Nous avons déjà évoqué dans ce journal ( article repéré dans Justice) la question de l’utilisation de certains médicaments présentés par cer- tains médecins martiniquais comme pouvant guérir de la Covid-19. Nous pensons utile pour l’information de nos lecteurs de reprendre un article très détaillé et documenté de l’agence France-presse (AFP) et réfutant les assertions de la médecin Françoise Douady, exerçant en Martinique, lors d’un débat à Martinique 1ère le 17/08/2021. “J”

Dans une vidéo partagée plusieurs dizaines de milliers de fois sur Facebook depuis le 20 août, une médecin interrogée sur un plateau TV en Martinique affirme que l’efficacité de traite- ments anti Covid à base d’ivermectine, d’hydroxychloroquine et d’azithromycine, a été scientifiquement prouvée. Ces affirmations sont trompeuses : il n’est pas possible à ce jour d’af- firmer scientifiquement qu’un médicament prévient ou guérit du Covid-19.

“C’est très difficile parce qu’on a plus certains traitements, qui marchent, comme l’ivermectine, quoi qu’on en dise”, affirme une médecin dans une vidéo partagée plus de 26.000 fois sur Facebook depuis le 20 août, et reprise dans plusieurs posts (1, 2) et sur Twitter.

Il s’agit de Françoise Douady, médecin généraliste et nutritionniste basée à Fort-de-France en Martinique. Dans cette vidéo, elle s’exprime sur le plateau télé de la chaîne publique la 1ère, qui couvre l’Outre-mer. Elle affirme que des traitements efficaces contre le Covid-19 existent, et cite notamment l’hydroxychloroquine, l’azithromycine et l’ivermectine

Elle affirme également que ces traitements ne sont pas utilisés en France alors qu’ils auraient fait leurs preuves à l’étranger. Ces informations sont trompeuses : si les études et les polémiques autour de traitements du Covid-

19 se multiplient, l’efficacité de ces médicaments n’est à ce jour pas démontrée scientifiquement contre le Covid.

Françoise Douady affirme que la Martinique n’a plus “certains traitements qui marchent, comme l’ivermectine”. L’ivermectine est un médicament – à usage vétérinaire et humain – utilisé contre des parasites, comme la gale, la cécité des rivières (onchocercose) ou encore les poux. Elle affirme “qu’on n’a pas voulu reconnaître que ce traitement marchait”.

Elle donne également des chiffres, affirmant, pêle-mêle, que “plus de 300 études de méta analyse sur l’hydroxychloroquine ont prouvé un résultat à plus de 65%” et que “63 études qui ont porté sur 26.398 personnes, 68% de bons résultats avec des anticorps monoclonaux, une étude qui a porté sur 799 personnes, on a 66% de résultats, avec le remdesivir, 31%.. L’AFP n’a pas été en mesure de retrouver la source de tous ces chiffres. Contactée à plusieurs reprises par l’AFP pour préciser ces affirmations, le Dr. Douady n’a pas donné suite à ces sollicita-trions.

L’essai clinique européen Discovery, qui teste l’efficacité de médicaments contre le Covid-19, a arrêté de tester le remdesivir en janvier 2021 après pourtant quelques premiers essais encourageants, “faute de preuves de son efficacité” comme l’avait écrit l’AFP dans une dépêche le 27 janvier 2021.

Plusieurs autorités sanitaires et institutions scientifiques ont pourtant déjà expliqué que l’ivermectine n’était pas considérée comme un médicament préventif ou curatif, en raison de la faiblesse scientifique des données disponibles.

Si une étude a observé une efficacité in vitro (en laboratoire), de l’ivermectine sur le Sars-CoV-2, son efficacité sur l’homme n’est à ce jour pas démontrée, car les essais menés ne permettent pas de déterminer si elle est efficace ou non tant ils ont des faiblesses méthodologiques, comme l’avait déjà expliqué l’AFP ici. Des rumeurs concernant la confiscation de stocks d’ivermectine en Martinique circulent aussi sur les réseaux sociaux. Si les pharmaciens martiniquais ont rapporté des pénuries d’ivermectine dues à une hausse de la demande, il n’y a pas eu de confiscation, comme l’avait expliqué l’AFP.

Peu chère, déjà souvent utilisée dans certains pays – par exemple en Amérique latine -, l’ivermectine partage des points communs avec l’hydroxychloroquine, un autre antiparasitaire défendu bec et ongles par certains médecins et personnalités politiques, bien que son efficacité n’ait pas été prouvée et qu’un vaste essai clinique ait même conclu à l’absence d’effets. Bien souvent, pour l’ivermectine comme pour l’hydroxychloroquine, on retrouve la même rhétorique, selon laquelle elles seraient volontairement ignorées par les autorités. Françoise Douady évoque également l’hydroxychloroquine. Elle tient les propos suivants: “Nos traitements marchent. Il y a l’hydroxychloroquine, et l’azithromycine, le protocole du professeur Raoult, on a d’autres traitements”.

La chloroquine est prescrite depuis plusieurs décennies contre le paludisme, un parasite véhiculé par le moustique. Son dérivé, mieux toléré, l’hydroxychloroquine (HCQ), connue en France sous le nom de Plaquénil, est prescrit contre le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde. L’hydroxychloroquine connaît depuis fin février 2020 une notoriété inédite depuis que le Pr Didier Raoult, de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée- Infection, à Marseille, a relayé une étude chinoise, peu détaillée, affirmant que le phosphate de chloroquine montrait des signes d’efficacité chez des malades du Covid-19. Comme le Dr. Françoise Douady, nombreux sont ceux qui vantent l’efficacité de l’hydroxychloroquine pour les patients atteints du Covid-19. Mais de nombreux scientifiques ont expliqué ces derniers mois que la molécule n’avait pas fait la preuve de son efficacité.

Des études randomisées (méthode considérée comme la plus fiable pour tester un traitement avec un groupe recevant le traitement et un groupe témoin recevant un placebo) – la britannique Recovery, la française Hycovid, ou Solidarity menée par l’OMS – ont conclu que l’hydroxychloroquine n’était pas efficace contre le Covid-19.

En octobre, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a refusé d’accorder une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) – qui permet “d’encadrer des prescriptions non conformes à l’autorisation de mise sur le marché (AMM), sous réserve que le rapport bénéfice/risque d’un médicament dans l’indication considérée soit présumé favorable” – à l’hydroxychloroquine, suivant les recommandations du Haut Conseil de la santé publique.

L’agence a justifié ce choix dans un communiqué, expliquant qu'”à ce jour, les données disponibles, très hétérogènes et iné-gales, ne permettent pas de présager d’un bénéfice de l’hydroxychloroquine, seule ou en association, pour le traitement ou la prévention de la maladie Covid-19″. L’ANSM a cependant précisé que cette décision pourrait “être révisée à tout moment, notamment si de nouveaux résultats d’études cliniques venaient modifier le constat fait à ce jour”. L’AFP a déjà vérifié plusieurs publications affirmant que l’hydroxychloroquine aurait prouvé son efficacité pour les patients atteints du Covid-19, comme ici.

A suivre

Astrig AGOPIAN- AFP France

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