OrigineLa composition du drapeau aux quatre serpents, connu aujourd’hui en Martinique, est mis en place par le roi Louis XV qui en prescrit l’usage dans une ordonnance du 4 août 1766 prévoyant que :

«Article premier – Tous propriétaires de vaisseaux, bâtimens, goelettes et bâteaux dépendans du Gouvernement de la Martinique & de Ste. Lucie feront pourvoir leurs bâtimens d’un pavillon bleu avec une croix blanche qui partagera ledit pavillon en quatre ; dans chaque quarré bleu, & au milieu du quarré, il y aura la figure d’un serpent en blanc, de façon qu’il y aura quatre serpens blancs dans ledit pavillon, qui sera reconnu dorénavant pour celui de la Martinique et de Ste. Lucie.

II. Lorsque les capitaines ou patrons voudront entrer dans les ports, rades, & aborder les côtes de ce gouvernement, de quelqu’autre colonie françoise, ou du Royaume de France, ils auront soin de faire mettre le pavillon désigné ci-dessus, afin qu’on les reconnoisse pour être des bâtimens de la Martinique et de Ste. Lucie […] »1.

Drapeau ou pavillon ?

Quelques éléments sur l’étymologie des termes utilisés semblent nécessaires pour la compréhension de l’histoire du drapeau.

A l’époque de sa création, on note l’absence de mention de drapeau. Le terme choisi pour le désigner est celui de « pavillon » dont le rôle est défini par le dictionnaire de l’Académie française de 1762 comme étant : « une espèce de bannière ou d’étendard, qui est un carré long, & que l’on met au grand mât d’un vaisseau […] ». Le pavillon a donc un rôle visuel, de communication. Il servait à distinguer au loin, d’un seul coup d’œil, un navire martiniquais ou saint-lucien, des navires français ou étrangers.

Cet emblème est donc, à cette période, un pavillon dédié à la marine marchande, et ce n’est que bien plus tard que le terme « drapeau » apparaitra.

Composition du pavillon : fond bleu divisé par une croix blanche en quatre parties occupées par quatre serpents.

Histoire du drapeau au fond bleu divisé par une croix blanche

Le drapeau militaire du royaume de France

Sans pouvoir en dater l’origine, la croix blanche est utilisée comme insigne royal et marque nationale dès le XIVe siècle. Les Français la portaient sur leurs vêtements en temps de guerre en opposition à la croix rouge des Anglais.

C’est à partir du XVe siècle, que la croix est mise sur les enseignes et devient une marque nationale présente sur les étendards. Un siècle plus tard, elle est acceptée comme principale enseigne et marque distinctive des armées françaises. C’est alors le drapeau militaire de la France, en opposition à la bannière de France composée de trois fleurs de lys d’or sur fond d’azur qui constitue l’étendard de cérémonie2.

1 Code de la Martinique, Petit de Viévigne (Jacques), Saint-Pierre, 1767, http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb360462001

2 Marius Sepet, Le drapeau de la France : essai historique, Victor Palmé, Paris, 1873, p. 88.

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  Drapeau à la croix blanche sur fond bleu Drapeau aux trois fleurs de lys d’or sur fond bleu

Le pavillon maritime du royaume de France

Au cours de la première moitié du XVIIe siècle, le cardinal de Richelieu supprime l’usage des pavillons particuliers et instaure l’usage du pavillon blanc unique, emblème de l’autorité supérieure.

Voyant que la marine marchande utilise également ce pavillon, Louis XIV, par une ordonnance du 9 octobre 1661 lui attribue un pavillon de poupe bleu à croix blanche traversante avec l’écu de sa majesté sur le tout : « fait très expresses inhibitions et défenses à tous capitaines, etc… de porter le pavillon blanc, qui est réservé à ses seuls vaisseaux, et veut et ordonne qu’ils arborent seulement l’ancien pavillon de la nation française, qui est la croix blanche dans un étendard d’étoffe bleue, avec l’écu des armes de sa majesté sur le tout »3.

C’est donc à compter de cette date que le pavillon bleu à croix blanche est affecté aux navires marchands pour le distinguer de la marine de guerre.

Cette ordonnance n’étant pas suivie d’effet, le roi concède, dans une autre ordonnance datée de 1689, un pavillon qui se veut plus prestigieux avec une croix blanche plus large et les colliers des ordres autour de l’écu royal.

  3 Marius Sepet, « le drapeau de la France », p. 148 à 210 dans Revue des questions historiques, cinquième année, tome dixième, Paris, 1871.

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L’obstination des marchands français à porter le pavillon blanc engage le roi à ordonner le 25 mars 1765 :

« Permet Sa Majesté aux commandants des vaisseaux marchands de porter à poupe de leurs bâtiments une enseigne blanche, et d’y joindre telle marque de reconnaissance qu’ils jugeront à propos. »4

A compter de cette date, les navires de commerce français n’ont cessé de porter le même pavillon que les navires de la marine militaire à savoir le pavillon national, c’est-à-dire le pavillon blanc5.

Le pavillon aux 4 serpents

Un an après l’autorisation par le roi d’arborer le pavillon blanc, le gouvernement royal conçoit la nécessité de distinguer les navires marchands du royaume de France de ceux rattachés aux colonies. Le 4 août 1766, il ordonne d’appliquer quatre serpents au traditionnel drapeau bleu à la croix blanche (voir détail de l’ordonnance en introduction). Ces animaux semblent constituer, pour la monarchie, le symbole le plus pertinent pour représenter ces contrées lointaines empruntes d’exotisme…

Pourquoi des serpents ?

Les chroniqueurs de la Martinique mentionnent tous dès les premiers temps de la colonisation la présence de serpents venimeux sur le territoire martiniquais. Il s’agit d’une espèce endémique de l’île, connue également à Sainte-Lucie et à Béqué aux Grenadines. Le Père Labat explique qu’« une chose incommodoit la colonie, c’étoit la quantité prodigieuse de viperes, dont la terre était comme couverte. Il y en avait de monstrueuses, on en voyoit alors de vingt cinq pieds de longueur, & d’un pied & demi de diamètre. Ces animaux ne fuyoient point les hommes, ils attendoient fiérement, souvent même ils les poursuivoient. Il est vrai qu’ils les mordoient rarement, à moins qu’on ne les touchât en faisant remuer quelques broussailles ; mais comme nos François ne sçavoient pas alors les remedes convenables à ces morsures, il y en eut quelques uns qui perirent […] »6. Il précise également qu’« on n’en voit dans toutes les Antilles qu’à la Martinique, Sainte Alousie ou Lucie, & à Bequia, qui est un des Grenadins, qu’on appelle à cause de cela, la petite Martinique. On ne voit dans les autres isles que des couleuvres qui ne sont point venimeuses, & qui même sont utiles, en ce qu’elles font la guerre aux rats »7.

4 Ordonnance du roi concernant la marine du 25 mars 1765, livre III, titre XIX, article 236. https://books.google.fr/books?id=FJ8_AAAAcAAJ&pg=PP5&hl=fr&source=gbs_selected_pages&cad=3#v=onepage&q&f=false 5 https://troisponts.net/2015/01/16/pavillons-de-lancien-regime/

6 Labat (Révérend Père), Nouveau Voyage Aux Isles de l’Amérique Contenant l’Histoire Naturelle de Ces Pays, l’Origine, Les Moeurs, Le Gouvernement Des Habitans Anciens et Modernes. Les Guerres et Les Evénemens Singuliers Qui Y Sont Arrivez Pendant Le Séjour Qui l’Auteur Y a Fait, T. V; J. B. Delespine, Paris, MDCCXLII.

7 Labat (Révérend Père), Nouveau Voyage Aux Isles de l’Amérique Contenant l’Histoire Naturelle de Ces Pays, l’Origine, Les Moeurs, Le Gouvernement Des Habitans Anciens et Modernes. Les Guerres et Les Evénemens Singuliers Qui Y Sont Arrivez Pendant Le Séjour Qui l’Auteur Y a Fait, T. IV; J. B. Delespine, Paris, MDCCXLII.

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La présence de serpents venimeux permet de distinguer la Martinique et Sainte-Lucie des autres îles. Ainsi le roi décide-t-il de se servir de cette distinction pour en faire l’emblème des deux colonies qui, seules, selon l’ordonnance royale, sont concernées par le pavillon en question.

L’adoption du pavillon tricolore

Le pavillon blanc portant par la marine marchande et militaire fut peu à peu remplacé par les couleurs du nouveau drapeau tricolore adopté consécutivement à la révolution française. Cette décision ne fit pas tout de suite l’unanimité, mais après moult débats, un décret daté du 24 octobre 1790, ordonna que le pavillon français porterait à l’avenir les couleurs nationales :

« Art. 1er. Le pavillon de beaupré sera composé de trois bandes égales et posées verticalement ; celle de ces bandes la plus près du bâton sera rouge, celle du milieu blanche, et la troisième bleue. (On adoptait cette disposition des bandes verticales pour éviter la ressemblance avec le drapeau hollandais.)

Art. 2. Le pavillon de poupe portera, dans a son quartier supérieur, le pavillon de beaupré ci-dessus décrit ; cette partie du pavillon sera exactement le quart de sa totalité, et environnée d’une bande étroite, dont une moitié de la longueur sera rouge et l’autre bleue ; le reste du pavillon sera de couleur blanche. Ce pavillon sera également celui des vaisseaux de guerre et des bâtiments de commerce. »

Le pavillon fut de nouveau changé pour son format définitif le 27 pluviôse an II [15 février 1794], le comité du salut public publia un décret qui supprimait le fond blanc et changeait l’ordre des couleurs :

« Art. 1er. Le pavillon décrété par l’Assemblée nationale constituante est supprimé.

Art. 2. Le pavillon national sera formé de trois couleurs nationales, disposées en trois bandes égales posées verticalement, de manière que le bleu soit attache à la gaule du pavillon, le blanc au milieu, et le rouge flottant a dans les airs. »

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La traite des esclaves entre les côtes d’Afrique et les Antilles

En mai 1664, un édit royal crée la Compagnie des Indes occidentales8 qui obtient, entre autre, le monopole du commerce sur les côtes africaines9.

La compagnie montre rapidement ses faiblesses, elle ne remplit pas sa mission principale de mise en valeur des immenses possessions de l’Amérique française. Le commerce des esclaves n’est clairement pas sa priorité10. Pourtant c’est là sa vocation première en vue du développement sucrier des colonies françaises d’Amérique.

Les compagnies à charte – Compagnie du Sénégal (1674), Société du Sénégal (1681), Compagnie de Guinée (1685)11, Compagnie du Sénégal, Cap-Verd, & côtes d’Afrique (1696) – se succèdent ou se complètent au rythme de leur faillite ou de leur besoin. Elles obtiennent à tour de rôle et se répartissent le monopole du commerce des esclaves sur les côtes d’Afrique occidentales12.

Tout commerce dans ces régions est interdit aux particuliers. Les compagnies sont néanmoins autorisées à subdéléguer leurs pouvoirs mais aux seuls Français. Les étrangers peuvent par ailleurs obtenir du Roi le droit d’accorder de venir chercher aux îles les esclaves vendus par la compagnie13.

Les habitants des îles, quant à eux, ne sont pas autorisés à pratiquer ce type de commerce qui reste pendant un temps le privilège de compagnies créées au rythme des besoins géographiques. Ce privilège accordé est un autre des grands principes de l’Exclusif. Les colonies et ses habitants n’existent que pour l’enrichissement de la couronne et donc de la France hexagonale.

En échange de leur commerce, les négriers français sont tenus de payer une redevance : « les négocians dont les vaisseaux transporteront aux isles françoises de l’Amérique, des nègres provenant de la traite qu’ils auront faite à la côte de Guinée, seront tenus de payer, après le retour de leurs vaisseaux dans l’un des ports de Rouen et de la Rochelle, Bordeaux et Nantes, entre les mains du trésorier-général de la marine en exercice, la somme de 20 livres par chaque nègre qui aura été débarqué aux isles »14 Les bénéfices profitent à la couronne et aux négriers de la côte occidentale française. Dans les actes législatifs, le terme négrier est systématiquement accolé à une identité qu’elle soit française, étrangère ou neutre, mais jamais coloniale.

8 ANOM, COL C8 B19 N°1, Edit du roy donné à Paris, le 28 may 1664, portant Establissement d’une Compagnie des Indes Occidentales, pour faire tout le commerce dans les Isles & terres fermes de l’Amérique, & autres Païs ; aux Concessions, Pouvoirs, Facultez, Droits, Exemptions & Privileges y contenus http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ark:/61561/zn401noomq.num=50.form=complexe.start=1) et enregistré en parlement le 11 juillet 1664.

9 Privilège exclusif de faire tout le commerce d’Afrique, du cap Blanc au cap de Bonne-Espérance, sur une étendue de plus de 1.500 lieues de côtes dans Cordier L. (capitaine), Les compagnies à charte et la politique coloniale sous le ministère de Colbert : thèse pour le doctorat… soutenue… le… 19 novembre 1906… / par L. Cordier,… ; Université de Nancy. Faculté de droit, s.l., 1906, p. 90.

10 Le contrat de vente fut homologué par arrêt du 11 novembre 1673, mais la compagnie ne reçut ses lettres patentes qu’en juin 1679 ; néanmoins son existence fut reconnue dès 1673.

11 La Compagnie de Guinée ne remplacera pas la Société du Sénégal mais viendra en renfort de la première avec une répartition du commerce des esclaves. La compagnie du Sénégal garde le privilège du transport des esclaves vers les iles françaises d’Amérique depuis le Sénégal jusqu’à la rivière Sierra Leone, tandis que la nouvelle obtient l’autorisation au sud de cette rivière jusqu’au cap de Bonne-Espérance dans Anonyme, Recueil Des Édits, Déclarations, Arrets et Lettres Patentes, Concernant Les Compagnies de Guinée & Du Sénégal, 3.

12 La création de cette compagnie est reconnue officiellement par l’édit de décembre 1674, qui ne reçut ses lettres patentes qu’en juin 1679, Moreau de Saint-Méry, T.1, p. 325 Actes royaux, pièce 755, p.63.

13 Cordier, Les Compagnies À Charte et La Politique Coloniale Sous Le Ministère de Colbert, 290.

14 texte, Loix et ordonnances des diverses puissances européennes concernant le commerce, la navigation et les assurances, depuis le milieu du 17e siècle . Accompagnés de quelques observations explicatoires, par Geo. Fred. de Martens. Tome I. France, 326.

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Le commerce des esclaves est alors associé à un pavillon qui reprend les armes de la Compagnie des Indes occidentales : « un écusson au champ d’azur, semé de fleurs de lys d’or sans nombre, deux sauvages pour supports et une couronne trèflée; lesquelles armes nous lui concédons pour s’en servir dans ses sceaux et cachets et que nous lui permettons de mettre et apposer aux édifices publics, vaisseaux, canons et partout où elle le jugera à propos »15.

Figure 1 : Sceau de la Compagnie des Indes occidentales, emprunte de 1670

Au rythme des décennies ces armes sont reprises par les compagnies. Le pavillon arboré pour le commerce des esclaves demeure donc inchangé. On observe néanmoins une modification de la terminologie pour désigner les tenants du blason central : les « nègres » ont remplacé les « sauvages ».

En effet, les lettres patentes portant établissement de la nouvelle Compagnie du Sénégal en mars 1696 parlent d’ : « un écusson en champ d’azur, semé de fleur-de-lys d’or sans nombre, deux Nègres pour supports, & une couronne trèflée ; lesquelles armes nous lui concédons pour s’en servir dans ses sceaux & cachets, & que nous lui permettons de mettre & apposer aux édifices publics, vaisseaux, canons, & partout ailleurs où elle jugera à propos »16.

Finalement, la base législative de la traite des esclaves dans les Antilles françaises est constituée à partir des lettres patentes du roi du mois de janvier 171617. En parallèle du privilège accordé à la Compagnie des Indes, elles accordent l’autorisation à tous les négociants du royaume de France de pratiquer : « le commerce des Nègres, de la Poudre d’or, & de toutes les autres marchandises qu’ils pourront tirer des cotes d’Afrique, depuis la Rivière de Serre-Lionne inclusivement, jusques au Cap de Bonne-Espérance, à condition qu’ils ne pourront armer ni équiper leurs vaisseaux que dans les Ports de Rouen, la Rochelle, Bordeaux & Nantes”18.

Celles d’octobre 1727 instaurent l’Exclusif et fixent les règles du commerce. Mais les limites des autorisations commerciales sur les côtes africaines fixées par les lettres patentes restent floues pour la plupart des négociants du royaume. Le 30 septembre 1741, un arrêt du conseil d’état du roi précise que tous les négociants du Royaume au départ de seize ports de la façade atlantique française (Calais, Dieppe, le Havre, Rouen, Honfleur, Saint-Malo, Morlaix, Brest, Nantes, la Rochelle, Bordeaux, Bayonne & Cette , Marseille,

15 Daniel Cogné et Robert Pichette, « Sceaux français dans les archives canadiennes » dans Revue française d’héraldique et de sigillographie, n° 62-63, 1992-1993, p. 7-13. Article ajouté à la bibliographie originale & Robert Pichette, « Les origines de l’héraldique au Canada français » dans L’Héraldique au Canada/Heraldry in Canada, vol. XX, no 3 (sept. 1986), p.14-20.

16 Anonyme, Recueil Des Édits, Déclarations, Arrets et Lettres Patentes, Concernant Les Compagnies de Guinée & Du Sénégal, 25. 17 Le Code Noir Ou Recueil Des Règlements Rendus Jusqu’à Présent, p. 129.

18 Texte, Loix et ordonnances des diverses puissances européennes concernant le commerce, la navigation et les assurances, depuis le milieu du 17e siècle . Accompagnés de quelques observations explicatoires, par Geo. Fred. de Martens. Tome I. France, 325.

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Dunkerque, Vannes) seront autorisés à commercer en Afrique pourvu qu’ils en aient obtenu l’autorisation préalable de la Compagnie de Indes19.

Enfin, le commerce des esclaves sur la côte d’Afrique est rendu libre par arrêt du conseil d’état du roi le 31 juillet 1767 : « tous les Négocians & Armateurs du royaume, pourront à l’avenir faire librement le commerce & la traite des Noirs sur toute la côte d’Afrique, sans pouvoir y être troublés ni inquietés par la Compagnie des Indes, sous prétexte du privilége exclusif à elle accordé, que Sa Majesté annulle & révoque en vertu du présent Arrêt, en payant par lesdits Négocians & Armateurs, au profit du Roi, la somme de dix livres par tête de Noirs, ainsi & de la même manière qu’ils la payoient à ladite Compagnie des Indes »20.

L’étude des ordonnances citées supra permet de constater que les textes de lois distinguent le royaume de France des colonies. En aucun cas, le commerce des esclaves n’est donc accordé aux habitants et négociants des colonies. Ce qui explique les nombreuses plaintes des habitants de la Martinique sur l’insuffisance des importations de main-d’œuvre par les négriers du Royaume.

Seuls les navires de traite français (hexagone) sont autorisés à introduire de la main-d’œuvre servile au sein des colonies françaises, les navires de la Martinique portant pavillon martiniquais ne font pas partie du royaume conformément au principe de l’Exclusif.

Pendant la période complexe que représente la guerre d’indépendance des Etats-Unis entamée en 1776, l’approvisionnement en esclaves n’est plus suffisant, pour combler ce déficit, un arrêt royal daté du 28 juin 1783 autorise pour 3 ans l’introduction de main-d’œuvre servile par voie étrangère21 aux navires négriers de plus de 120 tonneaux chargés d’au moins 180 esclaves et venus directement des cotes de l’Afrique.

La pénurie de main-d’œuvre est telle que l’édit favorise également le commerce des négriers français en leur octroyant une prime de 100L par tête ainsi qu’une exonération de taxe à l’entrée22. Ce régime d’exception est maintenu jusqu’en 1793 veille de la première abolition de l’esclavage fixée par le décret du 4 février 179423. En Martinique, l’occupation anglaise à compter du 22 mars 1794 empêche l’application de l’abolition de l’esclavage qui continue à fonctionner selon les règles de l’ancien régime. Mais ensuite l’état de guerre entre la France et l’Angleterre ne permet pas le plein rétablissement de ce négoce.

L’abolition de la traite est imposée à la France par l’Angleterre à la suite de sa défaite en 1814. Le 8 février 1815, le congrès de Vienne entérine cette décision. Par décret du 29 mars 1815, Napoléon prononce effectivement la fin de la « traite des nègres d’Afrique » sur le territoire français24. Mais au moment de la seconde restauration, quelques mois plus tard, Louis XVIII récuse cette décision associée à l’Angleterre devant laquelle il refuse, après Waterloo, de s’incliner de nouveau. L’ordonnance de 1817 considère alors le commerce d’êtres humains comme une simple contravention à la législation douanière. La loi abolitionniste de 1818 n’y change pas grand-chose et le gouvernement continue à faire semblant de surveiller et de réprimer la traite clandestine. Entre 1815 et 1830, les négriers français effectuent en totalité 412 voyages dont 78 voyages vers les colonies françaises25. Ce n’est réellement qu’avec la monarchie de juillet en 1830 et l’arrivée au pouvoir d’hommes d’une autre génération que la tendance s’inverse. En 1831, une troisième

19 Le Code Noir Ou Recueil Des Règlements Rendus Jusqu’à Présent, 412.

20 Le Code Noir Ou Recueil Des Règlements Rendus Jusqu’à Présent, 470.

21 Durand-Molard, Code de la Martinique. Nouvelle édition. Tome troisième contenant les actes législatifs de la colonie depuis 1769 jusqu’en 1786 inclusivement, 554.

22 Durand-Molard, Code de la Martinique. Nouvelle édition. Tome quatrième contenant les actes législatifs de la colonie depuis 1787 jusqu’en 1804 inclusivement, 153.

23 Montardy, La Traite et Le Droit International, 25.

24 Aubert-Armand, Code de la Martinique. Tome VI contenant les actes législatifs de la colonie de 1814 à 1818 inclusivement, 116.

25 https://www.slavevoyages.org/voyage/database

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et dernière loi est adoptée, c’est la fin de la traite illégale française, bien que d’autres pays continuent le transport de captifs.

Le commerce de cabotage26

Dès les premiers temps de la colonie, la Martinique devient le centre névralgique administratif et commercial des Antilles françaises notamment grâce au rapide développement de sa ville maritime : Saint-Pierre. C’est la central place pour reprendre la formulation d’Anne Pérotin-Dumon, historienne spécialiste des villes portuaires coloniales françaises. La plupart des marchandises y transitent avant d’être redistribuées dans les autres îles. Ces transactions sont dominées par les négociants pierrotins appelés commissionnaires parce qu’à la charge de leurs homologues métropolitains. L’essentiel des navires arborant le pavillon aux quatre serpents appartient à ces commissionnaires. Il correspond à la « flotte de caboteurs qui rendaient visite aux habitants martiniquais et guadeloupéens pour livrer les marchandises venues d’Europe et enlever les sucres »27. C’est l’équivalent de deux cents à trois cents barques de toutes grandeurs envoyées dans les différents quartiers de Martinique et des îles voisines pour livrer les marchandises issues du commerce transatlantique28. Les négriers métropolitains, qui ont seuls l’autorisation de pratiquer le transport d’esclaves à travers l’Atlantique, apportent et vendent la main-d’œuvre à Saint-Pierre.

Les ordonnances précisent bien cette exclusivité, puisque celle du 12 octobre 1739 interdit « tout transport de noirs entre les isles du vent et celles sous le vent, pour mettre des bornes à la contrebande qui avoit lieu sous prétexte de la nécessité de transporter les noirs vendus dans une isle à des habitans d’une autre isle »29. Fait exception à cette interdiction « les vaisseaux négriers qui ont le droit de porter à Saint-Domingue les nègres qu’ils n’auront pas pu vendre dans les îles du vent »30.

Un peu plus d’une décennie plus tard, l’ordonnance du 18 mars 1752 autorise le transport des esclaves par mer dans le cadre d’achats par des particuliers de fin de cargaisons de navires négriers français pour une revente au sein de l’île : « III. Les nègres ne pourront être conduit par terre dans aucun des endroits ci-dessus indiqués, mais ils y seront transportés par mer, en déclarant au bureau du Domaine la quantité qu’on en embarquera, par distinction de nègres, négresses, négrillons et négrites, avec la désignation de leur étampe. Défendons à tous maîtres de barques, bateaux et autres bâtimens, mêmes aux patrons de canots de pirogues, de porter ces nègres ailleurs qua dans les lieux pour lesquels ils auront été expédiés, où ils ne pourront les débarquer qu’après visite faite à leur bord par les employés du Domaine, à l’effet de vérifier si ce sont les mêmes nègres qui seront signalés sur l’expédition, le tout sous les peines portées en l’article II »31. Cette mesure concerne le trafic maritime pratiqué au sein d’une même île, plus communément connu sous le vocable de « petit cabotage ». Notons que cette autorisation survient à une époque où il n’existe pas encore de pavillon martiniquais.

Deux ans plus tard, une ordonnance du 9 mars 1754 interdit tout transport d’esclaves entre les colonies françaises et les îles neutres : « VII. Défendons à tous maîtres de barques et bateaux, pirogues ou autres bâtimens, d’amener des îles contentieuses dans les îles établies du Gouvernement, aucuns nègres sans une permission expresse de nous, à peine de confiscation du bâtiment, de sa cargaison, et de 1000 liv. d’amende,

26 Est considéré comme cabotage, le commerce inter-îles.

27 Pérotin-Dumon, La Ville Aux Îles, La Ville Dans L’île, Basse-Terre et Pointe-À-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, 147.

28 Archives nationales, col. E171 dans Pérotin-Dumon, 147.

29 Archives nationales d’outre-mer, C8B16-24, décision relatives aux transferts d’esclaves entre les Iles du Vent et les Iles sous le Vent interdits par ordonnance du 12 octobre 1739.

30 ANOM, COL A 25 F°254. http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ark:/61561/ka455mhjhki.num=50.start=2401

31 Durand-Molard, Code de la Martinique. Nouvelle édition. Tome premier contenant les actes législatifs de la colonie de 1642 jusqu’en 1754 inclusivement, 553.

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et même d’être poursuivis conformément aux Lettres-patentes du mois d’octobre 1727 […] »32. Elle révèle le caractère réglementé des commerce et transport des esclaves.

1763 est une année pivot, elle correspond à la date du traité de Paris qui met fin à la guerre de Sept ans (1756-1763) qui avait opposé la France à l’Angleterre. Après une occupation de quelques mois par l’ennemi, la Martinique et la Guadeloupe sont rétrocédées à la France à la fin du conflit. Cet événement va reconfigurer les dynamiques commerciales des petites Antilles françaises. En octobre 1763, une dépêche ministérielle interdit toutes relations commerciales entre les deux îles sœurs. Cette mesure est justifiée par le fait que jusque-là : « l’introduction des Marchandises d’Europe à la Guadeloupe par la voie de la Martinique, [..] avait l’inconvénient de procurer aux Commissionnaires de la Martinique les moyens de gagner tout-à-la-fois sur l’Habitant de la Guadeloupe et sur le Négociant de France » 33.

L’ordonnance du 13 janvier 1764 explique que : « les denrées du cru de cette colonie et des îles qui en dépendent, à l’exception des sirops et tafias, ne pourront en être exportés que sur les navires expédiés directement pour les Ports du royaume. Les batiments du pays, caboteurs, canots et pirogues ne pourront à l’avenir transporter aucune de ces denrées dans les autres colonies françaises »34. L’affirmation des lois prohibitives est l’occasion pour la France de réaffirmer son pouvoir et son contrôle sur des îles restées quelques années sous autorité anglaise et ayant pris de « mauvaises habitudes » commerciales.

Parallèlement, le commerce entre la Martinique et Sainte-Lucie (alors sous pouvoir français) est soumis à autorisation. En effet, le Carénage à Sainte-Lucie est un port franc où tous les vaisseaux étrangers sont admis à la différence de la Martinique qui est régit par le principe de l’Exclusif. Cette dernière est donc autorisée à exporter vers son île voisine uniquement du tafia, des vivres et des marchandises de France en échange de produits issus du territoire de Sainte-Lucie (café, coton, riz, manioc, légumes secs et verts, bestiaux, volailles, bois de toutes espèces). S’applique ici encore les règles commerciales de l’Exclusif mis en place par les lettres patentes de 1727 instaurant une interdiction stricte de commercer avec l’étranger. Toute possibilité de cabotage entre les îles voisines de même nationalité est supprimée35.

Au sein des petites Antilles, il convient de distinguer la Guadeloupe, dont les relations avec les autres îles françaises sont prohibées, de la Martinique et Sainte-Lucie dont les relations sont plus régulières.

C’est alors que la nécessité de créer un pavillon voit le jour. L’ordonnance du 4 août 1766 instaurant le pavillon à apposer aux navires de la Martinique et de Sainte-Lucie précise que : « toutes les places du Royaume et la Colonie de St. Domingue ayant un pavillon distinctif et particulier pour chacune d’elles, afin qu’on puisse reconnaître de loin, de quels Ports ou Pays sont les Bâtimens qui paraissent, lorsqu’ils veulent entre dans quelques Ports ou Rades des Colonies françaises, ou du Royaume, ou lorsqu’ils approchent des côtes, il nous a paru nécessaire d’en indiquer un pour les Colonies de la Martinique et Sainte-Lucie, qui sera ci-après désigné »36.

La Guadeloupe n’est quant à elle pas mentionnée, peut-être parce que sa flotte n’est pas numériquement suffisante pour envisager une telle mesure. A la lecture de ces articles, on perçoit la distinction qui est faite entre les colonies d’une part et les régions composant le royaume de France d’autre part.

Le 10 juillet 1765, un arrêt du conseil souverain de la Martinique avait porté défense d’embarquer des esclaves pour outre-mer : « La cour etc. fait défenses à toutes personnes de quelques qualités et conditions

32 Durand-Molard, 602.

33 Durand-Molard, Code de La Martinique. Nouvelle Édition. Tome Deuxième Contenant Les Actes Législatifs de La Colonie Depuis 1755 Jusqu’en 1768 Inclusivement, 255.

34 Durand-Molard, 286.

35 Durand-Molard, 286.

36 Durand-Molard, 487.

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qu’elles puissent être, d’embarquer leurs nègres pour outre-mer […]. Fait pareilles défenses à tous Maîtres de bateaux, goëlettes et barques, d’embarquer lesdites Esclaves »37. Cet arrêt fait écho à l’ordonnance du 12 octobre 1739 précédemment évoquée et rappelée dans les dépêches ministérielles du 25 novembre 178438 et du 24 janvier 178839.

La première législation relative au commerce de cabotage est très tardive, elle date du 20 juin 1785. Elle précise qu’ : « il ne sera donné de commandement pour les bâtimens caboteurs d’île en île qu’à des blancs connus, ou d’anciens marins établis dans les colonies ; et il ne sera employé pour maîtres, aucuns libres, ni pour matelots, aucuns esclaves, que pour les bâtimens qui appartenant aux Commissionnaires, garans de leurs actions, seront destinés uniquement au cabotage autour de l’île, pour le transport des provisions et denrées coloniales » 40. Seuls ces deux derniers éléments sont admis à la vente pour le commerce de cabotage ce qui exclut, encore une fois, les esclaves.

Cependant la proclamation datée du 9 novembre 1805 précise que : « la volonté de S. M. est en outre, qu’à compter du 1er janvier 1807, aucune importation d’esclaves ne se fasse directement de la côte d’Afrique dans cette colonie, en ce que les esclaves dont Sainte-Lucie aura besoin à l’avenir doivent être tirés par ses propriétaires des autres colonies de S. M., dans les Indes occidentales, qui n’ont pas été soumises par ses armes pendant la guerre actuelle »41.

Le gouvernement explique cette mesure par la volonté de l’Empereur que « le nombre des esclaves qui seront apportés annuellement dans cette colonie, n’excède pas les 3 pour 100 de ceux de tout sexe et de tout âge, appartenant actuellement aux propriétaires habitans de cette colonie. Comme aussi, d’après des mesures politiques, il a paru convenable à S. M. que la culture dans cette colonie, demeure limitée à celle de toutes terres déjà exploitées […] »42. Ces mesures restrictives sont appliquées à la suite de l’occupation anglaise pendant la guerre révolutionnaire qui opposa la France à l’Angleterre, elles permettent à l’autorité royale de contenir le développement de l’île. Cette proclamation met en évidence le transport de la main- d’œuvre servile entre les îles mais ne révoquent pas l’interdiction de ce transport. Notons néanmoins que cette mesure ne précise pas quel type de bateau effectuait le transport des esclaves entre la Martinique et Sainte-Lucie. Bateaux négriers français ou bateaux martiniquais ?

De 1809 à 1815, la Martinique passe aux mains des Anglais. La traite des esclaves ayant été abolie en 1807 en Angleterre, son application est immédiate en Martinique. Lorsque la Martinique redevient française en 1815, la traite a été abolie en France.

Quel pavillon pour la traite ?

Au tout début de la traite, les navires ont arboré le pavillon de la Compagnie des Indes qui avait le privilège de ce commerce. Ensuite, à mesure de la perte de vitesse des compagnies à chartre et de l’ouverture de ce commerce aux ports français dans le courant du XVIIIe siècle, le pavillon choisi par les négriers variait entre le drapeau de la marine militaire (drapeau blanc préféré par un grand nombre) et le pavillon de la marine

37 Durand-Molard, 524.

38 Durand-Molard, Code de la Martinique. Nouvelle édition. Tome troisième contenant les actes législatifs de la colonie depuis 1769 jusqu’en 1786 inclusivement, 584.

39 Durand-Molard, 609.

40 Durand-Molard, 644. Consigne du MM. Les Général et Intendant, pour les caboteurs de la Martinique, le 20 juin 1785.

41 Dufresne de St-Cergues, Code de la Martinique. Nouvelle édition. Tome cinquième contenant les actes législatifs des colonies de Martinique et de Sainte Lucie depuis 1805 jusqu’en 1813 inclusivement, ainsi qu’un supplément des pièces omises dans les volumes précédens, 107–108.

42 Dufresne de St-Cergues, 104–105.

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marchande (croix blanche sur fond bleu). Deux dessins de la seconde moitié du XVIIIe siècle représentant des navires négriers nantais témoignent de cette réalité.

Figure 2: Musée d’histoire de Nantes, plan, profil et distribution du navire La Marie Séraphique de Nantes, armé par Mr Gruel, pour Angole, sous le commandement de Gaugy, qui a traité à Loangue, dont la vue est cy-dessous la quantité de 307 captifs, parti en décembre 1769

Figure 3 : Musée d’histoire de Nantes,vue du Cap Français et du Navire. La Marie Séraphique de Nantes, capitaine Gaugy, le jour de l’ouverture de sa vente, troisième voyage d’Angole, 1772-1773

A partir la Révolution française, les bateaux de la marine marchande, dont ceux ayant pratiqué la traite des esclaves, ont troqué leurs anciennes couleurs contre les trois couleurs actuelles du drapeau français.

Du pavillon au drapeau

Les photographies et autres supports iconographiques de la Martinique des 19e et 20e siècles n’ont pas permis de retrouver trace de l’utilisation de ce pavillon comme drapeau avant 1935. Le dépouillement des tables des matières des délibérations du Conseil souverain puis du Conseil général n’a pas été plus concluant. Dans l’état actuel des recherches, aucune trace de validation de cet emblème par les Martiniquais, ou par les instances officielles n’a été retrouvée.

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Les sources semblent attribuer sa première utilisation comme drapeau aux fêtes du tricentenaire en 1935. C’est la célébration du troisième centenaire de la colonisation française en Amérique centrale et l’occasion de festivités et de constructions pour l’événement. Les Martiniquais cherchent à valoriser leur île par son histoire, sa culture, son patrimoine, et surtout son développement. Tous ces éléments sont bien sûr à rattacher à l’idée, en vigueur à cette époque, que la France constitue la « mère patrie » de la colonie 43.

C’est donc l’occasion pour les acteurs principaux de cette valorisation, de ressortir le pavillon martiniquais symbole pour les contemporains de la première moitié du 19e siècle du rattachement de la colonie à l’histoire française. La colonie s’est créée pour et par la métropole. Le pavillon est alors érigé en drapeau et mis en vis-à-vis du drapeau tricolore français au sommet de la porte du tricentenaire créée, pour l’occasion, dans l’objectif de faire le parallèle entre la France métropolitaine et sa colonie reliée par une histoire commune.

Toutefois, le dépouillement des photographies de la Martinique du début du 20e siècle permet de constater qu’on lui préfère nettement le drapeau tricolore français dans un contexte de revendication assimilationniste.

Il est ensuite réutilisé comme écusson pour l’illustration de documents.

On le retrouve notamment sur la page de couverture du bulletin de l’assemblée générale des actionnaires de la banque de la Martinique en 1948-1949, l’écusson est utilisé aux côtés d’une mélusine noire soufflant dans une corne de lambi.

  43 Dumont, L’amère Patrie. Histoire Des Antilles Françaises Au XXe Siècle. 12

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L’ouvrage La Martinique, Madinina 1502-1952, rédigé par Félix Rose-Rosette dans l’objectif de mieux faire connaître la Martinique d’un point de vue touristique à l’occasion du 450e anniversaire de l’exploration par Christophe Colomb, met à l’honneur l’écusson sur la première page du chapitre sur « l’administration et les services sociaux ». Dans ce titre l’emploi de cet écusson placé au milieu de drapeaux tricolores renvoie à l’appartenance de la Martinique à la France en tant que province française. C’est l’aspect tropical et exotique qui est alors mis en relief.

Il sert également d’emblème régional de la Martinique aux côtés de ceux de la Guyane et de la Guadeloupe sur les billets de 100 francs diffusés dans les trois départements en 1966. L’écusson orne le verso du billet tout comme la figure de Victor Schœlcher, la maison de la Pagerie, les bateaux de commerce à voile et à vapeur. Est célébrée ici une certaine idée de la « grandeur coloniale » passée, telle qu’elle pouvait être perçue par une partie de la population à un moment où ce monde disparaît face à la profonde

réorganisation sociétale et économique entamée dans les années 1960-1970.

Mais l’emblème est également repris par bon nombre d’ouvrages historiques de la Martinique des années 1980-2000.

Jean-Luc Bonniol (dir.), Historial Antillais, Société Dajani, Fort-de-France, 1980.

Il est ensuite utilisé par la gendarmerie à partir de 1999 comme écusson représentatif de la Martinique.

L’instruction 5000 en date du 10 février 2016 traite de l’uniforme et des insignes fournis aux militaires de carrière. Dans ce cadre, les gendarmes doivent disposer d’insignes de matricule prouvant leur identification personnelle et doivent faire la preuve de leur nationalité, voire de la région dans laquelle ils opèrent, ainsi que de leur fonction et de leur grade. C’est ainsi que les écussons aux couleurs de la région sont apposés sur les manches des uniformes des gendarmes.

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Enfin, l’écusson, sous le format d’un drapeau, est également érigé sur les façades des bâtiments des institutions publiques de la Martinique.

Conseil général, Fort-de-France, Martinique, 201544 Hôtel de police, Fort-de-France, Martinique, 200945

En novembre 2017, le Mouvement international pour les réparations et le comité national pour les réparations (Martinique) dépose une plainte contre le président de la République, le ministre de l’intérieur et la ministre des Outre-mer pour « apologie de crime contre l’humanité, injure raciste, non-respect de la Constitution, incitation à la haine raciale, port d’un emblème d’une organisation criminelle contre l’humanité » et « troubles contre l’ordre public ». Le drapeau est alors associé au commerce de la traite et à l’esclavage.

Suite à une interpellation par des militants lors d’un voyage officiel à la Martinique le 27 septembre 2019, le président de la République Emmanuel Macron demande le retrait de l’écusson aux 4 serpents des uniformes des forces de l’ordre. L’écusson présent sur le fronton de l’hôtel de police est effacé de la façade le samedi 5 octobre 2019. Aujourd’hui, aucune loi interdit l’usage de ce drapeau. Toutefois par une lettre datée du 10 mars 2021, le député Serge Letchimy demande au président Emmanuel Macron de légiférer en ce sens.

   44 http://www.domactu.com/actualite/141220714015168/martinique-le-conseil-general-a-vote-son-budget/ 45 https://www.tripadvisor.fr/LocationPhotoDirectLink-g147328-i23075198- Fort_de_France_Arrondissement_of_Fort_de_France_Martinique.html#23075198

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