© Monisha Pushparaj / Wikimedia – Licence : CC BY-SA

A croire que l’on pouvait “sauver la planète” en fermant le robinet pendant qu’on se lavait les dents, la crise environnementale a été minimisée et s’est finalement aggravée avec la massification de la société de consommation au niveau mondial. Et pourtant, certains gestes éco-citoyen ont une véritable portée et sont de puissants leviers mais restent encore trop marginalisés.

Il y a quelques dizaines d’années, face à l’urgence écologique naissante, les gestes écologiques au quotidien étaient régulièrement mis en avant : éteindre les lumières inutiles, installer des mitigeurs aux robinets, triers ses déchets, laisser sa voiture au garage… Une pléthore de gestes, plus ou moins efficaces, que nous détaillons dans notre dossier dédié.

Ainsi certains gestes très peu engageants ont été montés en épingle et brandis comme une solution au désastre écologique en cours. Une manière élégante, douce mais aussi pernicieuse de faire croire que le citoyen peut continuer de consommer outrageusement tout et n’importe quoi et ainsi préserver les intérêts économiques de certains décideurs politiques et économiques.

Mais le scénario du “business as usual” perdure et avec lui les déclarations toujours aussi évasives et hypocrites des décideurs qui affirment avec aplomb depuis au moins 40 ans que tout doit changer sans rien vouloir changer dans le fond.

Le monde scientifique et la société civile ne sont toujours pas écoutés, malgré des mobilisations de plus en plus massives et percutantes. Résultat : la situation environnementale s’est nettement dégradée en quelques années et la plupart des indicateurs environnementaux sont plus qu’alarmants.

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Les gestes individuels sont-ils pour autant inefficaces ou inutiles ? Pour y voir plus clair, le cabinet d’étude Carbone 4 vient de publier un rapport sur le poids des gestes écologiques sur les émissions de gaz à effet de serre pour un français moyen.

“Quel impact est-on en droit d’attendre des « petits gestes du quotidien » ? Quel est l’effet d’un changement radical de comportement individuel sur l’empreinte carbone moyenne d’un Français ?” telles sont les questions posées par cette étude édifiante.

Un français émet 10,8 tonnes de CO2 par an

L’empreinte carbone moyenne d’un Français était de 10,8 tonnes de CO2 en 2017 :

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Déclinaison par poste de l’empreinte carbone d’un Français moyen

Carbone 4 – Licence : DR

A lire sur ce sujet :

L’empreinte carbone (définition) évalue les émissions de gaz à effet de serre (GES) induites par la consommation de la population résidant sur notre sol. A la différence des émissions produites sur le territoire, elle inclut aussi les émissions de GES associées aux biens et services importés, et exclut celles associées aux biens et services exportés. C’est pourquoi elle est plus du double des émissions de carbone par habitant (4,38 t/hab/an en 2016).

Or, pour respecter l’Accord de Paris (qui est lui-même insuffisant), il faudrait que nos émissions baissent d’environ 80 % d’ici 2050, un défi qui semble d’autant plus insurmontable que cet accord n’a toujours pas entraîné de mesure drastique à la hauteur de l’enjeu. Pour autant, il n’est pas question de baisser les bras, ne serait-ce que pour diminuer l’ampleur des changements climatiques et prendre ses responsabilités.

Comment pouvons-nous y contribuer ?

Nourrir l’humanité : un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre

Les émissions de gaz à effet de serre du système de production alimentaire ont très largement été sous-estimées. Selon une étude publiée en juin 2021 dans Environmental Research Letters, nourrir l’humanité en 2018 produisait l’équivalent de 16 milliards de tonnes de dixoyde de carbone (en augmentation de 8 % depuis 1990), c’est à dire un tiers de toutes les émissions d’origine anthropique.

L’étude a révélé que si les émissions totales des systèmes alimentaires ont augmenté de 1990 à 2018, la croissance démographique et l’évolution des technologies ont entraîné une diminution des émissions par habitant, passant de l’équivalent de 2,9 tonnes à 2,2 tonnes de CO2 par personne. Mais les émissions par habitant des pays développés avec 3,6 tonnes de CO2 par personne en 2018, étaient près du double de celles des pays en développement.

Comparaison des émissions de gaz à effet de serre (1990-2018) de différentes parties du système de production alimentaire

Crédit : Tubiello et al., Environmental Research Letters 2021 – Licence : CC BY

La conversion d’écosystèmes naturels en terres cultivées ou en pâturages agricoles (très majoritairement pour l’élevage) est restée la principale source d’émissions au cours de la période d’étude, avec près de 3 milliards de tonnes de CO2 par an. Mais il a considérablement diminué depuis 1990, de plus de 30 %, peut-être en partie parce que nous manquons de terres à convertir, nuancent les auteurs.

D’un autre côté, les émissions mondiales dues au transport domestique des aliments ont augmenté de près de 80 % depuis 1990, pour atteindre 500 millions de tonnes en 2018. Ces émissions ont presque triplé dans les pays en développement. Et les émissions générées par la consommation d’énergie du système alimentaire, en grande partie le dioxyde de carbone provenant des combustibles fossiles tout au long de la chaîne d’approvisionnement, s’élevaient à plus de 4 milliards de tonnes en 2018, soit une augmentation de 50 % depuis 1990.

L’auteur principal de l’analyse, Francesco Tubiello, chef de l’unité “statistiques environnementales” à la FAO montre que la production alimentaire représente une “opportunité d’atténuation des gaz à effet de serre plus importante que prévu, et qui ne peut être ignorée dans les efforts visant à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris”.

Ainsi, il a souligné que les inventaires d’émissions que les pays rapportent actuellement à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques caractérisent mal les systèmes alimentaires et sous-estiment leur contribution au changement climatique.

Les geste éco-citoyen le plus fort : devenir végétarien

“Parmi les actions individuelles à plus fort impact, le passage d’un régime carné à un régime végétarien représente à lui seul une baisse d’environ 10% de l’empreinte carbone totale d’un individu” souligne le rapport de Carbone 4 qui ajoute : “Il permet de limiter les émissions issues de l’élevage (émissions de méthane par les ruminants) et de la déforestation (déstockage du carbone sous l’effet du changement d’affectation des sols). Il représente à lui seul (…) 46 % du total de la baisse maximale induite par les changements de comportements étudiés. Viennent ensuite les actions liées à la mobilité (covoiturage, suppression des trajets en avion, modes de transport doux), à la consommation de biens et services (achat de vêtements, d’électroménager et d’appareils high-tech d’occasion, zéro déchet) puis au logement (thermostat, éclairage LED)”.

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Réductions de CO2 induites par les gestes écologiques individuels

Carbone 4 – Licence : DR

Devenir végétarien et même végétalien est un engagement à la portée de tous et qui a également de nombreux bénéfices pour la santé, mais aussi pour l’environnement : moins de déforestation et donc plus de biodiversité, moins de pollutions des écosystèmes, moins de maltraitance animale, moins de gaspillage alimentaire et des ressources…

Le rapport de Carbone 4 montre que si un Français réalise tous les gestes écologiques du quotidien il pourrait diminuer ses émissions carbone de 25 %, ce qui est significatif bien qu’encore insuffisant face à la diminution espérée de 80 %. Plus raisonnablement, on peut s’attendre à une baisse de 5 à 10 % de l’empreinte carbone moyenne.

Par conséquent, le rapport conclut, comme tant d’autres alertes et études scientifiques, qu’il faut réorienter drastiquement les investissements de l’Etat et des entreprises qui doivent prendre des mesures radicales et massives : “Il est donc vain, et même dangereusement contre-productif, de prétendre résoudre question climatique en faisant reposer l’exclusivité de l’action sur les seuls individus. Le problème est systémique”.

C’est l’action collective qui sera le le moteur prépondérant du changement indispensable. Toutefois, encore trop peu de personnes sont prêtes à initier ce changement de société, comme en témoignent régulièrement les résultats des élections et l’opposition encore forte au changement.

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