Marche pour le climat à Paris, le 21 septembre 2019. | Lucas Barioulet / AFP



Et si oui, qui pourrait l’incarner?

Y a-t-il un pilote écologiste dans l’aile droite de la politique française? À un an et demi de l’élection présidentielle, sœur Anne Hidalgo ne voit rien venir. Personne pour incarner, dans l’arène, une vision droitière à fibre verte et sociale susceptible de battre Marine Le Pen au premier tour. Une droite écologiste et sociale, ça n’existe pas?


À l’heure où nous avalons l’équivalent d’une carte bleue en plastique chaque semaine tant cette matière sans synonyme est entrée dans la chaîne alimentaire, la recherche d’un parangon de vertu écologique –greenwashing dans le texte– gagne toutes les couches du politique. Qui pour l’incarner à droite depuis l’essai de Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement du gouvernement Juppé et présidente de Cap21-LRC, qui prend parti, dans une tribune publiée dans Le Monde le 18 août dernier, pour une écologie «pragmatique et réaliste», ni «cache-misère» ni «expression extrême d’un dogmatisme qui décourage»?

«Ce n’est pas en focalisant le regard et l’ouïe du citoyen sur un sujet mineur comme la suppression des terrasses chauffées, dit-elle, ou en faisant passer tous les écologistes pour des décroissants, théoriciens ou sectaires que les concitoyens seront pleinement convaincus de la volonté de relance “verte” du gouvernement. Certains peuvent certes se laisser tromper par cette vieille technique de communication politique mais, si les écologistes prennent pleinement leurs responsabilités, la stratégie trompeuse de la majorité fera pschitt.»

 

Du vert, sans passer à table

Qui d’autre pour incarner, au cœur de la droite ou balle au centre, une politique établissant la qualité de l’environnement comme supérieure à la loi du marché? Xavier Bertrand, Christian Jacob, Valérie Pécresse, François Baroin, NKM, Serge Lepeltier, Chantal Jouanno? Ou Bruno Retailleau, qui tweetait en juin dernier:


Il faut une droite écologiste (…) La droite doit aussi parler à la France urbaine. #Les4V #Municipales2020

Rien de concret pour l’instant. «La droite sociale bonapartiste peut se montrer écologiste, observe le politologue Olivier Bobineau, mais elle se fait vite rattraper par la droite orléaniste souvent prête à libéraliser un marché, un secteur d’activité, une industrie ou un commerce même s’il est polluant.»

Une posture d’autant moins cohérente que la droite fut la première grande force politique à verdir son programme en France. «Elle a oublié qu’elle fut pionnière, observe Max-Erwann Gastineau, essayiste et membre de la rédaction de la revue Limite, magazine trimestriel écologiste et conservateur. Au début des années 1970, l’écologie fait son entrée en politique. Signe des temps: la présidentielle de 1974 voit le premier candidat étiqueté “écologiste”, le sociologue René Dumont, se soumettre aux suffrages des Français. Mais le tournant a lieu plus tôt. On le doit au président gaulliste de l’époque, Georges Pompidou. Dans une France chamboulée par l’“ardente nécessité” de poursuivre la “modernisation” du pays, Pompidou créa le premier ministère de l’Environnement. Comme un contrepoids au tourbillon du changement, l’ancien Premier ministre du général de Gaulle offrit au pays un ministère de la continuité, contre la course à l’innovation une politique de la préservation.»

C’est aussi VGE qui, répondant à un journaliste, lui lance: «L’écologie, c’est avoir peur pour ce qui existe… c’est aussi ça, être de droite.» Après le désormais fameux«Monsieur Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du cœur», la droite revendiquait donc, dès les années 1970, un peu de vert au menu. Sans passer à table depuis.

Une question de survie?

À l’heure où la contamination virale amoche jusqu’à la fête aux oignons de Mantes-la-Jolie, la droite pourrait bientôt changer son vaccin d’épaule. «Il nous faut faire maintenant de l’économie avec l’écologie et pourquoi pas pour l’écologie. Lutter contre la pauvreté, favoriser la croissance économique, préserver l’environnement doivent aujourd’hui être des objectifs communs», assure sur son blog Serge Lepeltier, ancien ministre de l’Écologie et du Développement durable sous Jacques Chirac, avant de rallier Emmanuel Macron en 2017.

Ne serait-il pas délicatement cool, pour la fluidité de la démocratie, que la droite française essaie d’être un peu plus belle au monde plutôt que la plus bête?

À l’heure où les électeurs sociaux-démocrates sont, dans les dîners confinés en villes, souvent perçus comme des gens plus «sympas» que les électeurs de la droite commune, ne serait-il pas délicatement cool, pour la fluidité de la démocratie, que la droite française essaie d’être un peu plus belle au monde plutôt que la plus bête du monde? «La droite se meurt parce qu’elle ne s’aime pas», résume Guillaume Tabard dans son livre La malédiction de la droite(Perrin). Et de rappeler l’urgence: «Il n’est pas exagéré de dire que la droite est, pour la première fois de son histoire, en danger de mort.

Pour survivre, elle devra développer une écologie biocompatible avec la croissance et le développement durable. Il lui faudra trouver un plan pour financer ses élans de verdure. L’Abbé Pierre, ancien résistant et député de la Meurthe-et-Moselle, n’avait pas tort de résumer ainsi l’exercice du pouvoir: «La politique, ça consiste uniquement à savoir à qui on va prendre du fric et à qui on va le donner.» L’écologie cherche aussi à recycler la misère. Selon la Fondation Abbé Pierre qui lance des SOS comme d’autres des pubs en prime time, 300.000 personnes SDF errent aujourd’hui en France, soit le double par rapport à 2012.

François-Xavier Bellamy, 35 ans, député européen PPE –groupe de centre-droit majoritaire au Parlement de l’UE– et prof agrégé de philo dans le secondaire assure être concerné par le sujet: «Il faut que la droite se consacre aux déshérités avant tout. […] Nous devons défendre l’excellence pour ceux qui sont aujourd’hui dans les familles qui cumulent le plus de difficultés.» Invité par Thierry Ardisson en janvier 2019 dans (feu) l’émission «Les Terriens du samedi!», il expliquait:«On a besoin d’une activité économique qui fonctionne parce que c’est là que se crée la richesse qu’on peut partager ensemble mais on a aussi besoin d’une vie politique qui ne soit pas fascinée par un taux de croissance.»

«L’écologie patriote»

Quand le débat saignant monte en fièvre sur les violences policières versus policiers en colère, la droite peut-elle incarner à la fois la conscience environnementale et sociale, et l’autorité régalienne? Selon l’enquête «Fractures françaises» publiée en septembre dernier, 82% des Français estiment que l’«on a besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre», et 88% que l’«autorité est une valeur trop souvent critiquée aujourd’hui».

Marine Le Pen l’a bien compris, elle qui s’expose, de figures martiales en humeurs menaçantes, en «cheffe de l’opposition» mais aussi en patriote écologiste. «Nous portons un message de liberté, non de contrainte, déclarait-elle en décembre 2016. L’écologie n’est possible que dans le cadre d’une nation libre, qui peut utiliser les leviers de la souveraineté. Vive l’écologie patriote, vive la République et vive la France!» Elle devrait en remettre une louche dans la campagne à venir. De quoi réveiller la verdure de la droite républicaine dans la quête au pompon présidentiel.

 

«Il faudra attendre le résultat des élections régionales et départementales, en juin 2021, pour savoir qui, quelque part à droite, sortira du bois, souligne Olivier Bobineau. Ce sera un notable, un baron local qui conduira la campagne à droite. C’est dans l’ADN de sa tradition politique de promouvoir la notabilité et le pouvoir local, à l’exception du général de Gaulle, qui a connu des circonstances exceptionnelles, et de Pompidou, son fidèle serviteur et homme de confiance. Les cartes seront d’autant plus rebattues à droite, en juin 2021, que la crise sanitaire, dont les effets sont particulièrement incertains, sera passée par là.»

 

 

 

 

 

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