Le créole, langue commune aux Antilles et à la Guyane, permet d’établir des ponts entre les peuples caribéens. C’est ce qu’a démontré l’association martiniquaise Karib Kréyol Òganizasion lors de l’organisation d’une dictée originale réunissant des participants de Sainte-Lucie, d’Haïti, de Guyane et de Martinique. Cet événement, qui s’est tenu le 27 octobre à la médiathèque du Lamentin, avait pour but de vérifier l’intercompréhension entre locuteurs créolophones de différents territoires. Au-delà de la réussite de cette expérience, se pose désormais la question de la construction d’une identité caribéenne commune grâce à la langue créole. Faut-il y voir un rêve ou un espoir ? C’est ce que nous explique dans cet article Myrtô Ribal-Rilos, docteur en langues et cultures régionales.


UNE TRIBUNE DE Myrtô Ribal-Rilos Docteur en Langues et Cultures Régionales


PAN CRÉOLISME : RÊVE OU ESPOIR

Le 27 Octobre dans le cadre du mois de la langue Créole, l’association Karib Kréyol Òganizasion couramment appelé k@ko dont la présidente est Josette BURLET-MIATÉKÉLA a organisé une dictée des langues créoles de la Caraïbe. La particularité de celle-ci était d’être destinée à un public de quatre types de locuteurs créolophones, en l’occurrence des invités de Sainte Lucie, d’Haïti, de la Guyane et de Martinique. La lecture à haute voix des textes par chaque représentant de « Parler Créole » fut particulièrement goûtée parce que comprise par les seize locuteurs de la salle, malgré les singularités de chaque langue. Elle vérifiait la capacité d’intercompréhension des candidats. Les modalités de cette dictée qui rompait ave le modèle traditionnel, résidait également dans le fait que les feuilles des textes de chaque langue furent remises aux délégations aux fins de correction orthographique. Par ailleurs des animations donnaient une tonalité particulière à cet évènement qui s’est tenu à la médiathèque du Lamentin pour sa première édition. Maître Sisi en sa qualité de percussionniste ouvrit l’évènement tandis que Jean Paul Letchimy maitre conteur autorisa en clôture la poursuite de ce bon moment en accompagnant les participants dans l’univers fabuleux des contes.

La lauréate Mékéda Ephestion était ravie et la jeune Sainte Lucienne laissa librement s’exprimer sa joie lorsque la marraine de l’évènement Madame Andrina John-Patricre, elle-même Sainte Lucienne et Présidente de l’association Martinique Sainte-Lucie lui remit son trophée. Les candidats de la Guyane et d’Haïti, exprimèrent également leur satisfaction pour la participation à cet évènement qui leur ouvrait bien des perspectives.

Par-delà le plaisir de cette rencontre et son succès se profilent des problématiques. Parmi elles, la question de l’intercompréhension. L’écoute des textes lus par les ressortissants des quatre territoires en présence et les réactions des candidats montrèrent que ce premier objectif était atteint. Les 16 candidats à en juger par les échanges nourris qu’ils entretinrent au cours de la séance, se comprenaient aisément. Le substrat culturel commun évoqué par les textes autorisaient une communion mémorielle.

Le partage de la langue Créole entre locuteur de la langue Créole offre des opportunités réelles de constructions sociales propres à cimenter les rapports entre peuples et de concevoir la structuration d’une identité Caribéenne. Il est certain que dans l’immédiat bien des étapes pratiques sont à parcourir avant de parvenir au but ultime. Notamment, la re découverte des liens sociologiques, voire des filiations que les ressortissants des îles et des continents se doivent d’établir avant d’interagir plus largement dans les rapports à l’environnement, à l’économie et au monde. A ce titre, un remarquable précédent existe dans le domaine du rapprochement des langues créoles de la Caraïbe, il est présent dans Tramil, ouvrage dont l’un des chantres et infatigable chercheurs est le docteur Joseph Henri. Cet ethno pharmacien et ses collègues avaient réalisé un travail plein d’intérêt en mettant sous chaque plante, leurs divers noms en langue créole de la Caraïbe et dans les autres langues présentent en Amérique Centrale et du Sud. Ainsi, Peperomia Pelucida, dont les noms vernaculaires respectivement en Martiniquais, Guadeloupéen et Guyanais sont : Zèb koures, kòklaya, salad soda. Il s’agit d’une plante utilisée pour les soins de santé avec des variantes selon les iles et des préparations différentes qu’il conviendrait que nous partagions en ces temps de difficultés en espace hospitaliers.

Sur ce modèle peut être que les chercheurs pourraient concevoir des livrets comparatifs à propos des habitus qui pourraient faire l’objet de véritables travaux comparatifs suivis de larges partages éducatifs et populaires. Ne serait-il pas judicieux d’en faire de même dans les départements universitaires des sciences humaines. C’est le cas de la sphère des contes. En effet partager nos imaginaires et mettre en évidence la proximité de nos archétypes permettraient une meilleure compréhension des subtils fonctionnements sociaux et de mieux saisir les éléments propres à construire le tissu commun, à élargir ou co construire le vocabulaire nécessaire pour nommer des réalités ou encore à re vivifier des mots anciens moins usités qui appartiendraient à l’un ou à l’autre des lexiques. A ce sujet l’exemple de la Guyane constitue un laboratoire puisque la communauté Sainte Lucienne installée depuis la fin du 19° siècle y a prospéré, avec le créole et les habitus entre autres exemple Les défilés de la fête de la Rose

En conclusion, l’expérience de la dictée Caraïbe mérite d’être renouvelée à une plus large échelle en y joignant les autres pays de la Caraïbe qui dans leur population ont des parler Créole. Je pense aux locuteurs Trinidadien, et Louisianais. Le renouvellement d’une telle expérience permettra d’initier des partages dans des domaines culturels plus large que la langue structure également et de créer ainsi une véritable synergie.

Myrtô Ribal-Rilos Docteur en Langues et Cultures Régionales

 

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