Un beau reportage de notre confrère les Echos. www.lesechos.fr – Agriculture, transports, bâtiments, industrie, énergie ou traitement des déchets ? Quels secteurs émettent le plus de gaz à effet de serre, lesquels respectent leur feuille de route ? Lesquels devront fournir le plus d’efforts ? Le point sur la situation à l’occasion de la COP28.

Source : www.lesechos.fr – Ecrit par Par Pauline Verge, Tom Février – Photo : Le troisième volet de la Stratégie nationale bas carbone, que l’exécutif doit détailler dans les prochaines semaines, prévoit une nouvelle accélération. (« Les Echos ») 

Rénovation énergétique des bâtiments, aide à l’accession d’une voiture électrique, protection des puits de carbone, encadrement des combustibles… Les dispositifs déjà déployés ou attendus pour émettre de moins en moins de gaz à effet de serre en France se multiplient. Mais sont-ils suffisants ?

Le chemin est encore long, et le rythme doit accélérer pour satisfaire les objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Etablie en 2015 puis révisée en 2019, cette feuille de route détermine un budget carbone annuel par secteur jusqu’en 2030. Dans son volet actuel – le deuxième – elle prévoit de limiter les émissions françaises à 311 millions de tonnes (Mt) de CO2e en 2030. Plus ambitieux, les objectifs européens du paquet « Fit for 55 » prévoient de réduire de 54 % les émissions nettes françaises en 2030 par rapport à 1990 – et de 55 % pour l’ensemble de l’Union européenne.

En 2022, la France a émis 403,8 millions de tonnes (Mt) de CO2e. A noter : nous évoquons ici les émissions territoriales du pays, qui ne prennent pas en compte les émissions liées aux échanges internationaux. Si elles donnent un aperçu des efforts à poursuivre et des secteurs vers lesquels les concentrer, elles ne permettent de dresser qu’un portrait partiel de l’empreinte carbone française. En 2021, celle-ci était estimée à 604 Mt CO2e, dont 51 % sont associées aux importations.

Le troisième volet de la Stratégie nationale bas carbone, que l’exécutif doit détailler dans les prochaines semaines, prévoit une nouvelle accélération. Objectif : limiter les émissions territoriales à 270 Mt de CO2e en 2030. Reste à déterminer quels secteurs doivent encore se transformer pour suivre la feuille de route, identifier les leviers à actionner, et les dynamiques à accélérer.

Quels secteurs émettent le plus ?

Les transports trônent en tête des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Ils représentent 32 % des émissions nationales. Un bilan largement tiré par le transport routier, et plus précisément par les véhicules particuliers (52,3 %). Le transport aérien domestique (entre aéroports français) pèse pour sa part 4,7 Mt de CO2e. Deuxième secteur le plus émetteur, l’agriculture française est à l’origine de 19 % des émissions du pays, devant l’industrie (18 %).

Les émissions liées aux bâtiments et à leur fonctionnement sont tirées par les logements : les bâtiments résidentiels ont émis 40 Mt de C02e en 2022 (62,7 % du secteur), contre 24 Mt pour les bâtiments tertiaires comme les bureaux ou les administrations.

Des efforts ont déjà été faits. Depuis 1990, la France a réduit de 25 % les émissions de gaz à effet de serre sur son territoire.

L’effort de cette diminution incombe notamment à l’industrie manufacturière et de la construction, qui a réduit ses émissions de 47,6 % sur la période. Si ce bilan s’explique en partie par l’impact de la crise financière de 2008 et par la hausse des prix de l’énergie, il faut noter qu’il s’inscrit aussi « dans un contexte de dégradation de la balance commerciale française » sur la période, nuance le Citepa – le centre d’études mandaté par le ministère de la Transition écologique pour mesurer la pollution atmosphérique. Il est ainsi possible que cette baisse des émissions ait été compensée par une augmentation des importations.

Les émissions liées à la production d’énergie ont elles aussi chuté, de 43,5 % depuis 1990. A l’origine de cette baisse, l’évolution du mix énergétique et la montée en puissance du nucléaire, et une nouvelle réglementation pour encadrer les installations.

Le secteur des bâtiments à mi-chemin de son objectif

En valeur absolue, certains secteurs ont déjà parcouru plus de chemin que d’autres. C’est le cas de celui des bâtiments, qui émet aujourd’hui 20 Mt de CO2e par an de moins qu’en 2015. Il se situe ainsi à mi-chemin de la cible fixée pour 2030 par la Stratégie nationale bas carbone. Une chute permise par l’amélioration des appareils électriques domestiques et par l’évolution des combustibles utilisés pour se chauffer – en limitant par exemple l’impact du fioul domestique -, mais aussi par l’isolation des bâtiments.

Les émissions liées aux activités agricoles ou au traitement des déchets sont celles qui sont le plus proches de leur objectif actuel pour 2030. La baisse constatée depuis 2015 s’explique en partie par la réduction de la taille du cheptel bovin, qui a perdu environ 400.000 têtes par an entre 2015 et 2021. Une évolution toutefois davantage liée aux difficultés socio-économiques que traverse le secteur qu’à des changements de fond.

Aller plus vite

Dans le secteur des transports, les baisses constatées au cours des dernières années relèvent en partie d’éléments conjoncturels, dont le prix élevé du carburant et le confinement, pointe le Haut conseil pour le climat (HCC). Ses émissions doivent encore fortement chuter pour être dans les clous de la SNBC. Plusieurs freins expliquent ce retard, dont le poids des véhicules thermiques : de plus en plus volumineux et lourds, ils voient leur consommation augmenter. Le manque de véhicules électriques abordables est aussi une difficulté importante, note le HCC.

L’institution recommande notamment de développer encore le trafic de passagers ferroviaires, dont le nombre n’a augmenté que de 1,9 milliard par an entre 2015 et 2019, alors que la SNBC table sur une augmentation annuelle de 6,6 milliards de passagers de 2015 à 2030. Une accélération qui pourrait être rendue possible par l’intensification de la remise en service des petites lignes et des trains de nuit.

Au rythme actuel de décarbonation, seuls les secteurs de l’industrie, du bâtiment et de l’agriculture ont une chance d’être alignés avec les objectifs fixés par la stratégie nationale bas carbone en 2030. Surtout, aucun secteur n’est en voie d’atteindre les objectifs européens pour 2030.

Selon le scénario du partage de l’effort entre secteurs qui doit encore être déterminé par le gouvernement, « le rythme de baisse des émissions devra être multiplié par un facteur 3,5 à 5 pour les secteurs des transports et de l’énergie, un facteur 1,25 à 3,5 pour l’agriculture, 1,4 à 1,6 pour l’industrie, et 1,6 à 1,9 pour les déchets », pointe le Haut Conseil pour le climat.

Pauline Verge et Tom Février

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