Le Covid-19 a ouvert une nouvelle ère pour la médecine.

Repéré par Thomas Burgel sur Bloomberg

 

Les annonces préliminaires de Pfizer-BioNTech et de Moderna sur l’efficacité –et l’apparente relative innocuité– de leurs vaccins à ARN messager contre le Covid-19 ont soulevé, dans le monde entier, une légitime vague d’espoir après des mois d’une pandémie dévastatrice.

Comme le rapporte Bloomberg, les scientifiques pensent pourtant déjà aux coups d’après, et ils sont prometteurs: les bienfaits de la technique pourraient aller bien au-delà de cet unique virus et faire entrer la lutte contre le cancer –et de nombreuses autres maladies– dans une nouvelle ère.

L’idée de l’ARN messager et de son utilisation en médecine n’est pas nouvelle. Comme le rappelle Stat dans un passionnant article sur l’histoire de la technique, elle traîne dans les laboratoires et esprits depuis des années, voire des décennies.

Sur le papier, le concept est plutôt simple. Certes un peu grossièrement, on peut le résumer ainsi: en créant puis en injectant un acide ribonucléique (ARN) synthétique et sur-mesure, il est possible de pousser le corps à produire un type bien précis de protéine, lui permettant alors, en réaction, de devenir sa propre fabrique de vaccin ou de médicament.

Nouvel âge médical

Sur le papier, la médecine par l’ARN messager fonctionne. Les obstacles biologiques, financiers et humains ont néanmoins été nombreux pour que la méthode puisse passer des laboratoires à la pratique, notamment grâce aux efforts sans faille de la biochimiste Katalin Karikó.

C’est à la faveur de l’urgence sanitaire imposée par la pandémie que les choses se sont accélérées et visibilisées, poussant les grands acteurs de l’industrie pharmaceutiques (Pfizer avec la start-up BioNTech) ou les gouvernements à déverser des milliards de dollars sur les scientifiques spécialisés dans l’ARN messager, et à autoriser des études sur des dizaines de milliers de candidats.

«Nous entrons dans l’âge des thérapies par l’ARN messager», explique à Bloomberg Derrick Rossi, l’un des fondateurs de Moderna, dont il ne fait désormais plus partie. «Le monde entier a vu ce qui s’est passé. Les investissements et les ressources vont se multiplier.»

C’est d’autant plus vrai que, si le Covid-19 devrait être la première application à grande échelle de la technique, elle n’est évidemment pas celle sur laquelle planchaient les scientifiques.

Chief executive officer de Moderna, Uğur Şahin a ainsi débuté ses recherches sur le cancer, avec sa femme Özlem Türeci, il y a deux décennies –le vaccin contre le Covid-19 proposé par la firme n’est que l’exploitation, à d’autres fins, de ces longs travaux préalables.

 

Selon Sahin, les premiers traitements contre le cancer basés sur l’ARN messager, qui apprendraient au corps à lutter directement contre les cellules cancéreuses et elles seules, pourraient voir le jour d’ici deux à trois ans. Les laboratoires y travaillent déjà: s’il s’est révélé décevant pour traiter le cancer colorectal, un vaccin conçu par Moderna allié au Keytruda de Merck a donné des résultats positifs dans le cas du cancer de la tête et du cou.

 

Mais le cancer n’est pas le seul domaine d’application imaginé pour l’ARN messager. Bloomberg cite ainsi pêle-mêle des vaccins contre la grippe plus efficaces, pourquoi pas combinés à des rappels contre le Covid-19, des traitements contre certaines pathologies cardiaques, la mucoviscidose, le cytomégalovirus voire le VIH

«Ce ne sera pas l’entreprise d’un médicament», se souvient avoir expliqué Stéphane Bancel à sa femme en quittant la firme pour laquelle il travaillait pour rejoindre Moderna, dont il est PDG. «Soit nous échouons et c’est zéro, soit nous réussissons et nous créons une industrie.»

Rien n’est bien sûr gagné, contre le Covid comme les autres maladies, mais l’humanité dans son ensemble peut souhaiter que son pari ait été le bon.

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