Objet : Protestation contre le retrait du créole du concours national d’agrégation 2025-2026
Fort-de-France,
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse,
En notre qualité de coprésidents de l’association Tous Créoles, engagée depuis sa création dans la promotion du dialogue, de la mémoire et du vivre-ensemble, nous souhaitons exprimer notre profonde préoccupation face à la décision de ne pas ouvrir, pour la session 2025-2026, le concours national d’agrégation de langue vivante régionale – option créole.
Cette décision, présentée comme un « ajustement temporaire », a suscité une vive émotion dans les milieux éducatifs, universitaires et culturels de Martinique, de Guadeloupe et de l’ensemble des territoires créolophones. Elle envoie un signal particulièrement regrettable à l’égard d’une langue qui constitue un pilier du patrimoine linguistique, historique et culturel de la France, mais aussi un vecteur essentiel de cohésion sociale et de fierté collective.
Le créole, langue de plus d’un million de locuteurs, est expressément reconnu par l’article 75-1 de la Constitution, qui dispose que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».
Cette reconnaissance constitutionnelle implique un devoir de protection et de promotion équitable de toutes les langues de France, y compris celles des Outre-mer. Le maintien du concours d’agrégation pour le corse, le breton et l’occitan, parallèlement à la suspension du créole, introduit une rupture d’égalité difficilement justifiable, contraire à l’esprit de la République et au principe d’unité dans la diversité.
Cette mesure entraîne également des conséquences directes sur la continuité de la formation et de la recherche.
En interrompant le lien entre le CAPES de créole et l’agrégation, elle fragilise la filière universitaire et menace la relève des enseignants-chercheurs. Elle compromet les avancées scientifiques portées depuis plusieurs décennies par les travaux fondateurs de Jean Bernabé, Raphaël Confiant et Patrick Chamoiseau, qui ont donné au créole ses lettres de noblesse dans le champ académique et littéraire. Cette régression institutionnelle est d’autant plus incompréhensible que la discipline bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance internationale et attire un nombre croissant d’étudiants.
Nous tenons à souligner que le créole n’est pas seulement un idiome régional, mais une langue de culture, de pensée et de transmission, profondément ancrée dans l’histoire de la nation française et dans l’héritage humaniste de la Caraïbe. Sa promotion participe à l’idéal républicain d’égalité, de diversité et de fraternité que nous défendons inlassablement au sein de notre association.
C’est pourquoi nous vous demandons respectueusement mais fermement :
1. Le rétablissement du concours d’agrégation de langue vivante régionale – option créole dès la session 2025-2026 ;
2. L’inscription durable du créole dans la programmation pluriannuelle des concours nationaux ;
3. La définition d’une politique linguistique cohérente et ambitieuse, plaçant les langues ultramarines au même niveau de considération que les langues régionales hexagonales.
Un tel engagement constituerait un acte fort de justice et de cohérence républicaine, rappelant que la richesse de la France réside aussi dans la pluralité de ses voix, de ses cultures et de ses mémoires.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, l’expression de notre très haute considération.
Dorothée De Reynal
Coprésidente de l’association Tous Créoles
Gérard Dorwling-Carter
Coprésident de l’association Tous Créoles
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