Coronavirus : ce que les Etats membres ont mis en place

Synthèse 15.04.2020
Barthélémy Gaillard
Pour bien comprendre comment chacun des 27 Etats membres réagit face à la pandémie de Covid-19 qui frappe actuellement le continent, Toute l’Europe dresse la liste des mesures mises en place par les gouvernements.

Chaque jour, les chiffres le prouvent un peu plus. La pandémie de Covid-19 frappe durement l’Europe, qui déplore plus de 68 000 morts du virus (chiffres de l’université Johns Hopkins arrêtés au 14 avril). Une réalité qui pousse les 27 pays de l’Union européenne à prendre des mesures d’urgence pour lutter contre la maladie depuis de longues semaines maintenant.

Pour bien comprendre les stratégies de chacun et la situation que traverse l’ensemble des Etats membres, Toute l’Europe dresse le bilan des mesures mises en place pays par pays selon trois critères : la gestion des frontières, les mesures sanitaires d’urgence sur le plan intérieur et les mesures économiques de soutien aux entreprises.

La gestion des frontières

C’est l’une des problématiques majeures auxquelles sont confrontés les Etats membres de l’UE. Face à un virus qui circule très rapidement, les échanges dans une économie mondialisée et la libre circulation dans l’espace Schengen peuvent favoriser la propagation de la maladie. Outre le fait que l’Union européenne a décidé de fermer ses frontières pour une durée de 30 jours, sur le plan intérieur, plusieurs gouvernements européens ont donc pris la décision d’instaurer un contrôle plus étroit, voire de fermer leurs propres frontières pour tenter de limiter les risques.

Pour les pays membres de l’espace Schengen (22 des 27 pays de l’Union), des dispositions prévues par l’article 23 du code frontières Schengen prévoient que les Etats peuvent réinstaurer le contrôle à leurs frontières “en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure pour des périodes renouvelables de 30 jours pour une durée maximale de 24 mois.”

Voici ce que les pays européens ont décidé de faire.

Fermeture des frontières (interdiction d’entrée) : République tchèque, Hongrie, Croatie, Danemark, Chypre, Slovaquie (sauf aux ressortissants polonais), Lituanie, Estonie (frontière terrestre avec la Lituanie, frontières maritimes et espace aérien), Espagne, Portugal (uniquement pour les touristes), Finlande, Grèce (frontières fermées à tout citoyen non européen), Belgique.
Fermeture partielle des frontières ou contrôles stricts aux frontières : Slovénie (fermeture de sa frontière avec l’Italie), Autriche (fermeture de ses frontières avec l’Italie, la Suisse et le Liechtenstein), Allemagne (fermeture de ses frontières avec la France, la Suisse, Luxembourg et le Danemark à l’exception des travailleurs transfrontaliers et des transports de marchandises), France (fermeture jusqu’à nouvel ordre des frontières avec les pays non-Européens et contrôles stricts aux frontières avec la Belgique, l’Allemagne et la Suisse), Luxembourg (et incitation au télétravail pour les salariés transfrontaliers, très nombreux dans le Grand-Duché), Pologne (contrôles de ses frontières avec l’Allemagne, la Slovaquie, la Lituanie et la République tchèque, frontières aériennes et maritimes), Malte (ressortissants français, italiens, allemands, espagnols interdits de séjour), Bulgarie (contrôles stricts aux frontières avec la Roumanie, la Macédoine, et la Serbie).
Ouverture des frontières : Italie (mais ses voisins ont fermé leurs frontières et le trafic ferroviaire et aérien est très ralenti), République d’Irlande (maintien de l’ouverture de sa frontière avec l’Irlande du Nord), Pays-Bas (annulation des vols à destination et au départ de la Chine et d’Italie), Roumanie (quatorzaine imposée aux ressortissants de pays comptabilisant plus de 500 cas de Covid-19), Lettonie (quatorzaine pour les ressortissants de pays à risques).

Les mesures sanitaires d’urgence

Deuxième volet des politiques mises en place par les gouvernements européens, les mesures sanitaires d’urgence visent elles aussi à endiguer la pandémie en instaurant une distanciation sociale maximale. Le but : empêcher la propagation de la maladie, extrêmement contagieuse. Cela se concrétise généralement par la fermeture des établissements scolaires, des commerces non essentiels (hors alimentation et santé) et par des mesures de confinement des citoyens à domicile, appliquées plus ou moins strictement selon les cas.

Fermeture des établissement scolaires, des commerces non essentiels (bars, restaurants, cafés, boîtes de nuit, spas, hôtels…) : les 27 Etats membres ont tous pris des mesures allant dans ce sens. Depuis le mois d’avril, certains ont toutefois mis en oeuvre une réouverture progressive. La République tchèque a été le premier pays à avoir pris des décisions allant en ce sens en rouvrant les magasins de construction, de cycles, d’informatique et de réparation le 9 avril. Bien qu’elle ait prolongé son confinement jusqu’au 3 mai, l’Italie a rouvert certains commerces comme les librairies et les magasins dédiés à la petite enfance le 14 avril. Le même jour, l’Autriche a autorisé des milliers de petits commerces à reprendre leur activité, tout en appelant au respect des règles de distanciation sociale. Le 15 avril, enfin, c’est au tour du Danemark de rouvrir ses écoles maternelles et primaires ainsi que ses crèches. Enfin, le 21 avril, la Roumanie devrait autoriser la remise en route des usines automobiles Dacia. A l’inverse, la France a prolongé la fermeture des bars et restaurants jusqu’à nouvel ordre. La Pologne a prolongé la fermeture de ses commerces non-essentiels jusqu’au 19 avril et celle de ses écoles et aéroports jusqu’au 26 avril. La Grèce a quant à elle annoncé que ses établissement scolaires garderaient portes closes jusqu’au 10 mai.
Confinement strict des populations (sorties uniquement autorisées pour faire des courses, du sport, aller au travail ou venir en aide aux personnes fragiles de sa famille) : République tchèque, France (sortie individuelle justifiée par une attestation, confinement prolongé jusqu’au 11 mai), Espagne (début d’assouplissement depuis le 13 avril avec la réouverture de certaines industries et de entreprises de construction, distribution de masques dans les transports en commun), Belgique (les personnes partageant un même foyer peuvent sortir ensemble dans la rue, uniquement pour les courses ou le travail), Chypre (prolongé jusqu’au 30 avril), Pologne (où tout contrevenant s’expose à des peines allant jusqu’à 8 ans de prison, confinement prolongé au 19 avril), Roumanie, Luxembourg, Grèce (avec prolongation du décret jusqu’au 27 avril et contrôles renforcés pour les fêtes de Pâques). L’Italie est confinée jusqu’au 3 mai, mais le gouvernement a dévoilé un plan de sortie graduelle en cinq points.
Confinement relatif des populations (simple appel à rester chez soi ou annulation des rassemblements publics) : Allemagne (simple appel à rester chez soi du gouvernement, interdiction de tout rassemblement de plus de deux personnes, à l’exception de la Sarre et de la Bavière, confinées strictement car les Länder sont décisionnaires en la matière), Slovaquie (le gouvernement a annoncé le 7 avril qu’il envisageait un assouplissement), Croatie, Estonie, Lettonie, Bulgarie (5 ans de prison pour les contrevenants), Finlande (rassemblements de plus de 10 personnes interdits, fermeture des lieux publics et annulation des événements culturels et sportifs), Hongrie (rassemblements de plus de 100 personnes à l’intérieur et de plus de 500 à l’extérieur interdits), Irlande (le gouvernement déconseille “fermement” à ses citoyens de se réunir ou de faire des fêtes en appartement et prolongé les mesures jusqu’au 5 mai), Lituanie (rassemblements interdits), Danemark (rassemblements de plus de 10 personnes interdits, fonctionnaires non-essentiels appelés à rester chez eux, salariés du privé appelés à télétravailler), Autriche (sorties autorisées par groupe de 5 maximum et appel à rester chez soi du gouvernement), Portugal (citoyens appelés à rester chez eux et à ne se déplacer qu’en cas de nécessité).
Stratégie dite de l’immunité collective : la Suède a privilégié la stratégie inverse qui voudrait qu’une fois plus de 60% de la population confrontée au virus, les citoyens produiraient alors leurs propres défenses immunitaires qui les rendraient moins vulnérables face au virus et permettraient ainsi d’éviter un engorgement des services hospitaliers. Cela ne signifie pas que le gouvernement n’a pas pris de mesures pour autant, la Suède ayant interdit les rassemblements de plus de 50 personnes. Le pays affiche néanmoins un taux de mortalité provoquée par le coronavirus supérieur à ses voisins et 2 300 médecins ont écrit une tribune implorant le gouvernement de prendre des mesures plus strictes. Un temps partisans de l’immunité collective, les Pays-Bas ont infléchi leur politique en prônant désormais le “confinement intelligent” et en décrétant la fermeture des commerces non-essentiels et des établissements scolaires.
Cette option de l’immunité collective a également été défendue par le Premier ministre britannique Boris Johnson. Il est revenu dessus puisqu’il a décrété le confinement avec fermeture des établissements scolaires, des pubs, des restaurants et des théâtres avant d’être lui-même contaminé par le virus et hospitalisé entre le 5 et le 12 avril. Il est aujourd’hui hors de danger. La Reine Elizabeth II a quant à elle prononcé un discours incitant les Britanniques à la résilience collective en leur insufflant également un message d’espoir. Un événement très rare puisqu’il s’agit seulement de sa cinquième allocution télévisée en 68 ans de règne.

A noter également que les opérateurs mobiles de plusieurs pays européens comme l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie ou l’Espagne ont accepté de communiquer les données de géolocalisation anonymisées de leurs abonnés pour permettre aux gouvernements d’observer dans quelle mesure les populations respectent le confinement qui leur est imposé. Une mesure aussi mise en place partiellement en France, où Orange a communiqué ces informations à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), permettant par exemple d’établir que 17% des Parisiens avaient quitté la capitale au 29 mars.

Les mesures de soutien économique aux ménages et aux entreprises

La pandémie affecte la santé des citoyens, mais aussi celle des entreprises, dont les activités sont largement ralenties. Pour atténuer les effets de la crise économique qui se profile, les Etats membres ont donc pris des mesures de relance exceptionnelles. Le 18 mars, la Commission européenne a proposé de laisser une latitude “maximale” aux Etats de la zone euro concernant leur déficit, normalement limité à 3% du PIB (la mesure a été adoptée la semaine suivante par les ministres européens). Le 20 mars, elle a dévoilé un “cadre temporaire” autorisant les Etats de l’Union européenne à “utiliser toute la flexibilité prévue par les règles en matière d’aides d’État”. Voici les dispositifs privilégiés par les exécutifs des 27 qui se sont déjà mobilisés en la matière et, pour ceux qui les ont déjà annoncés, les montants des aides engagées :

Garantie d’Etat sur les prêts et prêts publics aux entreprises chiffrés : Allemagne (1100 milliards d’euros et enveloppe illimité de crédits garantis par l’Etat, soit le plus grand programme de relance économique du pays depuis l’après-guerre), France (345 milliards d’euros directement investis et enveloppe illimitée de crédits garantis par l’Etat), Italie (25 milliards d’euros directement investis et 400 milliards d’euros de prêts garantis à 90% par l’Etat via l’agence publique SACE), Espagne (17 milliards d’euros d’investissements directs et 100 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat), Pologne (47 milliards d’euros d’investissement – dont une partie financée par la Commission européenne – soit 9% du PIB du pays dans un premier volet, puis 22 milliards dans un second temps et rachats “illimités” des titres de dettes de l’Etat par la banque centrale), Danemark (13 milliards d’euros d’investissements), Pays-Bas (entre 10 et 20 milliards d’euros d’investissements directs, étalés sur les mois de mars, avril et mai 2020), Suède (45 milliards de prêts garantis par l’Etat aux entreprises), Finlande (5 milliards d’investissements directs, 3 milliards de prêts aux entreprises garantis), Lituanie (5 milliards d’euros d’investissements directs, soit 10% du PIB national), Grèce (5 milliards d’euros d’investissements directs, dont une partie financée par la Commission), Autriche (38 milliards d’euros de fonds de crise), Croatie (590 millions d’euros investis par la Banque centrale pour favoriser l’activité des entreprises).
Aides d’Etat non chiffrées : Belgique, Lettonie, Estonie, Hongrie (moratoire sur la dette et les intérêts des entreprises et des ménages jusqu’à fin 2020), Slovaquie, République Tchèque (série de prêts à taux zéro), Luxembourg (plafond de l’aide d’Etat pour une entreprises en difficulté passé de 200 000 à 500 000 euros), Roumanie (taxe annuelle sur les entreprises repoussée d’un mois et suspension des autres charges), Slovénie (paiements des crédits des entreprises repoussés).
En attente de décision ou absence de données : Portugal, Malte, Bulgarie, Chypre, Lettonie.

Sources utilisées : sites des ambassades américaines et françaises dans les Etats membres, sites des gouvernement français, suédois, danois, hongrois, croate, luxembourgeois et chypriote, site de la Commission européenne et du Conseil européen, tableaux récapitulatifs de la fondation Robert Schuman, live dédié du site Politico

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