Récifs coraliens dans le lagon de Mayotte. Photo d’illustration. • ©Gabriel Barathieu / Biosphoto / Biosphoto via AFP

Le bilan 2020 de l’IFRECOR montre une nette dégradation de l’état des récifs coralliens dans les zones où la pression démographique est importante, alors que les écosystèmes sont généralement “en très bon état” dans les territoires d’Outre- mer les moins densément peuplés.

L’initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) a rendu public son état des lieux de la situation des récifs coralliens, mangroves et herbiers en Outre-mer. Un bilan de 338 pages qui a pour objectif de “faire bouger les politiques publiques”, a assuré Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité au ministère de la Transition écologique, en arrivant à 100% de protection en 2025 comme prévu par le plan pour la biodiversité de 2018. “67% des récifs coralliens et 71% des mangroves sont protégés aujourd’hui”, précise Antoine Pebayle, chargé de mission “biodiversité marine et récifs coralliens” au ministère.
Consulter l’intégralité du bilan 2020 de l’IFRECOR: https://drive.google.com/file/d/1jgwbNGBA3J1Ku5JBoFP6ci29- mk7C9cx/view?usp=sharing
Un bilan de santé sur deux décennies

En résumé, l’étude est une photographie de l’état de santé des récifs coralliens, des mangroves et des herbiers dans les Outre-mer français en 2020. Mais elle permet également de faire un point précis de l’évolution de la situation sur au moins deux décennies, l’IFRECOR ayant été créée en 1999.
Depuis plus de 20 ans, l’Initiative française surveille les récifs coralliens et les écosystèmes qui lui sont associés comme la mangrove et les herbiers. Le bilan se base sur les données de 200 des 1000 stations d’observation déployées en Outre-mer dans un souci d’homogénéité et le travail de 100 experts mobilisés dans l’Hexagone et les territoires ultramarins.
Les récifs préfèrent les zones moins peuplées
La conclusion de l’étude est sans appel : les récifs coralliens sont de plus en plus menacés à travers le monde, et la France ne fait pas exception, même si elle peut se prévaloir d’écosystèmes globalement en meilleure santé. Mais les résultats sont aussi contrastés que les territoires eux-mêmes, l’étude menée dans trois océans mettant en évidence l’importance de l’impact de l’Homme sur l’état de forme des récifs.
Ainsi, les situations les plus préoccupantes sont observées dans les zones soumises aux plus fortes pressions anthropiques, c’est-à-dire liées à la présence d’humains, donc là où la démographie est la plus importante. C’est le cas de la Guadeloupe, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte. 62% des récifs évalués sont dégradés contre seulement 30% dans les territoires moins densément peuplés que sont la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie et Wallis, voire pas peuplés du tout comme Clipperton dans le Pacifique et les Îles Éparses dans l’océan Indien.

C’est donc dans les territoires français de l’Atlantique et de l’océan Indien que la situation est la plus préoccupante. À La Réunion où les récifs coralliens ne recouvrent qu’à peine plus de 18 km2, près de la moitié est “dégradée ou très dégradée”. Là-bas, les coraux ont connu plusieurs épisodes de blanchissement entre 2015 et 2020. Et depuis 2002, la biomasse globale de poissons a chuté de 80%.
À Mayotte, la très forte pression démographique influe directement sur les écosystèmes littoraux, par le biais de la pêche mais aussi des pollutions, affirme Julien Wickel, co- auteur du rapport de l’IFRECOR et référent pour l’océan Indien. “On assiste à une dégradation de la mangrove et des herbiers marins. Ces herbiers pâtissent de la pollution de l’eau puisque seulement 10% de la population mahoraise est reliée à un réseau de traitement des eaux usées”.
Aux Antilles, 60% des récifs coralliens vont mal, 33% ont vu leur situation se dégrader en cinq ans, comme sur le plus long terme. À l’inverse, les territoires du Pacifique – bien moins densément peuplés – présentent de meilleurs résultats : en 2020, 70% des récifs inventoriés sont “en bon état” dit l’étude. Sur le long terme, les récifs sont même globalement stables et montrent une bonne résilience.

Quelles sont les menaces?

Partout en Outre-mer, les récifs coralliens, mangroves et herbiers sont soumis à des épisodes climatiques violents d’un côté – tels que les ouragans ou des fortes houles, et au changement climatique de l’autre avec les conséquences qu’on lui connait : hausse de la température des océans, montée du niveau de la mer…
Les différences notables entre les territoires sont les pressions liées aux activités humaines. Les territoires ultramarins où les densités de population sont les plus importantes sont aussi ceux qui connaissent une agriculture, une pêche ou encore un tourisme plus intenses, ainsi qu’un aménagement côtier et un transport maritime plus effrénés.
Le Pacifique, où les populations sont moindres, connait aussi, toutefois, quelques difficultés avec, par exemple, les conséquences de l’extraction minière en Nouvelle- Calédonie ou encore l’introduction de mangroves en Polynésie qui s’avère parfois invasive. Clipperton, comme les Îles Éparses dans l’océan Indien, zones qui ne sont soumises quasiment exclusivement qu’à des pressions naturelles, ont des récifs coralliens “en très bon état”.

Pourquoi c’est inquiétant?
Les récifs coralliens sont utiles aux populations qui habitent les Outre-mer dans plusieurs domaines. D’abord, ils jouent un rôle dans la protection des côtes en absorbant une grande partie de l’énergie des vagues, ce qui a pour effet de réduire les dommages sur les aménagements littoraux lors des évènements météorologiques extrêmes, tel que les cyclones ou les fortes houles. Ensuite, les récifs coralliens sont primordiaux dans la sécurité alimentaire, l’une des grandes causes du quinquennat d’Emmanuel Macron. Or, ils regorgent d’espèces et la pêche fait vivre les populations.
Les écosystèmes côtiers dépendants de ces récifs, tels que les mangroves et les herbiers, permettent la séquestration et le stockage du carbone. Les mangroves par exemple stockent plus de carbone par hectare que les forêts terrestres, a constaté le GIEC. Enfin, les organismes marins jouent un rôle important, dans le milieu médical. “La moitié de la recherche sur les médicaments contre le cancer est basée sur les organismes marins, détaille l’IFRECOR. Ils sont également utilisés dans le traitement de maladies comme le paludisme ou la dengue. Extrait d’une éponge des récifs de la Caraïbes, l’AZT est un médicament utilisé contre le VIH.”
Et maintenant ?
Le bilan 2020 montre que, d’une manière générale, la dégradation de l’état des récifs coralliens se poursuit dans les Outre-mer. Mais l’IFRECOR pointe quelques signes d’amélioration, “liés à la résilience ou à l’effet positif des aires marines protégées”, pour encourager la préservation des écosystèmes. Il s’agit donc de poursuivre la mise en œuvre de la loi biodiversité de 2016 et du plan biodiversité de 2018 qui vise la protection de 100% des récifs coralliens d’ici à 2025.
Deux autres axes sont mis en avant. D’abord, la réduction des pressions liées aux activités humaines avec l’aménagement du territoire, la gestion des eaux, la promotion d’une agriculture respectant l’environnement ou encore une pêche durable. Et ensuite la poursuite du travail de surveillance dans les trois océans. Dans ce domaine, l’IFRECOR regrette qu’elle soit encore insuffisante dans certaines collectivités au regard de la surface des récifs, les moyens alloués étant par ailleurs souvent trop faibles pour assurer un suivi régulier.

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