Il y a quelques jours la SIMAR (Société Immobilière de la Martinique) débutait les travaux de démolition de l’historique immeuble ‘’Les Balisiers’’, construit dans les années soixante au quartier Floréal à Fort-de-France. Il y a dix ans, la SIMAR lançait un diagnostic technique sur la vulnérabilité sismique dudit bâtiment ; diagnostic qui établit alors une « vulnérabilité très forte aux séismes en raison de facteurs de risques aggravants tels que des fondations inadaptées pour assurer un ancrage horizontal suffisant ; une qualité de sol médiocre (…) et une topographie accidentée à l’origine d’un glissement de terrain en 1996 (…) ainsi que des accès et circulations – escaliers, passerelles, coursives – présentant des faiblesses de conception hypothéquant la capacité des habitants à évacuer en urgence en cas de séisme fort. » En 2018, le Conseil d’Administration de la SIMAR valide donc la réalisation d’une opération de relogement-démolition-reconstruction des ‘’Balisiers’’. Une page de la vie des quartiers foyalais est ainsi tournée. Les précisions successives de Bruno Ribac, le directeur général de la SIMAR, et de Didier Laguerre, le maire de Fort-de-France.

Bruno Ribac :

« Il s’agit d’un programme de 62 logements sur 3 bâtiments, avec une architecture moderne et sur ce même site »

Antilla : Que représente un tel projet pour la SIMAR ?

Bruno Ribac : C’est un projet important pour la SIMAR mais surtout pour les 168 familles qui ont vécu des décennies dans cette barre d’immeuble. Depuis plus de 10 ans, après avoir constaté que cet immeuble ne répondait plus aux normes sismiques malgré les premiers confortements, mes prédécesseurs ont engagé, avec la ville de Fort-de-France et l’État, ce qu’on appelle une ‘’opération de relogement-démolition-reconstruction.’’ La première phase de relogement c’est avec tout l’accompagnement social, parce que des gens sont sortis vraiment à la dernière minute de leur logement : ces personnes y étaient ‘’accrochées’’, pour beaucoup de raisons. La SIMAR a réalisé deux résidences à proximité – les résidences Ixora et Clément Petit Frère – et des personnes ont choisi d’être relogées dans d’autres résistances existantes. Une fois l’immeuble libéré de ses occupants on a eu une première phase de désamiantage. Cette phase est terminée, c’était la période où l’immeuble était complètement bâché pendant quelques mois, mais bâché avec une ‘’dépression’’ pour éviter que toutes particules grattées ne partent à l’extérieur. Là on est dans la dernière étape de la démolition, à savoir la déconstruction avec une pelle mécanique. C’est une sorte de ‘’grignotage’’ par le haut, qui durera deux mois maximum. Et une fois que cette démolition sera réalisée on pourra faire les études de sol pour le nouveau projet, pour lequel un permis de construire a déjà été accordé par la ville. Il s’agit là d’un programme de 62 logements sur 3 bâtiments, avec une architecture moderne et sur ce même site. Ce seront de nouvelles familles – peut-être que des anciens résidents voudront revenir, on verra ça en temps utile – mais on continue à proposer une offre de logements sur ce quartier, qui reste assez agréable pour ceux qui vivent.

Quelle est la répartition des engagements financiers pour le projet global ?

Cette opération a été financée à 50% par l’État, sur un montant global de 2,2 millions d’euros comprenant le désamiantage, la démolition et toute l’assistance au relogement, puisque bien entendu on a pris en charge les frais de déménagement de nos anciens résidents.

D’autres opérations d’une envergure similaire sont-elles « dans les tuyaux » de la SIMAR ?

On n’a pas d’immeuble nécessitant ce type d’opération de démolition-reconstruction. Aujourd’hui on fait de la réhabilitation ; on a un chantier qui vient de commencer à Trinité-Beauséjour – 229 logements pour 8,9 millions d’euros d’investissements -, on va réhabiliter complètement l’extérieur et l’intérieur des appartements.

Propos recueillis par Mike Irasque


Didier Laguerre :

« Au-delà de reconstruire, d’aménager, de développer des bâtiments, ce sont des femmes et des hommes, ce sont des communautés… » 

Antilla : Que représente une telle opération pour le maire de Fort-de-France ?

Didier Laguerre : Cette opération représente beaucoup pour nous, municipalité de Fort-de-France, parce que ce sont pour beaucoup des personnes âgées qui y vivaient ; des gens qui ont participé à la construction de ce quartier et de cette ville. Ce bâtiment représentait vraiment une communauté et nous avons tenu – dès 2014 lorsque la SIMAR nous a informés de la nécessité de le démolir car ce n’était pas possible de le réhabiliter – à travailler avec la SIMAR pour ne pas briser la communauté qui vivait ici. Donc que des bâtiments soient construits pour leur permettre de se retrouver ensemble, de ne pas perdre ce lien social qui unissait les habitants des Balisiers. C’est aussi un lien très fort avec le développement de ce quartier, dont c’était l’un des premiers bâtiments. Mr Clément Petit Frère était l’un des acteurs de la cohésion de ce bâtiment ; il a vraiment fédéré les habitants, les a accompagnés et a contribué à ce que ce soit une communauté, pas simplement des locataires. Au-delà de reconstruire, d’aménager, de développer des bâtiments, ce sont des femmes et des hommes, ce sont des communautés, des histoires de vie(s). C’est le plus important et c’est ce qui nous guide dans cette opération des ‘’Balisiers’’ : un nom éminemment symbolique, qui montre le lien qu’il y avait entre la municipalité et cette communauté qui y a vécu. C’est la même ligne directrice pour ce que nous faisons à Cité Bon-Air, où nous avons là aussi une communauté de vie(s). J’ai pris le temps qu’il fallait pour que cette communauté ne soit pas éparpillée mais rassemblée dans le cadre de son logement provisoire. La SIMAR a joué le jeu, je la remercie pour ça ainsi que son ancien directeur général, M. Alain Mounouchy, qui a fait construire une résidence spécialement pour accueillir les habitants de Bon-Air. Ce sont des communautés humaines qui se forment dans ces ensembles immobiliers et de logements. Et qui finalement sont plus importantes que les bâtiments

Quelle a été la contribution financière de la ville de Fort-de-France pour ce projet des « Balisiers » ?

Sur le plan financier la contribution de la ville consiste en faire en sorte que ce projet soit accompagné par l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU), qu’il soit inclus dans la convention de rénovation urbaine de la ville même si on n’est pas sur un quartier de la géographie prioritaire, de façon à ce que la SIMAR puisse bénéficier de financements lui permettant de mener à bien son opération.

La municipalité foyalaise est-elle ou sera-t-elle engagée dans d’autres projets de reconstruction- relogement ?

Oui nous sommes engagés dans d’autres projets, toujours dans notre rôle d’accompagnement et de défense des intérêts des habitants et communautés humaines

 Qu’entendez-vous par « défense de leurs intérêts » ?

Nous sommes engagés dans un projet mené par la SM HLM concernant la Cité l’Amitié, qui se trouve juste à côté de la Cité Bon-Air. Défense des intérêts des habitants parce que les reloger de façon éparpillée dans différents logements, ne pas tenir compte de la réalité de vie de chaque locataire, de chaque habitant entraine des pertes de repères, des déstabilisations qui peuvent être parfois très graves pour les personnes âgées, etc. Nous voulons que ces intérêts-là soient préservés, que les nécessités techniques de réhabilitation, démolition, reconstruction ne viennent pas déstabiliser chaque locataire dans ses habitudes, dans ses relations avec son voisinage. Et ne viennent pas déstabiliser la communauté, donc que nos quartiers gardent leur âme.

Propos recueillis par Mike Irasque


Les Habitants

« On a de très bons souvenirs ici… » 

Suzette Castelain, « Suze pour les ami.e.s », était l’une des figures des Balisiers. « J’y suis restée 20 ans, de 2001 à 2021, au numéro 404, la ‘’Peugeot 404’’ comme je l’appelais », explique-t-elle dans un franc sourire. « Là ça fait une grosse pincée au cœur », nous confie-t-elle avant les premiers impacts de pelle mécanique, « les larmes ne coulent pas encore sur mon visage mais elles coulent déjà intérieurement parce qu’on a de très bons souvenirs ici ; c’était une bonne ambiance, une bonne entente entre voisins et voisines, on buvait et on mangeait ensemble, etc. Parfois on pouvait se crêper un peu le chignon, bien sûr, mais après un petit moment c’était passé : on ne se tenait pas rancune. » Puis de glisser cette ‘’suggestion’’. « Le balisier c’est l’emblème de M. Aimé Césaire, donc je pense qu’on devrait donner son nom à l’un des trois bâtiments qui seront construits. » Le message est donc passé madame Suze : à suivre ? « Là nous sommes à la résidence Ixora », poursuit notre affable interlocutrice, « alors ce n’est pas la même vue qu’aux Balisiers mais on est bien logé.e.s, c’est tranquille. On est chacun chez soi mais s’il y en a un qui est malade : on est tous et toutes là. » Certaines permanences sont profondément rassurantes. MI

                                                                                                    

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