Spectacle désolant, de voir, du haut de son balcon, nos compatriotes aller chaparder des courses, piller l’électronique, voler des bijoux, dans les supermarchés et les boutiques de la ville cette nuit. Le black-out a été le prétexte d’un pillage organisé, offert sur un plateau par des grévistes à la dérive, incapables de faire la part entre intérêt personnel et cause publique.
Insensibles à la destruction de tout un pan de l’économie du pays qui les nourrit. Feignant d’ignorer la perte de chance et le risque de mort des malades. Que leur employeur ait une part de cette responsabilité importe peu. Ce sont eux nos compatriotes et les enfants du pays, pas les états-majors des groupes nationaux.
Une population paupérisée s’est faite complice d’une jeunesse sans perspectives et biberonnée aux réseaux. Toute la nuit des caddies pleins à ras bord ont roulé, brinquebalant, jusqu’à nos cités et nos quartiers et les familles ont accueillis bras ouvert et yeux fermés le butin d’une nuit de pillage.
Qui honnêtement désigner à l’opprobre ?
Ces familles et ces jeunes qui ont fait régner la terreur sous nos fenêtres, qui vivent sous le seuil de pauvreté et ne survivent que de transferts sociaux qu’une publicité insistante et incessante leur demande de reverser aussitôt à la grande distribution ?
Les forces de l’ordre presque invisibles, intervenant en décalage et abandonnant la cité des heures durant ?
L’Etat a été indiscutablement défaillant. Sa première compétence c’est le maintien de l’ordre et la sécurité des biens et des personnes. On dit les forces de l’ordre en nombre insuffisant mais on ne connaît ni la réalité des chiffres, ni leur feuille de route, ni leur stratégie. Les politiques, comme d’habitude en prendront plein leur grade. Sur l’immédiateté de la situation reconnaissons cependant que la compétence du maintien de l’ordre ne leur incombe pas. La responsabilité qui leur revient c’est de dessiner un cadre, une orientation des politiques publiques, un cap vers lequel dresser la voile.
Et là leur défaillance est palpable. Pas seulement à l’échelle individuelle. Mais collectivement. Les partis émiettés, les personnalités peu audibles, les dirigeants pris dans le quotidien, n’arrivent pas à choisir un cap commun, à faire rêver d’une destination, à faire espérer des lendemains meilleurs.
Faut-il pour autant baisser les bras ?
Faut-il se résoudre à la dictature dés réseaux, au populisme le plus débridé frayant sans honte bue avec l’extrême-droite, à l’incantation assimilationiste comme unique chemin vers le mieux-être ?
Je ne crois pas.
C’est pour cela que je reste militant. Assumant les erreurs, corrigeant les faux- pas, mais les yeux toujours brillants à l’idée d’une Guadeloupe que l’on préserverait, que l’on embellirait, d’un peuple Guadeloupéen en permanence vivifié d’apports nouveaux mais qui ne se diluerait jamais dans le néant de l’autre.
Les rêves plein la tête d’une fraternité fortifiée entre hommes et femmes de classes sociales différentes partageant, savourant, protégeant l’espace public.
Jacques Bangou