L’Assemblée nationale a adopté, jeudi 27 novembre 2025, en première lecture, une proposition de loi visant à instaurer un tarif postal unique entre l’Hexagone et les territoires dits d’Outre-mer. Voté par 195 députés, ce texte marque une avancée symbolique et politique dans la lutte contre la vie chère et les inégalités territoriales, même s’il doit encore poursuivre son parcours parlementaire au Sénat avant une éventuelle application.
Une péréquation tarifaire attendue depuis des années
Portée par le groupe La France insoumise et défendue avec insistance par les députés ultramarins Jean-Philippe Nilor et Perceval Gaillard, la proposition de loi étend le principe du tarif postal unique à l’ensemble du territoire de la République. Concrètement, elle vise à garantir que l’envoi d’un colis ou d’un courrier à l’unité soit facturé au même prix, qu’il parte de Lille, de Fort-de-France ou de Saint-Denis de La Réunion.
Ce mécanisme de péréquation tarifaire, déjà appliqué partiellement à certains produits postaux, permettrait de mettre fin à des écarts jugés discriminatoires par les élus ultramarins, pour qui l’égalité d’accès au service public postal est un droit fondamental trop longtemps ignoré.
Des inégalités structurelles dénoncées par les élus ultramarins
Durant les débats, les députés des Outre-mer ont rappelé que les tarifs des colis peuvent être 30 à 40 % plus élevés que dans l’Hexagone, parfois même davantage selon les fournisseurs et les périodes. Pour une même catégorie de colis, l’envoi peut coûter deux fois plus cher à la Martinique, en Guadeloupe ou en Guyane.
Ces surcoûts, ont-ils souligné, s’ajoutent à une liste déjà longue de facteurs contribuant à la vie chère : salaires médians plus bas, coût élevé du fret, poids des importations, précarité persistante. La question postale est ainsi apparue comme un symptôme parmi d’autres d’un déséquilibre ancien que les habitants subissent quotidiennement.
Les réserves du gouvernement : un coût de 50 millions d’euros
La ministre déléguée au Numérique et à l’Intelligence artificielle, Anne Le Hénanff, a reconnu publiquement la légitimité de la demande d’égalité tarifaire. Elle a toutefois alerté sur un surcoût évalué à 50 millions d’euros pour La Poste, qui devrait compenser la différence tarifaire liée à la distance et au fret.
La ministre a également évoqué certains risques juridiques, notamment en matière de concurrence européenne, et rappelé qu’un projet de loi global contre la vie chère dans les Outre-mer arrivera prochainement en discussion. La mesure pourrait donc s’intégrer dans une réforme plus large, touchant à la fois aux prix, aux taxes et à l’organisation des marchés ultramarins.
Un débat perturbé par la stratégie obstructionniste du RN
L’examen du texte a été particulièrement animé. Le Rassemblement national et ses alliés de l’Union des droites pour la République ont déposé près d’une centaine d’amendements, rallongeant significativement les débats. Cette stratégie, dénoncée par plusieurs députés ultramarins comme une instrumentalisation de la question sociale à des fins politiques, a provoqué une suspension de séance.
À la reprise, la majorité de ces amendements ont été retirés, permettant au débat d’avancer dans un climat moins tendu.
Un vote unanime… malgré l’abstention du camp gouvernemental
La proposition de loi a finalement été adoptée à l’unanimité des suffrages exprimés. La gauche, les communistes et le Rassemblement national ont voté pour. Le gouvernement, lui, s’est abstenu, tout en affirmant ne pas s’opposer au principe du texte.
Pour les élus ultramarins, il s’agit d’une victoire politique importante. Après des années de dénonciation des surcoûts postaux et de revendications sur l’égalité tarifaire, ce vote marque, selon eux, une étape décisive vers un véritable alignement du service public sur les principes de continuité territoriale et d’égalité républicaine.
Reste désormais à convaincre le Sénat, qui examinera le texte dans les prochains mois. Son adoption définitive constituerait une avancée majeure dans la vie quotidienne des particuliers et des petites entreprises ultramarines, pour qui le coût des colis n’est pas un détail mais un marqueur des fractures territoriales françaises.JPB



