Je suis sidéré qu’en 2023, certains de nos élus considèrent encore que la lutte des classes, celle qui dort dans la naphtaline du marxisme moribond, constitue l’alpha et l’oméga de la pensée politique. Je suis sidéré qu’en 2023, au nom des vieilles lunes idéologiques, ils en soient à stigmatiser sans nuance tout ce qui performe, car « la réussite est suspecte par nature ». Je suis sidéré qu’ils transforment en problème tout ce qui pourrait être une solution. Populisme, quand tu nous tiens…

C’est ainsi que j’ai entendu de mes oreilles agacées l’un de nos parlementaires ranger la CMA CGM au rang infamant d’héritier de l’esclavage (SIC), de suspecter la filière banane de vouloir voler les fonds POSEI en… diversifiant sa production (re-SIC), de condamner les grands groupes locaux qui s’enrichissent sur le dos des consommateurs (re-re SIC). En quelques minutes, les coupables sont pointés du doigt : Ce sont les gros, ceux qui prennent place dans le jeu mondial du capitalisme, ceux qui ont l’outrecuidance de rendre leurs organisations performantes, d’apporter des services au pays et de créer des emplois.

Pour notre parlementaire, « victime du système colonialiste et capitaliste » mais fonctionnaire d’État et député de la République, ces gros-là sont LE problème. Leur existence même est une injure à la pureté de ses idéaux. Ainsi, laisse-t-il entendre que notre pays se porterait mieux si un champion mondial du transport et de la logistique renonçait à opérer chez nous. Je lui demande simplement de fermer les yeux, de se concentrer, et d’imaginer les conséquences désastreuses d’un retrait de la CMA CGM de notre territoire, un risque qui nous frôla d’ailleurs dangereusement en 2010… Peut-il imaginer au passage la situation de nos voisins Saint-Martinois au lendemain d’Irma si les porte-conteneurs de cette compagnie (heureusement redressée) n’avaient été mis à la disposition de la France pour alimenter les populations sinistrées ? Notre pays se porterait encore mieux si la banane de Martinique abandonnait ses prétentions exportatrices, ses stratégies de performances européennes et sa gourmandise des fonds POSEI. Comme si ces fonds allaient ailleurs que dans les 10.000 emplois que crée cette filière, l’une des mieux organisées d’Europe, l’une des plus responsables et des plus vertueuses du monde. Notre pays se porterait bien mieux aussi, si ses champions économiques allaient opérer ailleurs, laissant la place aux autres et aux 20.000 nouveaux chômeurs qui resteraient sur le carreau.

Je suis sidéré qu’en 2023, certains de nos élus continuent de faire de nos champions des coupables, alors que ces derniers pourraient apporter des solutions. Je suis sidéré que l’esprit ringard de clivage l’emporte sur celui de coopération. Dans n’importe quel autre pays du monde, les élus responsables s’ingénieraient à obtenir la collaboration confiante et constructive des acteurs économiques, qu’ils soient transporteurs, agriculteurs, producteurs ou distributeurs. Qu’ils soient gros ou petits, qu’ils soient békés ou pas. Dans n’importe quel autre pays, les élus déjeuneraient chaque semaine avec des chefs d’entreprise, travailleraient ensemble sur des projets de développement, imagineraient ensemble des stratégies économiques pour épanouir la société. Mais chez nous, c’est impossible ! Chez nous il faut des coupables, il faut des ennemis, c’est bien plus pratique pour se défausser de ses propres responsabilités, dont la première est, hélas, trop utopique : simplement fédérer
Emmanuel de Reynald

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