Sa contribution au décryptage du gène a été capitale et a ouvert la voie à l’utilisation, près de soixante ans plus tard, de l’ARN messager dans les principaux vaccins utilisés contre le Covid-19. Il avait 96 ans.

Le Monde avec AFP

Le biologiste François Gros le 18 février 1999, à Paris.

Il a contribué, aux côtés des figures les plus éminentes de la recherche scientifique, à la naissance de la biologie moléculaire qui a bouleversé les sciences du vivant. Le biologiste François Gros, qui a participé à toutes les aventures de la biologie moderne, est mort vendredi 18 février à l’âge de 96 ans, a annoncé dimanche à l’Agence France-Presse Etienne Ghys, mathématicien et secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences.

Codécouvreur, avec François Jacob, de l’ARN messager – l’intermédiaire moléculaire du code génétique ADN – sa contribution au décryptage du gène a été capitale. Ses travaux ont ouvert la voie, près de soixante ans plus tard, à l’utilisation de cette technologie dans les principaux vaccins utilisés contre le Covid-19.

« Son héritage est un immense espoir pour l’humanité », a salué la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal, sur son compte Twitter.

« Tout nous semblait à découvrir »

Entré à l’Institut Pasteur au lendemain de la guerre, il y côtoie par la suite André Lwoff, François Jacob et Jacques Monod, Prix Nobel de médecine en 1965. Il est nommé directeur général de l’institut Pasteur de 1976 à 1981, et entre à l’Académie des sciences en 1979. Il en devient secrétaire perpétuel de 1991 à 2001. Il occupe parallèlement jusqu’en 1996 la chaire de biochimie cellulaire au Collège de France.

Né à Paris le 24 avril 1925 dans une famille « israélite non pratiquante », François Gros se replie à Toulouse pendant la seconde guerre mondiale. « Perpétuellement à la merci d’une dénonciation », il change de nom régulièrement, raconte-t-il dans ses Mémoires scientifiques. Un demi-siècle de biologie (2003). Etudiant distrait, il s’inscrit à la faculté de sciences de Toulouse par erreur, pensant être dans la file pour la faculté de médecine.

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Sur les bancs de l’université, il se passionne pour la botanique. A la Libération, il rejoint la Sorbonne en novembre 1944 puis fait ses débuts comme bénévole à l’Institut Pasteur en 1946. On y fait alors les premières recherches sur les antibiotiques initiées par Alexander Flemming, Prix Nobel de médecine l’année précédente.

A l’époque, « tout ou presque relève du bricolage » : le jeune biochimiste raconte ainsi que, muni d’une grande marmite pleine d’acide, il avait pour habitude de se rendre en bus aux abattoirs de Paris pour récupérer muscles, foies et pancréas de bœuf, pour ses recherches sur les antibiotiques. L’opération, entre « folklore et cauchemar », « n’entamait en rien notre enthousiasme ». « Tout nous semblait alors à découvrir (…) avec les moyens du bord. »

Non-lieu dans l’affaire du sang contaminé

Le jeune chef de laboratoire Jacques Monod le prend bientôt sous son aile et lui recommande de partir aux Etats-Unis. En 1960, il parvient à mettre pour la première fois en évidence l’ARN messager dans le laboratoire de Jim Watson à Harvard. Au même moment sur la côte Ouest des Etats-Unis, trois autres chercheurs, dont le biologiste français François Jacob, font la même découverte.

Il se lie d’amitié avec François Mitterrand, Elie Wiesel et Ephraïm Katzir : « Peu d’hommes ont trouvé chez moi une résonance d’amitié et de respect aussi profonde. » Au début des années 1980, il est appelé à Matignon comme conseiller scientifique de Pierre Mauroy puis de Laurent Fabius.

Dans une déclaration à l’Agence France-Presse, Jean-Pierre Chevènement a souligné que François Gros lui « avait apporté une aide précieuse dans l’organisation de grands colloques sur la recherche et dans l’élaboration de la loi d’orientation et de programmation de la recherche de 1982 ». « Je m’incline devant ce grand savant qui était aussi un humaniste », a jouté M. Chevènement, qui était à l’époque ministre de la recherche et de l’industrie.

En tant que conseiller scientifique à Matignon, François Gros est mis en examen en 1994 dans l’affaire du sang contaminé. La justice lui reprochait d’avoir fait retarder, en 1985, l’homologation du test américain de dépistage du virus du sida en attendant que le test développé par l’Institut Pasteur soit prêt. Il bénéficie d’un non-lieu.

Dans les années 1990, il suit la folle course au séquençage des génomes. Les Français sont alors les pionniers de la cartographie du patrimoine génétique humain.

Considéré comme l’une des consciences les plus vigilantes en matière de recherche, il préférait les codes de déontologie plus proches de la réalité que l’adoption de lois. Marié deux fois et père de trois garçons, il a été l’initiateur d’échanges scientifiques et techniques avec l’Inde et l’Afrique avec la création du Coped (Comité pays en développement) dont il a assumé la présidence jusqu’en juin 2017.

Le Monde avec AFP

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