Cette technique médicale connaît son heure de gloire avec le vaccin contre le Covid-19, et de nombreux laboratoires tentent de mettre au point des traitements s’appuyant sur l’ARN messager contre le cancer, le VIH ou encore le paludisme.

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Vêtus de combinaisons de protection intégrale, des assistants de laboratoire de la société Biontech simulent les dernières étapes de la production du vaccin Corona sur un bioréacteur dans une salle blanche du nouveau site de production de Marbourg, en Allemagne, le 30 mars 2021.

Trois majuscules et une minuscule. Quatre lettres, et derrière un monde de promesses. S’il n’a pas été couronné de gloire, comme beaucoup l’espéraient, par les jurés du Nobel, l’ARN messager (acide ribonucléique messager ou ARNm) connaît depuis près de deux ans une renommée populaire mondiale, dont rares sont les innovations scientifiques médicales tout juste sorties des laboratoires de recherche à pouvoir se prévaloir. La pandémie de Covid-19, grâce aux succès des vaccins à ARN messager de Pfizer-BioNTech et Moderna, a propulsé cette technologie sur le devant de la scène, démontrant pour la première fois qu’elle pouvait être efficace et déployée à une large échelle.

Mais l’histoire de l’ARN messager ne s’arrêtera certainement pas à cette seule contribution. Car nombreux sont ceux, scientifiques du secteur public et industriels pharmaceutiques du privé, qui, convaincus de son potentiel, lui prédisent un avenir bien au-delà de la pandémie.

D’ores et déjà, de nombreux autres vaccins prophylactiques – c’est-à-dire à visée préventive – sont à l’étude dans les laboratoires du monde entier. Mais aussi pléthore de produits thérapeutiques dans des domaines aussi divers que les cancers, les maladies infectieuses, les maladies rares, les maladies auto-immunes ou la médecine régénératrice : le champ des possibles est immense.

Et les pionniers de l’ARN messager sont à pied d’œuvre pour en révéler tout le potentiel. Début octobre 2021, BioNTech a ainsi annoncé qu’un premier patient atteint d’un cancer colorectal, l’un des plus meurtriers au monde, avait été traité avec son vaccin individualisé à ARN messager – développé en partenariat avec le laboratoire Genentech –, dans le cadre d’un essai clinique de phase 2.

Quarante projets en cours

Le principe de cette médecine de précision consiste à séquencer l’ADN de la tumeur afin d’identifier ses caractéristiques, puis, par le biais du vaccin à ARNm, d’injecter au patient le message spécifique qui permettra à son organisme d’identifier les marqueurs des cellules cancéreuses et de produire la protéine adéquate qui combattra la tumeur.

En cas de succès, ce candidat-vaccin pourrait alors prévenir les rechutes chez les malades les plus à risque. Le laboratoire, qui s’est spécialisé sur la recherche en oncologie depuis sa création en 2008, a plus d’une dizaine de produits contre le cancer en développement à des stades cliniques divers.

Fort du succès de son vaccin contre le Covid-19, il s’est également récemment attaqué à la mise au point d’un vaccin contre le paludisme, dont il espère lancer l’essai clinique à la fin 2022. Il n’est pas le seul en lice. Son rival, Moderna, est lui aussi dans la course. Parmi ses nombreux projets basés sur l’ARN messager, dont des vaccins thérapeutiques contre le cancer, le laboratoire américain travaille aussi à des produits ciblant le virus Zika, le VIH, le virus respiratoire syncytial – une infection qui touche chaque année de nombreux nourrissons – ou encore la grippe. Au total, près d’une quarantaine de projets sont en cours sur les paillasses de la biotech.

Le bouillonnement de la recherche sur l’ARN messager s’observe aussi dans les laboratoires publics, où les spécialistes de cette technologie voient affluer depuis un an les candidatures des chercheurs désireux de travailler sur cette technologie, confiait Chantal Pichon au Monde au mois d’août 2021. Chercheuse au centre de biophysique moléculaire du CNRS à Orléans, la scientifique, qui a débuté ses travaux sur l’ARN messager il y a quinze ans, étudie notamment ses capacités dans la régénération des tissus osseux. L’ARN messager pourrait, entre autres, aider à résorber des fractures qui ne se soudent pas. Des thérapies existent déjà à l’heure actuelle pour répondre à cette problématique, mais elles ne permettent pas de doser avec autant de précision la quantité de protéines nécessaires, au risque de mener à des effets indésirables, contrairement à l’ARN messager.

Rançon de la gloire

Bien sûr, rien n’est encore totalement joué. Et nul encore ne sait avec certitude si cette technologie innovante se révélera aussi prometteuse sur toutes ces pathologies qu’elle le paraît. Si les premières recherches de Moderna, qui collabore avec l’Institut national des allergies et maladies infectieuses (NIAID) américain sur un vaccin contre le VIH, semblent prometteuses, les résultats préliminaires présentés récemment par le laboratoire pharmaceutique concernant son candidat-vaccin contre la grippe n’ont pour le moment pas semblé démontrer davantage d’efficacité que les vaccins de technologies plus classiques déjà commercialisés… Et donc ont suscité légèrement moins d’enthousiasme des marchés. La rançon de la gloire.

Après l’incroyable succès des vaccins contre le Covid-19, il faut dire que les attentes sur l’ARN messager sont immenses. Les scientifiques vont, par ailleurs, devoir résoudre plusieurs difficultés logistiques, comme la conservation des produits. L’ARN messager nécessite encore pour le moment d’être stocké à de très basses températures pour conserver ses propriétés intactes, ce qui complique son usage à large échelle. Mais l’espoir d’une nouvelle génération de produits révolutionnaires capables de sauver des millions de vies est bien là.

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