224 criminels ont été arretés, 3,7 tonnes de drogues interceptées et 28 millions d’euros en cash saisis. | Bejamin Lehman via Unsplash

Un piège magistral.


Le 8 juin, l’Australian Federal Police (AFP) annonçait avec une légitime fierté les résultats initiaux de la vaste opération Ironside. Après trois ans de collaboration avec les polices américaines, néo-zélandaises et suédoises notamment, elle lançait l’un des plus gros coups de filet de l’histoire récente de la lutte internationale contre le crime organisé.

Sur son seul territoire, ce sont ainsi 224 criminels qui ont été arretés, 3,7 tonnes de drogues qui ont été interceptées et 44 millions de dollars australiens (28 millions d’euros) en cash qui ont été saisis.

Europol donne des chiffres plus détaillés: 800 personnes arrêtées, 8 tonnes de cocaïne, 22 tonnes de cannabis, 2 tonnes d’amphétamines et de méthamphétamine, 250 armes à feu, 55 voitures de luxe et près de 40 millions d’euros en cash ou cryptomonnaies ont été chipés par les polices et agences, notamment la Drug Enforcement Administration américaine, impliquées dans une opération également nommée «Greenlight».

Pour le crime, le coup est rude. Et pour tout le monde, la manière dont l’opération a été conçue est passionnante. Tout a commencé avec le démantèlement de Phantom Secure, noire entreprise de Vincent Ramos dont nous vous contions l’histoire il y a quelques mois, fournisseuse officielle d’une plateforme de communication censée assurer une sûreté aux criminels du monde entier.

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Autour de quelques bières après le service, comme le relate Vice, des limiers australiens ont soumis à des homologues du FBI une idée aussi simple que géniale et complexe à mettre en œuvre: développer ANoM, une nouvelle plateforme chiffrée sur les cendres de Phantom Secure afin d’en faire un cheval de Troie, soit une fenêtre secrète destinée à s’infiltrer dans les échanges entre criminels.

L’Operation Trojan Shield était née, ainsi nommée par le FBI et menée en collaboration avec dix-huit institutions policières à travers le monde. Alors que Phantom Secure, Sky ECC ou Encrochat s’écroulaient, les réseaux criminels devaient trouver une autre solution technique pour communiquer. Pour eux, ANoM tombait à pic.

Fonctionnant sur invitation uniquement, ne permettant que l’envoi de messages écrits à des appareils du même acabit, la plateforme était réellement chiffrée –mais l’agence américaine avait pris soin de se créer une «clé-maître», permettant de décoder absolument toutes les données qui y transitaient.

Crime sous influence

Encore fallait-il qu’ANoM fasse le plus grand nombre d’émules. La parole de confiance de figures reconnues du milieu pouvait aider: des agents sous couverture ont donc confié un appareil à Hakan Ayik, boss de l’énorme Aussie Cartel, transformé à son insu en influenceur crime.

Pour faire bonne figure et jolie vitrine, un site officiel, des comptes sur les réseaux sociaux ou des annonces sur Reddit ont également été créés autour de la pseudo-firme, parfaitement fonctionnelle.

Par capillarité, Ayik et sa suite ont fini par recruter des milliers de leurs collègues malfaisants: quand le couperet a fini par tomber, 12.000 personnes dans plus de 100 pays utilisaient ANoM pour leurs petites affaires, selon Europol.

Trafics de stupéfiants, commandes d’assassinats et même un plan de fusillade de masse (qui a pu être déjoué): le secret des conversations n’était qu’un leurre et tout se discutait en direct et en transparence au creux des oreilles ébahies du FBI, de l’AFP et des polices concernées.

La confiance était telle que, comme l’a expliqué le patron de l’AFP Reece Kershaw, les discussions s’y faisaient de manière crue, sans aucune précaution. «C’était des choses comme: “J’ai besoin de 1.000 kilos de drogue à tel prix”, sans que la discussion ne soit codifiée d’une quelconque manière», a-t-il expliqué.

«Tout était là, librement accessible. Des demandes telles que “Nous aurons un hors-bord que vous pourrez trouver à tel endroit à tel heure, et c’est untel ou untel qui s’en chargera”, et ainsi de suite.»

En tout, ce sont 20 millions de messages qui ont pu être interceptés et potentiellement analysés par le FBI et ses camarades policiers. L’un d’eux, relate Vice dans un autre article, fait mention de 2 kilos de drogue glissée dans une valise diplomatique française en provenance de Bogota: le coup de génie que constitue ANoM n’a sans doute pas fini de révéler de surprenants secrets.

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