parvienne. Que pouvons-nous d’ores et déjà anticiper pour minimiser l’impact du dérèglement climatique sur la vie des Français ?

Atlantico : Le premier volet du nouveau rapport du Giec vient de sortir. Si l’on devait définir quels vont être les champs les plus touchés par le réchauffement climatique, y compris dans une hypothèse au-delà de 2°C, quels seraient les impacts majeurs ?

François-Marie Bréon : Tout d’abord je tiens à préciser que je suis avant tout un passeur de sciences à partir de ce que je peux lire. Par ailleurs, il est important de rappeler que le Giec travaille en trois groupes, le premier sur les sciences du climat, le second sur les impacts du changement climatique et le troisième sur les adaptations et l’atténuation du phénomène. Ce rapport est celui du premier groupe et il faudra attendre 2022 pour avoir les deux autres rapports. Ce n’est donc pas les thèmes centraux du document qui vient de sortir.

Ensuite, pour répondre à votre question, il faut d’abord préciser de qui on parle. S’il s’agit du cadre vivant à Stockholm qui travaille dans la finance ou du paysan au Sahel, les impacts ne sont pas les mêmes. J’ai souvent tendance à dire que l’adaptation au changement climatique en France paraît relativement envisageable, même si on va avoir des conséquences importantes. La France est relativement favorisée car nous ne sommes pas en zone critique sur le plan du climat et nous disposons aussi des ressources pour nous adapter. On peut envisager de dépenser une partie de nos revenus pour isoler nos habitations, acheter des climatiseurs, etc. Ce ne sera évidemment pas la même chose en Inde ou au Sahel. D’une part car leurs revenus dépendent directement du climat via l’agriculture et d’autre part car ils n’ont pas les mêmes moyens. De même, l’impact pour un Grenoblois ne sera pas le même que pour un Nantais. Une fois cela posé, on peut évoquer les effets principaux. Bien évidemment, une hausse des températures et surtout des températures extrêmes. On l’a déjà vécu en France en 2003, en 2019, au Canada cette année, etc. Une hausse des températures signifie plus de difficultés à vivre et un impact éventuel sur la mortalité. Ensuite, des effets sur l’agriculture – de nombreux produits agricoles vont voir leurs rendements diminuer -, etc. À cette hausse des températures s’ajoute une modification des précipitations, qui seraient plus intenses, qui va elle aussi jouer sur la capacité à se nourrir. On observe déjà aujourd’hui des épisodes plus extrêmes, comme récemment en Allemagne ou à l’automne dernier en France dans la vallée de la Roya. On va devoir vivre et s’adapter à ces phénomènes et aux destructions qu’elles engendrent. Le dernier effet important est l’élévation du niveau de la mer. L’impact change selon qu’on vit au bord de mer ou non. Mais ce qu’il faut avoir en tête est que c’est un phénomène irréversible. Même si on arrive à stabiliser le climat on va limiter les dégâts mais les mers vont continuer de monter.

Considérant cela, y a-t-il des phénomènes que l’on peut déjà anticiper pour se préparer «au pire » ?

On sait qu’il est relativement facile pour l’agriculture de s’adapter. D’une année sur l’autre il est possible de planter différemment. On a déjà des blés plus résistants que d’autres. Donc cela ne demande pas une anticipation énorme. En revanche, les choses sont différentes pour les forêts. Elles mettent plusieurs dizaines d’années à pousser. Il est donc important, dès aujourd’hui, de planter des espèces adaptées au climat dans 20, 30 ou 40 ans. Il faut également réfléchir aux infrastructures, par exemple au bord des rivières. Les fortes crues risquent de devenir plus nombreuses et demandent une adaptation. Il faut aussi anticiper la hausse des températures par une meilleure isolation des bâtiments, adapter l’architecture – en regardant dès aujourd’hui ce qui se fait en Espagne pour construire en Corrèze -. L’adaptation sera évidemment plus compliquée dans certains pays ou la température pourrait fortement augmenter. L’adaptation pourrait être, pour certains, d’anticiper la migration. Mais je ne suis pas spécialiste de ces questions.

Le rapport du Giec dit-il quelque chose de fondamentalement différent des précédentes éditions ?

D’une part, le degré de certitude augmente. Ce qui m’a surpris, à titre personnel, c’est la position sur les cyclones. Le Giec était très prudent sur le lien entre réchauffement climatique et augmentation des cyclones. Dans ce sixième rapport, cela est dit plus explicitement. A mon sens, il y a aussi eu un effort pédagogique un peu meilleur. On constate aussi un accent mis sur les changements régionaux. Le rapport détaille région par région ce que va signifier le changement climatique. Cela pourrait favoriser l’adaptation. Ce n’est pas la peine de parler de fonte des glaciers dans les pays d’Afrique, mais plus dans ceux où la ressource en eau dépend de la présence des glaciers.

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