Grégoire Souchay (Reporterre)

Le volet du plan de relance dédié à la rénovation énergétique est loin d’une révolution : on revient simplement aux niveaux de financements de 2018 et ce, pour seulement deux ans. Analyse.


On ne pourra pas leur reprocher leur enthousiasme. Tant le Premier ministre, le ministre de l’Économie que Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, ont repris en chœur jeudi 3 septembre en conférence de presse l’éloge d’un volet de leur plan de relance : 6,7 milliards d’euros pour la rénovation énergétique, élément-clef des 30 milliards du volet transition écologique, « pas de géant pour la transition écologique en France », selon les mots de Barbara Pompili. Dans le détail, 4 milliards d’euros vont être dédiés à la rénovation des bâtiments publics. S’y ajoutent 2 milliards pour le logement privé via le dispositif MaPrimeRénov, 500 millions pour les logements sociaux et 200 millions pour les petites et moyennes entreprises. Le gros du dispositif concerne les bâtiments publics avec 300 millions d’euros délégués aux régions pour la rénovation des lycées. Pour les universités et les bâtiments régaliens, l’argent sera débloqué via des appels à projets. Enfin, pour les bâtiments des communes et départements, les financements seront fléchés via les préfets.

Mais l’annonce phare du gouvernement concerne bien MaPrimeRénov, désormais financée à hauteur de 2 milliards d’euros sur deux ans. Ce dispositif, né début 2020, financera désormais tous les travaux de rénovation du parc privé, qu’il s’agisse de copropriété, de bailleurs ou de propriétaires occupants. À sa création, il venait combler un manque pour les ménages les plus modestes (1er, 2e et 3e décile de revenus), mathématiquement non éligibles aux crédits d’impôt puisque n’en payant pas ou peu. Mais les premiers retours pour 2020 montrent, au-delà du ralentissement dû au Covid, une concentration des demandes de financements sur un faible nombre de ménages. Autant dire que les situations les plus urgentes sont restées à l’écart. Et plutôt que de tenter de les cibler mieux, désormais, le dispositif sera simplement ouvert à tout le monde, des plus modestes aux plus riches.

« Ce n’est pas forcément une mauvaise chose », estime Yann Dervyn, directeur d’Effinergie, association de promotion de la construction basse consommation. « Les ménages les plus aisés qui ont les capacités financières tirent le marché dans son ensemble », explique-t-il à Reporterre. Jusqu’ici « les aides ont surtout été pour des opérations au coup par coup, on a trop souvent pensé que la rénovation énergétique, c’était remplacer la chaudière, isoler les combles et c’est tout », rappelle-t-il. D’où sa relative satisfaction à voir le gouvernement pousser un peu plus la « rénovation globale des logements » pour les plus aisés.

Reste à voir ce que ce « global » recoupera car dans les premiers exemples évoqués par les ministres, ces aides seraient plafonnées autour de 20.000 € pour une rénovation complète. Or, « pour réaliser une rénovation basse consommation, il faut au moins compter le double de soutien public », estime Jean-Baptiste Lebrun, du Cler – Réseau pour la transition énergétique. « Plutôt déçu » par cette « insuffisante » hausse du budget dédié à la rénovation, « cela donne l’impression de vouloir tout faire partout mais avec pas assez d’argent », estime-t-il.

Un relatif rattrapage budgétaire

À y regarder de plus près, ce financement « exceptionnel » ne semble en fait qu’un relatif rattrapage budgétaire après la baisse des financements à la rénovation observée depuis deux ans. En 2018, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (Cite), désormais absorbé par MaPrimeRénov, était de 1,7 milliard d’euros. Cette année-là, plus de la moitié de la somme avait été utilisée pour « remplacer des portes, fenêtres et autres volets roulants ». Cela avait conduit le gouvernement à « mieux cibler » cette aide en 2019.

Conséquence : la diminution de moitié de son enveloppe. Dans le même temps, un autre mécanisme prenait le relais : les certificats d’économie d’énergie (CEE). Financement d’origine privée, ces « bons » viennent indirectement compenser les surplus de ventes d’énergie des énergéticiens et participent aux financements de la rénovation. En 2019, ces CEE représentaient 1,3 milliard d’euros et ce budget continue d’augmenter.

De plus, comme une bonne part des financements du plan, les 2 milliards destinés à MaPrimeRénov pour 2021 et 2022 ne sont pas pérennes. « Quand on voit qu’à côté des 6,7 milliards de la rénovation, 7 milliards sur dix ans sont destinés à l’hydrogène vert, cela interroge sur les priorités du gouvernement », déplore Jean-Baptiste Lebrun. Pour en finir avec les « passoires énergétiques » (bâtiments classés F et G) d’ici 2040, comme le réclame la Convention citoyenne pour le climat, 3 à 4 milliards seraient nécessaires… chaque année.

Enfin, les financements annoncés arriveront-ils à se concrétiser ? 40 % du financement proviendra directement du plan de relance européen, encore largement suspendu à l’adoption par les multiples États membres. Le reste sera discuté dans la prochaine loi de finances. On ne sait pas à ce jour si les certificats d’économie d’énergie seront inclus dans ce plan ou s’ils s’y ajouteront. Le gouvernement a par ailleurs annoncé la mise en place d’indicateurs spécifiques pour mesurer l’avancée du plan, notamment sur « le nombre de rénovations réalisées ». Jusqu’ici, les mesures existantes agrégeaient différents travaux ponctuels pour constituer une artificielle équivalence « rénovation globale », bien loin de la réalité qualitative observée sur le terrain. Autant d’incertitudes qui donnent aux annonces du jour un faux air de contreplaqué.

 

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