Après le secteur financier qui désinvestit les énergies fossiles, est-ce au tour de l’industrie numérique de lui tourner le dos ? Google vient d’annoncer qu’il ne développera plus d’outils d’intelligence artificielle pour des projets d’extraction de gaz et de pétrole. Une décision saluée par Greenpeace, qui s’inscrit dans le mouvement général de Tech for Good, la technologie pour le bien.
La photo:  Google ne va plus fournir d’outils d’intelligence artificielle pour le secteur pétrolier pour s’aligner sur sa politique climatique.
@metamorworks

Google a annoncé en mai que l’entreprise ne développera plus d’outils d’intelligence artificielle (IA) au service de l’extraction du pétrole et du gaz. Une décision saluée par Greenpeace qui n’y est pas pour rien. L’annonce intervient après un rapport de l’ONG sur les liens entre les entreprises du numérique et le secteur des énergies fossiles.

L’intelligence artificielle est largement utilisée par le secteur du gaz et du pétrole et devraient jouer un rôle clé déterminant dans leur développement, selon Accenture. L’analyse et la modélisation avancées des projets d’exploration pourraient ainsi générer jusqu’à 425 milliards de dollars de valeur pour le secteur du pétrole et du gaz d’ici 2025, en augmentant les niveaux de production de 5 %.

Les énergies fossiles, un marché convoité par les géants du numérique

C’est notamment parce que Total était convaincu que l’IA appliquée à l’industrie pétrolière et gazière était “l’une des voies d’avenir à explorer pour optimiser” ses performances que le pétrolier avait conclu un accord avec Google en 2018 pour expérimenter des solutions de machine learning en géosciences. Si Google ne va pas abandonner ses contrats existants, l’entreprise n’en signera plus de nouveaux. Pour le géant du numérique cependant, l’abandon du marché reste plus de l’ordre du symbolique : les solutions destinées au secteur fossile représentent moins d’un pour cent du chiffre d’affaires de son service Cloud (services informatiques en ligne).

Ses concurrents sont plus investis dans le secteur et, logiquement, traînent davantage pour suivre le mouvement. Le marché a de quoi susciter les convoitises : malgré l’effondrement du prix du pétrole, BloombergNEF prévoit que les sociétés pétrolières multiplient par six leurs dépenses en solutions de cloud computing et d’analyse avancée dans les dix prochaines années (de 2,5 milliards de dollars en 2020 à 15,7 milliards prévus en 2030), principalement pour leurs activités d’exploration et de production. Microsoft propose ainsi des solutions d’IA dans toutes les phases de la production de pétrole pour Schlumberger, Exxon ou Chevron. Et le marché des énergies fossiles est aussi fortement ciblé par Aws, la partie web services d’Amazon, leader sur le cloud.

Ces marchés sont pourtant incompatibles avec les ambitions climatiques affichées par les entreprises, dénonce Greenpeace. Microsoft ne pourra jamais atteindre son objectif “Carbon negative” tout en continuant à aider le secteur pétrolier et gazier. À lui seul, son contrat avec ExxonMobil pourrait entraîner des émissions supérieures à 20 % de l’empreinte carbone annuelle de Microsoft, assure l’ONG. Et ce type de double discours peine de plus en plus à passer, auprès même de leurs propres employés. L’an dernier, ils avaient ainsi interpellé la direction d’Amazon pour mettre fin à ces contrats avec les pétroliers.

Mettre l’IA au service des énergies renouvelables

“La pression pour une IA au service du développement durable est de plus en plus forte”, confirme Vincent de Montalivet, responsable de l’offre IA éco-responsable au sein du centre d’excellence IA de Capgemini France. Elle provient à la fois des ONG, des collaborateurs mais aussi des différentes instances internationales. “Ces 20 dernières années, le secteur du numérique s’est considérablement enrichi, on lui demande désormais de participer à créer une valeur durable”, souligne-t-il. Il n’est pas anodin que Microsoft ait lancé un large programme d’AI for Good (L’intelligence artificielle pour le bien) qui développe des projets dans la santé, la biodiversité, la culture ou l’aide humanitaire.

Mais les géants du numérique sont appelés à revoir le cœur même de leur business. Le marché existe : “La bonne nouvelle est que ces IA à finalité durable permettent également une rentabilité économique, précise Vincent de Montalivet. L’IA permet ainsi d’obtenir des gains très importants en matière de consommation énergétique des bâtiments ou dans l’optimisation des énergies renouvelables, de son stockage, de sa revente ou de sa production”. C’est l’option que Google souhaite désormais privilégier.

Béatrice Héraud @BeatriceHeraud

Partager.

Comments are closed.

Exit mobile version