Voici un article que j’ai écrit sur l’état des élections aux USA, intitulé: La fin du Trumpisme?


« Je suis un musicien. Mais j’ai fait Sciences Po et, pendant les trente que j’ai passé aux USA, je n’ai cessé d’observer le monde politique et la société. Je vous fais donc partager mes observations sur l’état actuel suite aux élections.


Avec la victoire de Biden, on a échappé de près à l’avènement d’une dictature, et ceci grâce à la presse libre, le pouvoir judiciaire, et l’indépendance des états fédéraux.

Commençons par rappeler que la victoire de Biden n’est pas en doute,

en dépit des inquiétudes généralisées. Il a besoin de 270 grands électeurs, et il en a 306. Il a gagné la plupart des Etats clés dont la Pennsylvanie, l’Arizona, la Géorgie, le Nevada, le Michigan et le Wisconsin.

 

Parmi ces Etats, son avance est insurmontable. Exemple : en Pennsylvanie, Biden a une avance de 55 000 votes alors qu’il ne reste que 10 000 votes à compter. Il est en avance de 14 000 votes en Géorgie avec 4 000 votes restant à compter. En Arizona, les votes restants viennent du district de Maricopa, le plus démocrate de cet Etat. Et dans les autres états, tous les votes sont déjà comptés.

Il faut aussi savoir que le recomptage, qui ne concerne que la Géorgie pour l’instant, ne changera aucun de ces résultats, puisque cette procédure au final, n’affectera que quelques dizaines de votes tout au plus…

Enfin, le torrent de procès entamés par Trump ne mène nulle part : ils sont rejetés les uns après les autres par les juges, pour manque ou absence de preuve, sachant que la charge de la preuve incombe au plaignant. Les commissaires des différents districts électoraux, qu’ils soient démocrates ou républicains, témoignent tous de la fiabilité sans précédent du processus électoral en 2020, sous la pression des accusations de fraude que Trump émet depuis des mois, en excuse anticipée de sa défaite.

D’ici la fin du mois de novembre, les résultats de chaque Etat seront certifiés, et le reste ne sera qu’une formalité, quelles que soient les actions ou déclarations de Trump.

Maintenant, rappelons pourquoi plus de 77 millions d’américains ont voté contre lui -un record absolu.

. D’abord, Trump est un autocrate. Il a procédé à l’érosion systématique de tous les principes démocratiques. En 2016, il a collaboré avec Putin pour se faire élire, en violation avec le principe d’indépendance des élections. Il a écarté de son cabinet toute personne compétente et s’entoure de valets politiques qui ne servent qu’à acquiescer à ses délires les plus fous.

Il a choisi, à la tête de la justice, un homme qui a essayé de mettre en prison ses adversaires politiques. Il a été empêché pour avoir exigé du président Ukrainien de fausses déclarations contre Biden. Au cours de ces entreprises, il a commis une vingtaine de crimes d’obstructions de justice, dont 12 sont décrits en détail dans le fameux rapport Mueller.

Il a aussi attaqué systématiquement la presse libre, en la déclarant « l’ennemi du peuple ». Notons que cette phrase a été utilisée verbatim par Staline, et que tous les autocrates ont systématiquement sapé la presse, afin de ne légitimer que les médias qui sont à leur botte.

. Ensuite, Trump est un raciste. Il est soutenu depuis le début par toutes les organisations d’extrême-droite : KKK, Néo Nazis, suprémacistes blancs. Il était raciste bien avant sa campagne : condamné pour discrimination au logement contre les Noirs, il a demandé la tête des Central Park Five, même après qu’ils soient innocentés, et il a été le ponte du birtherism par lequel il prétendait qu’Obama n’était pas Américain mais Kenyan et musulman. Son bras droit pendant longtemps a été Steve Bannon, le créateur de Breitbart, l’un des médias les plus racistes.

Depuis son avénement à la présidence il a diabolisé les latinos en allant jusqu’à séparer des milliers d’enfants de leurs parents pour dissuader les réfugiés d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. Il a mené des razzias afin de déporter un nombre record de latinos. Il a essayé de déporter les « dreamers » : les enfants arrivés en bas âge aux USA.

Il a fermé les frontières avec une dizaine de pays musulmans, avec le fameux « Muslim Ban ».

Dans ses diatribes insultantes, ses cibles favorites sont les Noirs, et en particulier les femmes noires…

. Trump n’est pas seulement un autocrate, c’est un plutocrate. Sa plus grande « réussite »a été de passer une loi fiscale qui a opéré une redistribution massive des ressources en faveur des 1% les plus riches de la société. Aucune surprise de la part d’un milliardaire qui paie 750$ d’impôts par an. Afin de favoriser les assurances privées, il n’a eu de cesse de tenter de supprimer l’Obamacare, qui a permis à 80 millions d’américains atteints de conditions médicales préalables, d’accéder à la santé.

. Finalement, Trump est l’empereur d’une bulle de désinformation toxique qui a des conséquences graves pour le monde. Allergique à la lecture et à l’écriture, Trump gouverne par Tweets. Il règne sur une armée de 60 millions de fans pour qui les faits et vérité n’importent plus. Il a menti plus de 25 mille fois en 4 ans. Cela fait 18 mensonges publics et officiels par jour…

Cette réalité parallèle a des conséquences graves.

La première est le déni de la science… Le réchauffement de la planète, la toxicité des énergies fossilisées, le danger des pandémies, tout cela est effacé de la conscience de millions de gens en quelques tweets.

En termes de politique, Trump a décimé toutes les règlementations visant à protéger l’environnement, y compris la protection d’espèces en voie de disparition. Il a annulé les programmes visant à l’expansion de l’économie verte. Il s’est désengagé de l’accord de Paris qui vise à coordonner la baisse des émissions d’oxydes de carbone dans le monde.

Et bien sûr, concernant le Covid, il n’a toujours pas un plan fédéral de test, isolation, suivi des contacts et gestes barrières…

Là où l’Europe voit une deuxième vague, nous en sommes à notre troisième. Le chief of Staff Mark Meadows a clairement indiqué que la politique du gouvernement Trump est d’attendre les vaccins et nouveaux médicaments, et que, pendant ce temps, rien ne sera fait à l’échelle fédérale…

En conclusion, Trump, en bon autocrate, veut encore se saisir du pouvoir en dépit des élections. Mais il fait face à trois piliers de la démocratie américaine : la presse libre, qui a constamment exposé ses vicissitudes et diffuse les résultats de chaque élection dans ses détails les plus infimes. Le pouvoir judiciaire, qui a permis aux juges de rejeter toutes les plaintes infondées de fraude. Et l’indépendance relative de chaque Etat dans le cadre fédéral, qui fait que les commissaires aux élections de chaque Etat ne sont pas sous la coupe de Trump, et peuvent compter les votes en conformité avec la déontologie.

Reste à savoir de ce qu’il adviendra du trumpisme dans les années a venir… 70 millions d’américains ont voté pour lui et il conserve une influence considérable sur la partie de l’opinion constituée essentiellement des Blancs sans éducation supérieure. Est-ce que le Parti républicain deviendra le bastion de la droite fascisante, ou est-ce que, conservateurs fidèles à la démocratie, ils parviendront à en reprendre le contrôle ?  Est-ce que les forces d’inclusion, de lutte contre le racisme et le classisme, et pour l’environnement, l’éducation et la santé publique, l’emporteront sur le long terme ?

Je crois que l’avenir du monde en dépend, et je me battrai jusqu’à mon dernier souffle afin qu’advienne ce projet de société. »

Musicien, compositeur et Associate Professor at Berklee College of Music

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