L’ordonnance de 1945 doit être remplacée le 31 mars par ce nouveau texte, auquel les députés ont apporté des garanties supplémentaires pour les droits des mineurs. 

Par Jean-Baptiste Jacquin

Repéré sur Le Monde  

Les députés de la majorité ont voté, vendredi 11 décembre, avec le soutien remarqué des Républicains et des socialistes, la réforme de la justice des mineurs. Le texte va désormais être examiné par le Sénat selon la procédure d’urgence, car le « code de la justice pénale des mineurs » ainsi créé est censé entrer en vigueur le 31 mars 2021 en lieu et place de l’ordonnance de 1945 « sur l’enfance délinquante ».

Les principes fondateurs de 1945, selon lesquels l’éducatif prime sur le répressif, la responsabilité pénale est atténuée en fonction de l’âge et les juridictions et procédures pour mineurs sont spécialisées, sont réaffirmés à l’article préliminaire du nouveau code. La majorité, avec l’appui de députés de tous bords, y a ajouté un quatrième principe proclamant que l’intérêt supérieur du mineur est pris en compte dans les conditions de mise en œuvre de sa responsabilité pénale.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Pourquoi la réforme de la justice des mineurs attise les oppositions

D’autres modifications renforçant les garanties pour les mineurs ont été apportées au texte de l’ordonnance préparée par l’ex-garde des sceaux, Nicole Belloubet, et adoptée en conseil des ministres le 11 septembre 2019. Si, sur un plan formel, le projet de loi du gouvernement se réduisait à un article unique de ratification de cette ordonnance, l’Assemblée nationale a bel et bien débattu du fond de cette réforme, qui crée un code de près de 280 articles.

Les débats ont duré deux jours

La présence de l’avocat sera désormais obligatoire dès l’audition libre d’un mineur par les services enquêteurs. Le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, initialement opposé à la mesure, s’est rangé à l’amendement porté par le rapporteur du texte, Jean Terlier (LRM, Tarn), mais également par la socialiste Cécile Untermaier (Saône-et-Loire), ou le communiste Stéphane Peu (Seine-Saint-Denis).

Autre innovation transpartisane apportée au texte gouvernemental, la décision de placer un mineur en détention provisoire reviendra au juge des libertés et de la détention (JLD), sur demande du procureur ou du juge des enfants. Ce JLD sera d’ailleurs spécialisé sur les mineurs. L’objectif est d’apporter un double regard et d’écarter les interrogations sur l’impartialité d’un juge des enfants chargé de juger un mineur qu’il aurait préalablement fait incarcérer.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Des milliers de poursuites pénales abandonnées dans les tribunaux pour enfants

Les débats, qui ont duré deux jours dans l’Hémicycle, avec 431 amendements déposés, ont été l’occasion de passes d’armes entre M. Dupond-Moretti et essentiellement les députés de La France insoumise (LFI) et ceux du Rassemblement national. Ugo Bernalicis (LFI, Nord), très combatif sur chaque point de ce texte technique, a notamment dénoncé une loi « répressive », alors que l’urgence est de « lutter contre la mise en danger de l’enfant et la pauvreté ».

Le ministre a refusé que la présomption d’irresponsabilité pénale en dessous de 13 ans instaurée par le texte soit irréfragable, comme l’ont demandé les élus de gauche. Le juge pourra ainsi la remettre en question s’il estime que l’enfant avait les capacités de discernement au moment des faits. « Ce n’est pas le code pénal qui connaît l’enfant, mais le juge », a justifié l’ex-avocat.

Doute sur la faisabilité

M. Dupond-Moretti a par ailleurs combattu les velléités de l’extrême droite, rejointe par M. Ciotti (Les Républicains, Alpes-Maritimes), d’abaisser la majorité pénale à 16 ans et d’autoriser la détention provisoire avant 13 ans. « Ce n’est pas parce qu’un enfant de 12 ans commettrait un crime grave que ce n’est plus un enfant, a plaidé M. Dupond-Moretti. Le choix n’est pas entre la prison ou rien, bien sûr qu’il ne sera pas livré à lui-même et qu’il sera pris en charge. »

Alors qu’une procédure se rapprochant de la comparution immédiate des majeurs est instaurée pour les mineurs les plus ancrés dans la délinquance, faisant craindre une multiplication des mesures d’incarcération, le ministre a préféré appuyer sur l’encadrement plus strict du recours à la détention provisoire, qui concerne aujourd’hui près de 80 % des mineurs en prison. « J’affirme que ce texte va réduire la détention provisoire des mineurs », a-t-il déclaré en réponse aux députés de gauche qui voulaient interdire une telle mesure pour les moins de 15 ans.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Une réforme pour juger les mineurs au plus près des faits

La principale innovation du texte, instaurant la césure de la procédure entre le jugement sur la culpabilité du jeune, dans les trois mois, et celui sur la sanction intervenant six à neuf mois plus tard, a été saluée dans son principe par pratiquement tous les députés présents. Le doute porte sur la faisabilité d’une telle réduction des délais, compte tenu des moyens, alors que la moyenne est aujourd’hui de dix-huit mois devant les juridictions des mineurs.

Jean-Baptiste Jacquin pour Le Monde.

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