Les taux d’incidence explosent en Martinique et en Guadeloupe, respectivement à 1115 et 2175 cas pour 100.000 habitants. CEDRICK ISHAM CALVADOS / AFP


Figaro

En quelques jours, l’arrivée massive des cas de Covid-19 dans les hôpitaux de Guadeloupe et Martinique ont contraint le personnel soignant au terrible choix des patients prioritaires.

«Cet homme non vacciné, atteint de la Covid-19, va mourir dans quelques heures. Il n’est pas éligible à la réanimation, mais il est sous morphine pour abréger ses souffrances. Ici, le tri des patients c’est le quotidien». Joël, urgentiste martiniquais, témoigne de son inquiétude sur Twitter. Dans son CHU de Fort-de-France, les services croulent sous le flux continuel de patients, mais la place est insuffisante pour tous. «Au quotidien, c’est une vingtaine de patients qui auraient besoin de réanimation, mais nous saturons : seulement 5 ou 6 places sont libérées chaque jour», explique à son tour Benjamin Garel, directeur général du CHU de Martinique.

La Guadeloupe fait face au même dilemme : à Pointe-à-Pitre, depuis lundi, les patients à partir de 50 ans ne sont plus systématiquement reçus à l’hôpital, une frontière qui tenait jusqu’à présent à 60 ans. «Les malades au-dessus de 50 ans et ceux en dessous ayant au moins un facteur de comorbidité ne sont plus intubés», ont ainsi confié à la Voix du Nord deux infirmières de Dunkerque, un écho également partagé par plusieurs autres renforts venus de l’Hexagone.

Pourquoi l’épidémie de Covid-19 flambe en Outre-mer plus qu’en métropole«Nous raisonnons par l’éthique»

En venir à «trier» les patients à l’entrée est une perspective terrible pour le personnel soignant. «Il arrive que pour des raisons de disponibilité de lits nous soyons contraints de prendre des décisions difficiles», continue Joël, urgentiste à Fort-de-France. Valentin de la Noue, interne en Champagne et membre de l’Association Nationale des Jeunes Médecins Intensivistes Réanimateurs, s’envolera dans quelques jours rejoindre les renforts en Guadeloupe, et sait d’ores et déjà ce qui l’attend. «Le tri est le quotidien des réanimateurs, même en temps normal. La décision est simplement logique lorsque la réanimation et sa pratique invasive risquent de mettre le patient à trop rude épreuve, étant donné leurs capacités physiologiques. Mais le choix devient problématique lorsqu’il ne relève plus du seul intérêt du patient, mais d’un manque de moyens et de lits».

Avec l’aide de la métropole, les CHU ont déjà plus que doublé leurs capacités d’accueil. En Guadeloupe, «149 des lits de médecine sont dédiés à des patients Covid. Seulement 5 sont encore vides», indiquait mercredi le directeur Gérard Cotellon à l’AFP. À Fort-de-France, 45 lits de réanimation ont été rendus fonctionnels le 12 août dernier, complétés ensuite par 10 lits de l’armée. «Nous comptons 88 lits de réa, contre 20 en temps normal», indique la Préfecture contactée par le Figaro. Des efforts qui se révèlent malgré tout insuffisants face aux besoins. Avec un taux d’incidence explosif de 2175 en Guadeloupe et 1115 en Martinique, les médecins savent que le pire est encore à venir.

«Nous raisonnons par l’éthique : concrètement, nous évaluons qui a le plus de chance de s’en sortir», explique au Figaro Benjamin Garel. «Le choix peut être lié à l’âge, mais aussi aux comorbidités et aux conditions physiologiques en général. Nous faisons au cas par cas», explique le directeur du CHU de Fort-de-France, précisant que les cas en réanimation sont loin d’être les plus âgés. «La moyenne d’âge baisse sans cesse. Aujourd’hui, un tiers de nos lits sont occupés par des jeunes entre 20 et 35 ans», affirme le directeur. «Certains jours, les patients que nous accueillons ne dépassent pas 40 ans».

En dernier recours restent les transferts vers l’Hexagone. Mercredi soir, un avion d’Air Caraïbes a encore évacué huit malades du Covid en détresse respiratoire. D’autres renforts en personnel sont également prévus depuis la métropole. Vendredi prochain, 300 médecins, infirmiers et aides-soignants vont s’envoler pour les Antilles afin d’épauler leurs confrères, après deux premiers vols de 240 blouses blanches début août, puis 120 autres mardi dernier.

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