Gilbert Pago. 
La vie d’Édouard Jean Élie est faite autant de permanences que de ruptures mais aussi de contradictions, de combats homériques et de pages plus paisibles qui n’ont néanmoins jamais laissé indifférents.

De son séjour de conscrit en Algérie, il avait ramené le souvenir d’une répression pour cause d’opposition à la sale guerre coloniale menée par la France contre ses “départements” d’outre méditerranée !

Édouard joua un rôle essentiel dans l’opposition rebelle des militaires appelés en 1956 à la « Guerre d’Algérie ». Sa sensibilité aux injustices sociales et son rejet du colonialisme le conduisent lors de son retour d’abord au Parti Communiste Martiniquais ;

il a moins de 30 ans et est en 1964 à 31 ans et en 1965 le candidat aux municipales de l’Ajoupa Bouillon avec un score éclatant face à un ténor du parti socialiste rallié au gaullisme.

Il s’éloigne du PCM en compagnie d’Édouard Delépine et d’une poignée de jeunes camarades alors en discussion pour fonder une organisation axée sur l’émancipation nationale et sociale alors que le paysage anticolonialiste se divisait entre ces deux axes qu’elles ou qu’ils fussent indépendantistes ou autonomistes.

Une partie de cette équipe organisa avec lui la conquête de la mairie de sa ville natale l’Ajoupa Bouillon. Il fut donc un des fleurons du raz de marée électoral de 1971 qui terrassa les caciques de la droite.

Son originalité fut d’emblée d’appartenir à l’aile prolétarienne de cette poussée démocratique. Le GRS trouva donc dans son berceau, ce maire aussi aimé dans sa commune que dérangeant dès le départ pour l’établissement colonial.

Les alliés locaux communistes (ses camarades de sa commune) de cette victoire durent vite constater que le discours indépendantiste n’était pas mis sous le boisseau, que les conseils de quartiers n’étaient pas une promesse électorale sans lendemain, que l’internationalisme affiché se traduisait par des visites de dirigeants de la gauche révolutionnaire de France, des solidarités avec la sulfureuse Grenade de Maurice Bishop, avec les victimes du coup d’état chilien ou avec le Viêtnam héroïque.

L’ambition personnelle aidant le PCM organisa une scission qui conduisit à deux doigts au retour de la Droite. Dans un climat surchauffé par les grèves de fin 73 début 74,  l’Ajoupa maintient en place son maire “trotskiste”. Le PPM en guerre périodique avec son allié PCM se trouva du côté d’Édouard resté fidèle aux valeurs qui en faisait un élu original dans un échiquier dominé, dans le camp démocratique, par la “gauche classique”.
L’évolution du rapport de force politique fut marquée par un double mouvement : un retour électoral en force de la vieille droite entretenant avec maestria la “peur du largage” et l’élection de François Miterrand qui enhardit son principal soutien sur place le PPM de Césaire.

C’est dans ce contexte qu’Édouard Delépine, un des principaux fondateurs du GRS, entraîna Jean-Élie, Duverger et quelques autres dans une intégration au PPM. Nombreux furent ceux qui espérèrent -à tort comme on sait-que cette affaire aurait entraînée la mort du GRS!

Édouard Jean-Élie se prêta en tout cas à une opération qui lui permit, peut-être (?) de conserver son mandat de maire et surtout de conseiller général. J-C Duverger aujourd’hui membre éminent du PPM s’est rappelé “l’honnêteté” d’Édouard Jean-Élie : «  Il a attendu “la fin de son mandat” pour rejoindre le PPM ».

Ses souvenirs se sont malheureusement arrêtés là. Sa mémoire s’est brouillée pour la suite : le lâchage d’É.Jean-Élie par le PPM orchestré avec la participation de dirigeants éminents du parti de Césaire les plus actifs. Les choses allèrent jusqu’à l’alliance ouverte avec la droite par un PPM dont la doctrine officielle était pourtant le soutien aux maires de gauche en place quels qu’ils soient.

En fin de compte,ces péripéties conduisirent au retour de la droite, 25 ans plus tard aux affaires bouillonnaises. Triste ironie de l’histoire : Édouard meurt peu de temps avant la réédition, bien plus tard et dans des conditions évidemment bien différentes, de ce retour en arrière à 1971… à Rivière Pilote !

L’amertume d’É. Jean-Élie suite à cette péripétie, ne l’empêcha pas de rester fidèle à un certain nombre de grandes causes qu’il a épousées dans sa jeunesse : le combat social, l’écologie, l’anticolonialisme, l’internationalisme, le rejet du stalinisme. De beaux souvenirs nous rattachent à ses combats. Parmi ceux-ci, la dénonciation du chlordécone (dont il a peut-être été victime), les forums sociaux internationaux pratiqués ensemble au Vénézuéla ou en Équateur, la lutte contre la loi sur la “colonisation positive” nous reviennent en mémoire.

Revolution Socialiste. 

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