Richard Arzt

Si les autorités chinoises commencent à reconnaître des «lacunes» dans la prévention des maladies infectieuses, elles se défendent vigoureusement contre les accusations de Donald Trump.

Le président américain Donald Trump et le président chinois Xi Jinping. | Andrew Caballero-Reynolds – Anthony Wallace / AFPLes dirigeants chinois ne s’attendaient sans doute pas à ce qu’en Europe et aux États-Unis, leur gestion de l’épidémie de coronavirus soit autant critiquée. D’abord, en Chine, les attaques contre l’autorité gouvernementale ne sont pas courantes. Les sanctions sont immédiates contre quiconque se risque publiquement à en émettre. Ensuite, le pouvoir chinois a pu estimer avoir convenablement géré l’épidémie. La discipline et le confinement généralisé strictement imposés dans la population chinoise ont manifestement obtenu des résultats positifs.

Dès lors, il y a des mises en cause de son action contre le Covid-19 que le pouvoir chinois refuse d’admettre. En particulier, il ne reconnaît pas que l’alerte, donnée en janvier, avait sans doute plus d’un mois de retard sur l’apparition de la maladie à Wuhan. Par ailleurs, le nombre de décès provoqués par l’épidémie en Chine –4.633 selon les autorités–, est peu crédible aux yeux de nombreux scientifiques internationaux.

Sur un autre sujet, l’origine du SARS-CoV-2, la Chine est peut-être en train d’évoluer. En réponse à une demande formulée par les États-Unis et l’Australie, elle a en premier lieu refusé toute enquête internationale sur l’apparition du coronavirus sur son territoire. En mars, des voix officielles à Pékin ont, d’ailleurs, émis l’hypothèse que le coronavirus aurait pu être amené en Chine par des Américain·es participant aux compétitions sportives des jeux mondiaux militaires qui se sont déroulés en octobre à Wuhan. Cette thèse, reprise dans la presse en Chine, semble être désormais largement admise comme très probable par la population du pays.

Cependant, le 8 mai, Hua Chunying, une des porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a déclaré que la Chine était favorable «après la fin de l’épidémie» à ce que soit créé une commission sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin d’évaluer la réponse mondiale au Covid-19.

Du point de vue de Pékin, il s’agirait d’évaluer l’attitude de l’ensemble des pays du monde face à la pandémie et non, bien sûr, de la seule Chine. Il n’est évidemment pas neutre de proposer que cette vaste évaluation se fasse dans le cadre de l’OMS, Donald Trump ayant annoncé en avril que les États-Unis suspendaient leur contribution à cette organisation qu’il considère trop proche de la Chine.

Pékin marque des limites au triomphalisme, reconnaissant même que Li Wenliang était un «héros».

Pour l’instant, ce qui importe à la propagande officielle chinoise, c’est d’affirmer que la lutte contre le Covid-19 a été convenablement menée et que les effets du virus ont été stoppés. Ces préoccupations sont apparues très officiellement dans un symposium organisé à Pékin le 8 mai par le Comité central du Parti communiste en présence du «camarade Xi Jinping».

La Chine reconnaît des erreurs

D’ailleurs, Pékin marque des limites au triomphalisme, allant jusqu’à reconnaître des erreurs. En particulier à propos de Li Wenliang, médecin ophtalmologiste à l’hôpital de Wuhan qui est devenu un «héros».

Il avait, en janvier, été réprimandé pour avoir tenté de donner l’alerte contre la pandémie. Il est mort du coronavirus le 6 février. Les autorités ont décrété fin mars que la réprimande qu’il avait subie était «inappropriée». D’autres médecins, comme Ai Fen, la cheffe centrale de l’hôpital de Wuhan, qui, en janvier, avait elle aussi signalé l’apparition d’un virus inconnu, a enfin donné des nouvelles.

Sur le terrain médical, le régime chinois s’efforce de décrire les difficultés qu’il y a à cerner ce qu’est véritablement ce coronavirus. Le 9 mai, Li Bin, vice-ministre de la Santé, déclare au cours d’une conférence de presse: «La lutte contre l’épidémie de Covid-19 aura été un grand test pour le système et les capacités de gouvernance du pays.» Ce haut responsable du système de santé chinois admet qu’il y a des «lacunes» en Chine dans la prévention des maladies infectieuses. Pour anticiper les épidémies, il estime qu’il vaudra mieux utiliser l’intelligence artificielle et la big data.

Cependant, la Chine estime avoir suffisamment réussi sa lutte contre le coronavirus pour pouvoir marquer des points sur la scène internationale.

Sur le front diplomatique

Des usines chinoises se sont reconverties dans la confection de masques chirurgicaux tandis que d’autres accélèrent la fabrication d’appareils respiratoires ou de scanners. Avec deux sites, l’un à Pékin, l’autre à Tianjin, le Naton Medical Group fabriquait des prothèses orthopédiques et des implants dentaires. Depuis février, l’entreprise produit des masques au rythme de 10 millions par jour. Ce qui représentera un peu plus de 10% des 2 milliards de masques que le ministère de la Santé français a commandés en Chine. Globalement, des entreprises chinoises exportent des masques vers soixante-quatorze pays.

Pékin a beau faire des efforts pour mettre en avant sa diplomatie du masque, son image reste écornée. | Wang Zhao / AFP

Début avril, des exemplaires défectueux apparemment produits dans des entreprises incompétentes sont arrivés en Espagne et aux Pays-Bas. Le ministère chinois du Commerce assure que cela ne se reproduira pas.

Sur le plan diplomatique, la Chine a également décidé d’aller de l’avant. Entre autres, avec les pays du Proche-Orient avec lesquels, depuis une vingtaine d’années, ses relations reposaient sur des fondements avant tout économiques. Elles sont en train de devenir beaucoup plus politiques. Les États-Unis de Donald Trump ont décidé de prendre leurs distances avec cette partie du monde et la Russie de Vladimir Poutine est retenue par son soutien quasi exclusif au régime syrien.

 

Tensions entre Pékin et Washington

Il est cependant un pays qui n’entend pas renforcer sa coopération avec la Chine à l’occasion du Covid-19: ce sont les États-Unis. Le 27 mars, Xi Jinping lui-même avait abordé la question par téléphone avec Donald Trump, en insistant sur l’idée que la Chine et les États-Unis devaient «s’unir contre la pandémie». Selon les médias chinois, le numéro 1 du parti communiste a indiqué pendant cette conversation que «la Chine est disposée à poursuivre son partage sans réserve d’informations et d’expériences avec les États-Unis» et que la coopération entre les deux pays est «l’unique bonne décision à prendre».

À la suite de quoi, Donald Trump a tweeté: «Je viens d’avoir une très bonne conversation avec le président chinois Xi.» Précisant: «Nous avons discuté en détail du Coronavirus qui ravage de grandes parties de notre planète. La Chine a beaucoup souffert et a acquis une solide connaissance du virus. Nous travaillons en étroite collaboration.»

Donald J. Trump

@realDonaldTrump

Just finished a very good conversation with President Xi of China. Discussed in great detail the CoronaVirus that is ravaging large parts of our Planet. China has been through much & has developed a strong understanding of the Virus. We are working closely together. Much respect!

Depuis cette conversation, Donald Trump a cessé de qualifier le Covid-19 de «virus chinois» ou de «virus de Wuhan». Mais le 13 mai, il a parlé de «peste de Chine». Après avoir déclaré huit jours plus tôt que la crise provoquée par le coronavirus est «pire que Pearl Harbour et le 11 septembre», les deux pires traumatismes subis par les États-Unis dans l’histoire moderne.

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