Ce débat m’inspire deux réflexions :

La première concerne la course à l’armement à laquelle se livre le monde de la Yole. Son tour annuel coûte de plus en plus cher et met ses associations en difficulté chronique. Le moment est venu pour la Fédération locale de stopper la surenchère lors des compétitions, en réduisant notamment la taille des voiles, en divisant par deux leur nombre autorisé, en amortissant chaque coque sur deux ou trois éditions, et en ne sélectionnant que des matériaux traditionnels pour leur construction. Ces simples mesures permettraient de réduire sensiblement le budget des associations. Elles permettraient en outre à de nouvelles yoles d’apparaître sur les eaux de Martinique… et à notre patrimoine culturel immatériel de briller encore longtemps à l’UNESCO !

La deuxième réflexion concerne le jugement moral porté sur nos entreprises locales. Un jugement insupportable qui laisse entendre que l’affichage de leur existence n’est pas éthique. Ainsi, on voudrait bien qu’elles donnent de l’argent, et qu’elles s’effacent. On voudrait bien qu’elles payent une contribution – pourquoi pas un impôt ? – et qu’elles retournent à leurs vulgaires exploitations.

Je suis opposé à cette vision des choses pour deux raisons : la première, c’est qu’en assumant sans complexe ses relations avec les entreprises, les yoles de Martinique ont réussi ce qu’aucun autre sport n’est parvenu à faire : mobiliser des moyens financiers et humains issus du secteur privé et parvenir au premier rang des événements populaires locaux. Sans cette relation ouverte de partenariat, jamais les yoles ne seraient ce qu’elles sont aujourd’hui. Jamais les mondes associatifs et économiques n’auraient su naviguer ensemble avec autant d’efficacité, autant de ferveur, autant de solidarité. S’il fallait demain réglementer la visibilité des marques d’entreprises sur les voiles des yoles, le risque serait grand que les sponsors « ralent leur canots » vers leur sujet premier : la conduite exigeante de leur entreprise. Point.

La deuxième raison pour laquelle je m’oppose à ce jugement moral, est qu’il laisse penser que l’entreprise est par essence amorale, ou non-éthique. L’entreprise porterait en elle une culpabilité fondamentale qui la rendrait indigne de s’afficher publiquement, comme si elle n’était habitée que par des intentions nocives, honteuses. Cette vision est celle d’un autre siècle dogmatique. Elle est à l’inverse de ce que sont réellement nos entreprises : des projets collectifs d’hommes et de femmes qui naviguent ensemble par temps difficile pour tenir le cap, inventer, innover, servir leur clientèle, enrichir le pays,  développer des compétences, créer des emplois… Elles sont des équipages unis, solidaires, inquiets mais volontaires, affrontant ensemble les bourrasques et les risées. Les entreprises de Martinique sont à l’image de nos yoles. Elles sont notre fierté. Elles ont toute leur place sur les voiles.

Emmanuel de Reynal

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