Tentons de comprendre les gens qui ont peur de la 5G

 

Ct p me«Dans l’anthroposophie, il y a trois forces du mal: Lucifer, lié à l’électricité, Ahriman, lié au magnétisme et Soradt, lié à la radioactivité, expose Grégoire Perra. En somme, tout ce qui est rayonnement est désapprouvé par les anthroposophes. Pour eux, chaque fois que l’on dort, le moi et le corps astral s’échappent du corps physique et du corps éthérique et vont se dissoudre, s’évaporer dans le cosmos. Ils s’élargissent au-dessus de la terre pour aller rejoindre les différentes sphères astrales comme on le fera complètement lors de notre mort. […] Mais si l’on rencontre des satellites durant cette phase d’élargissement, cela fait des trous dans notre corps astral. Pour certains anthroposophes, les satellites empêchent de dormir: si l’on a un mauvais sommeil, c’est à cause des satellites.»

Il suffit ensuite d’une crise sanitaire sans précédent, particulièrement anxiogène et qui nous force à accepter l’imprévisible, le tout associé à une communication gouvernementale incertaine sinon régulièrement empêtrée dans les contradictions, pour que ce type de théories s’étende à une plus large population que celle de son public initial.

L’ingrédient principal de ces “théories”, ce n’est pas l’objet. C’est la colère politique, adossée à un manque de connaissances fréquent.

RICHARD MONVOISIN, DIDACTICIEN DES SCIENCES À L’UNIVERSITÉ GRENOBLE-ALPES

«En situation de crise, personnelle ou collective, on cherche un sens, une explication, simple et unilatérale si possible», avance Richard Monvoisin, didacticien des sciences à l’Université Grenoble-Alpes, spécialiste de l’étude des théories controversées.

Les stigmates de la colère

Pour Richard Monvoisin, le fleurissement de théories, ou plus précisément de thèses complotistes, est une combinaison de colère et de méconnaissance. «L’ingrédient principal de ces “théories” (qui n’en sont pas, il faut le dire, puisqu’elles sont auto-immunes à la critique), ce n’est pas l’objet. C’est la colère politique, adossée à un manque de connaissances fréquent. Colère politique car défiance envers les institutions, les journalistes, le pouvoir –et à raison à mon avis. Méfiance envers les offices gouvernementaux de santé du fait des trop nombreux conflits d’intérêts, etc.»

«Plus la connaissance du sujet est nébuleuse, poursuit-il, plus on raisonne comme suit: on trouve un coupable idéal (ici la 5G) puis on collecte des morceaux de faits qui vont faire vaguement tenir debout le complot.»

S’il y a de la peur dans tout cela, une peur somme toute légitime face à ces ondes que l’on ne voit pas, que l’on ne comprend pas et que l’on a pourtant dans notre poche par le biais de notre smartphone, ces thèses révèlent la colère de la population face à la confiscation de son droit à la parole.

«Tant que des décisions importantes, depuis la fermeture des postes jusqu’aux compteurs Linky en passant par la 5G, sont confisquées au “peuple”, il est prévisible, normal, et même juste que les gens s’y opposent (même s’ils s’y opposent avec des arguments “foireux”)», note le chercheur.

À cela s’ajoutent de grosses lacunes en épistémologie. Dès lors, afin de prémunir nos sociétés de telles informations erronées, Richard Monvoisin préconise «la création de cours d’esprit critique dès le CM2 ainsi que la création d’institutions de référence, avec des membres élus, pour diffuser une information fiable. Autant dire que ce n’est pas demain la veille.»

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