France-Chine : le laboratoire des liaisons dangereuses

Ce qui était encore taxé de « fake news » (en français : bobards) au début de la semaine, est devenu une hypothèse qui fait la une des médias : le coronavirus qui terrorise la planète aurait échappé à un laboratoire de virologie de Wuhan, la ville chinoise d’où est partie la pandémie. Mais que cette théorie venue des Etats-Unis soit ou non solidement étayée (nombre de virologues pensent que la transmission s’est faite, via la chauve-souris, à partir du pangolin vendu sur le marché de Wuhan), elle a mis le projecteur sur cet Institut de virologie dernier cri. Ses laboratoires P3 et P4 (pour pathogène de classes 3 et 4) y étudient les souches les plus dangereuses des virus connus. Ce sont les chercheurs de cet institut qui ont séquencé au début du mois de janvier le génome du virus à l’origine de l’infection Covid-19. Or, bien qu’il s’agisse d’installations de très haute sécurité, celle-ci n’y aurait pas toujours été optimale selon une alerte lancée en 2018 par l’ambassade des Etats-Unis à Pékin. Ces derniers jours, harcelé par les médias excités par une grande enquête du Washington Post, l’institut se mure dans le silence.

Le chef de la diplomatie américain Mike Pompeo a accusé le Parti communiste chinois de refuser l’accès des experts au laboratoire d’où pourrait avoir échappé le coronavirus. Mais désormais, Trump et ses collaborateurs ne sont plus seuls à pointer du doigt le manque de transparence de la Chine dans l’origine et la propagation du coronavirus : Emmanuel Macron dans un entretien au Financial Times, vient de déclarer : « Il y a manifestement des choses qui se sont passées qu’on ne sait pas » et a réclamé une réaction des autorités chinoises. Le professeur Luc Montagner, prix Nobel de médecine, est allé beaucoup plus loin en accusant la Chine d’avoir produit le virus, évoquant une tentative ratée de fabrication d’un vaccin contre le sida.

Mais que vient faire la France dans l’histoire de l’institut de Wuhan ? C’est avec son concours actif qu’a été réalisé ce laboratoire P4 de de haute sécurité biologique. L’accord de collaboration remonte à 2004, après l’épidémie de SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) à l’occasion de laquelle la Chine avait déjà été accusée d’avoir dissimulé des informations et manqué d’efficacité.
Craignant des détournements à des fins militaires (guerre bactériologique), les services de renseignement français n’étaient pas favorables à la collaboration française à ce laboratoire P4. Mais c’était l’époque de la lune de miel entre la France et la Chine, sous la présidence de Jacques Chirac et sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Entrepris en 2010, sous l’administration Sarkozy, le laboratoire P4 de Wuhan a été achevé en 2015…et placé comme on pouvait s’y attendre sous la responsabilité exclusive des autorités chinoises.
Le Français Alain Mérieux quitte alors la coprésidence de la Commission mixte qui supervisait le projet. Il déclare au micro de Radio France à Pékin : « J’abandonne la coprésidence du P4 qui est un outil très chinois. Il leur appartient, même s’il a été développé avec l’assistance technique de la France. » La coopération projetée entre le P4 Jean Mérieux-Inserm de Lyon Bron et celui de Wuhan ne se réalisera pas.
La créature avait échappé à son créateur… La mise en exploitation du laboratoire de virologie P4 de Wuhan a officiellement commencé en janvier 2018, lors de la première visite d’Etat d’Emmanuel Macron à Pékin. Mais celui-ci s’est démarqué de ses prédécesseurs par une défiance de plus en plus marquée à l’égard de la Chine, défiance aujourd’hui largement partagée au sein de l’Union européenne.
Philippe Oswald
(Source :LSJD.)

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