18 mai 1896

La Cour Suprême valide les lois « Jim Crow »

Les lois « Jim Crow », ainsi surnommées d’après un personnage de chanson populaire, sont apparues après la guerre de Sécession dans les anciens États confédérés du sud des États-Unis. Elles établissaient des distinctions raciales dans les transports, le logement, l’emploi, l’éducation etc. Elles se signalaient aussi par une définition très extensive de l’appartenance à la race noire, selon la règle « Une goutte suffit » (the one-drop rule).

Ces lois furent validées par la Cour Suprême des États-Unis dans le fameux arrêt Plessy v. Ferguson du 18 mai 1896. Par cet arrêt, elle considéra que l’État de Louisiane était en droit de classer le sieur Plessy parmi les « personnes de couleur » du fait d’un huitième de sang noir et que le juge Ferguson pouvait en conséquence lui interdire l’accès aux wagons réservés aux blancs !

En excluant toute relation entre le XIIIe amendement qui abolissait l’esclavage et les lois ségrégationnistes, la Cour Suprême validait le principe separate but equal (« séparés mais égaux »)… Il n’est d’ailleurs pas anodin que ce principe soit formulé dans ce sens et non sous la forme : « égaux mais séparés » : pour les Américains, au contraire des Français, c’est la séparation qui coule de source, pas l’égalité.

« Séparés mais égaux »

On ignore communément que le principe de séparation des races est né avec les États-Unis eux-mêmes : le Naturalization Act du 26 mars 1790 offrit généreusement la citoyenneté aux free white persons (« personnes libres blanches »), autrement dit aux immigrants européens de bonnes mœurs, sous réserve qu’ils aient deux ans de résidence dans le pays.

Il exclut sans le dire les autres immigrants et surtout les esclaves et affranchis africains et les Indiens eux-mêmes. Ces derniers demeurèrent des non-sujets jusqu’à la fin du XIXe siècle, même après que les esclaves noirs furent libérés et dotés de droits civiques.

Tandis que tous les autres citoyens des États-Unis sont issus d’immigrants qui ont librement choisi de s’y établir, les noirs y ont été conduits par la contrainte et les Amérindiens en font partie par le droit de conquête.

C’est la cause profonde du mal-être des uns et des autres et du racisme latent de ce pays, lequel n’a rien de commun avec ce que l’on peut observer dans d’autres pays occidentaux, où le mal-être de certaines catégories d’immigrants vient avant tout de leur difficulté à adopter les codes sociaux et culturels de leur terre d’accueil.

Les lois ségrégationnistes dites lois « Jim Crow »ont retenu l’attention des idéologues nazis dans les années 1930. Elles furent progressivement abrogées dans les années 1950 et 1960, avec en premier lieu l’arrêt Brown v. Board of Education du 17 mai 1954.

Les quotas d’immigration hérités du Naturalization Act furent abrogés le 3 octobre 1965.

Quant aux dernières lois contre le croisement des races, elles furent abrogées le 12 juin 1967 par l’arrêt Loving v. Virginia de la Cour Suprême fédérale qui valida le mariage entre un blanc, Richard Loving (le bien-nommé) et une noire, Mildred Jeter.

Quatre siècles de présence noire aux États-Unis

Au nombre d’une vingtaine, les premiers Africains sont arrivés sur le territoire actuel des États-Unis le 14 août 1619. Achetés à des trafiquants d’esclaves du golfe de Guinée, ils ont débarqué sur la côte de Virginie avec un contrat de travailleur « engagés » similaire à celui des travailleurs européens. Ce contrat leur faisait obligation de travailler pendant trois ans pour leur maître avant de s’établir en homme libre.

Dès le milieu du XVIIe siècle, les planteurs ont cessé de recourir à des « engagés » européens, leur préférant les Africains, mieux à même de supporter le climat tropical du Sud profond (Deep South). Dans le même temps, le statut juridique de ces travailleurs noirs s’est dégradé jusqu’à celui d’esclave, avec transmission héréditaire de ce statut. Les unions mixtes se sont aussi faites plus rares quand elles n’ont pas été interdites par la loi.

Dans la société blanche, un courant esclavagiste justifiant ce statut par la malédiction de Cham s’est très vite opposé à un courant abolitionniste conduit par la secte protestante des Quakers. Mais à la fin du XVIIIe siècle, le développement exponentiel de la culture du coton a entraîné un recours plus massif que jamais au travail servile et à la traite.

Les États-Unis avaient environ un million d’esclaves sur quatre millions d’habitants (à l’exclusion des Amérindiens) au moment de l’indépendance, en 1776. Cette proportion a diminué jusqu’à la fin du XXe siècle avec la fin de la traite et la poussée de l’immigration européenne puis latino-américaine. Aujourd’hui, en 2020, le pays compte environ 330 millions d’habitants dont 39 millions d’Afro-Américains (13% du total).

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