Pourquoi les effets d’une contamination au Covid-19 sont-ils si variables d’un patient à l’autre ? Une équipe franco-américaine de chercheurs vient fournir de premiers éléments de réponse à cette question susceptible de changer la donne en matière de dépistage des personnes à risque de développer une forme grave de la maladie et en matière de prise en charge.

Selon leurs travaux, près de 15% des formes graves du Covid-19 s’expliqueraient en effet par des anomalies génétiques et immunitaires entraînant la défaillance d’une puissante molécule antivirale, naturellement produite par l’organisme en cas d’infection.

Aussi à l’origine de formes sévères de grippe

Ces recherches, détaillées dans deux articles publiés par la revue américaine Science, pointent plus précisément un défaut touchant des protéines du système immunitaire, des interférons (IFNs) de type 1. “Il s’agit d’un défaut de production ou d’action des interférons de type 1”, souligne le professeur Jean-Laurent Casanova (Institut Imagine, Paris et Université Rockefeller à New-York). Dans le détail, des anomalies génétiques (mutations de 13 gènes) mises en évidence par l’étude diminuent la production des IFN de type I et se trouvent être à l’origine de 3 à 4% des formes graves.

Les mutations de ces gènes sont aussi “la cause de certaines formes sévères de grippe”, précise l’Inserm. Quel que soit leur âge, les personnes qui en sont porteuses sont donc plus à risque de développer une forme potentiellement mortelle de grippe ou de Covid-19.

Les hommes majoritairement touchés

L’équipe dirigée par le Pr Casanova et le professeur Laurent Abel (Institut Imagine/Inserm), en collaboration avec Helen Su de l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID/NIH) a fait une autre découverte. Elle repose sur l’identification chez d’autres patients âgés de 25 à 87 ans d’une forme de maladie auto-immune, en l’occurrence la présence à des taux très élevés dans le sang d’anticorps mal orientés, appelés auto-anticorps. Ces derniers neutralisent l’action anti-virale des IFN de type 1 (chez au moins 10% des formes graves de Covid) au lieu de s’attaquer au virus.

Fait relativement étonnant : d’après les chercheurs, cette anomalie frappe plus d’hommes que de femmes, alors que les maladies auto-immunes (dysfonctionnement du système immunitaire qui le conduit à s’attaquer à certains de ses constituants normaux) concernent généralement beaucoup plus les femmes. En outre, les résultats recueillis laissent supposer que la fréquence de ces anticorps augmente avec l’âge.

Des implications immédiates sur le traitement

L’administration précoce d’interférons, disponibles depuis des décennies et a priori sans effets secondaires notables s’ils sont pris pendant une courte période, pourrait être une piste thérapeutique pour ces patients. S’agissant des malades ayant ces mauvais anticorps, il pourrait s’agir d’utiliser un interféron qu’ils ne neutralisent pas. Ces derniers pourraient bénéficier d’une plasmaphérèse (prélèvement de la partie liquide du sang contenant notamment les anticorps), ou d’autres traitements pouvant réduire la production de ces anticorps par les lymphocytes B.

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