Le Monde. 

Editorial. 

Dans ces territoires, Marine Le Pen a largement devancé Emmanuel Macron lors du second tour de l’élection, dimanche. Cet avertissement traduit l’échec du gouvernement à y tracer une perspective à la mesure des enjeux. Lutter contre cette défiance nécessite une forte implication de l’Etat mais aussi des politiques locaux.

 Les résultats de l’élection présidentielle dans les départements et collectivités d’outre-mer constituent bien plus qu’un avertissement, une alerte. 

Hormis celles du Pacifique, ces collectivités ont placé Marine Le Pen largement devant Emmanuel Macron au second tour.

A l’issue du premier, Jean-Luc Mélenchon y était arrivé en tête.

Ces votes signent l’échec de l’actuel gouvernement à tracer une perspective à la mesure des défis et des enjeux, économiques, sociaux, environnementaux et institutionnels, auxquels sont confrontés les territoires ultramarins et leurs populations.

 Ces votes  montrent la difficulté qu’éprouve l’Etat, pas seulement le pouvoir exécutif, à appréhender les outre-mer dans leur complexité, y compris dans leur dimension mémorielle.

Malgré son engagement incontestable, Emmanuel Macron n’aura pas su, ou pas pu, rétablir le lien de confiance sans lequel tout projet politique est voué à l’échec.

Il a eu beau plaider pour la « réconciliation des mémoires »

et s’être prononcé, dès avril 2018, pour la réalisation d’un mémorial national des victimes de l’esclavage, le chantier est resté à l’état de projet. Il a été bloqué par des dissensions au sein même du comité chargé de le porter.

La fracture entre les outre-mer et la métropole est profonde et ancienne. Le président sortant ne saurait en porter seul la responsabilité, mais sans doute n’a-t-il pas su, ou pas voulu, forcer les barrages qui perpétuent les inégalités économiques et sociales structurelles dans ces territoires.

La priorité, en effet, est de rompre avec un système économique qui conforte les rentes et la dépendance des collectivités ultramarines vis-à-vis de la puissance de l’Etat.

L’urgence, une réalité quotidienne

Ce rapport devient de plus en plus malsain. L’Etat fait l’objet de critiques de plus en plus virulentes, alors même qu’il est fortement mis à contribution dans la résolution de situations économiques, sociales et sanitaires d’urgence.

 Les fortes tensions qui se sont manifestées lors de la crise due au Covid-19 en sont la démonstration criante.

Or, l’urgence est devenue, pour la quasi-totalité de ces territoires, une réalité quotidienne, même si, en comparaison de leurs voisins régionaux, ils apparaissent comme des « privilégiés ».

L’enjeu pour le quinquennat qui s’ouvre est d’établir avec l’outre-mer une nouvelle relation.

Hormis la Nouvelle-Calédonie, où la revendication de l’indépendance par la population kanak reste forte, celle-ci n’est pas le sujet. 

Ce qu’il importe désormais, c’est de construire un projet qui permette à ces territoires d’accéder à une véritable autonomie.

Ils disposent des ressources nécessaires, sont intégrés dans un environnement régional qui offre de nouveaux débouchés. Ils sont aussi en première ligne face au dérèglement climatique.

La France doit rompre avec une relation paternaliste mal vécue avec ses anciennes « dépendances ».

Le moment est venu d’une relation réciproque responsable. Les dirigeants politiques locaux doivent y prendre toute leur part.

L’une des priorités du prochain quinquennat sera de négocier un pacte avec chaque collectivité, pour définir des objectifs de développement, de rééquilibrage et de réformes sociales. 

L’Etat doit s’engager fortement sur les objectifs et les moyens, de la même façon que les dirigeants politiques locaux doivent assumer pleinement leurs responsabilités face à leurs électeurs.

 Cela suppose de rompre avec le jeu de défausse qu’ils ont trop souvent pratiqué. L’objectif peut sembler téméraire, mais c’est souvent dans les situations de crise que se dénouent les problèmes les plus complexes..

 

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