Inaugurée en 1848, la première statue de «Marianne noire» qui sera présentée ce vendredi au musée du Grand Orient, a connu une histoire mouvementée. Elle recèle encore de nombreux secrets.Les traits africains de cette statue commandée en 1848 par cinq loges maçonniques toulousaines sont extrêmement novateurs pour l’époque. (Aurélien Ferreira)

par Madeleine de Blic pour Libération  

Vendredi, on inaugure une première et un mystère au musée du Grand Orient, à Paris. Une statue de «Marianne noire», copie d’une œuvre commandée en 1848 par la franc-maçonnerie toulousaine. Un mètre vingt et 90 kilos de particularités intrigantes pour les professionnels qui cherchent toujours à comprendre son histoire.

Les traits africains de cette statue sont extrêmement novateurs pour l’époque : aucune autre œuvre représentant Marianne avec une couleur de peau noire ne deviendra célèbre avant les années 1990. Ce buste portant à l’origine le nom de «statue de la Liberté» aurait été commandé par les cinq loges maçonniques toulousaines au sculpteur Bernard Griffoul-Dorval, l’année de l’avènement de la Seconde République et de l’abolition de l’esclavage. C’est ce dernier qui aurait fait le choix de représenter la République sous les traits d’une esclave affranchie.

Parmi les étrangetés toujours insolubles, ce trou de forme cylindrique au niveau du plexus de Marianne. Plusieurs hypothèses ont été émises sur son origine mais aucune certitude. Certains chercheurs considèrent que ce trou pourrait être lié à la présence d’un ancien bijou ou ornement qui aurait été arraché. D’autres penchent pour un impact de balle de pistolet. Sans confirmer l’hypothèse de l’impact de balle, Magali Brunet, experte-restauratrice ayant travaillé sur l’œuvre entre décembre 2019 et février 2020, rapporte qu’«une expertise balistique» avait été réalisée.

Le trou dans la poitrine n’est pas le seul mystère que cette «Marianne noire» réserve aux spécialistes : un vétérinaire équin en est venu à radiographier l’œuvre dans le but de comprendre comment celle-ci a été fabriquée. Lors des journées du patrimoine du Musée de la Résistance et de la Déportation de Toulouse, une exposition particulière de la statue à la lumière a dévoilé trois lignes présentes sur le buste, qui pourraient correspondre à la signature du restaurateur Jean Sul-Abad, selon Jérôme Blachon le responsable du musée.

Après son inauguration grandiose le 16 avril 1848, la «Marianne noire» va connaître une histoire mouvementée : elle est d’abord déplacée en 1868 dans la salle du Conseil du nouveau temple de la rue de l’Orient avant de disparaître en 1941, puis d’être retrouvée le 6 février de la même année dans un inventaire du Comité d’investigation et d’enquêtes du régime de Vichy. Des résistants francs-maçons parviennent alors à la récupérer et le buste reste enterré dans un terrain du quartier du Faubourg-Bonnefoy, à Toulouse, jusqu’à la Libération.

Sa trace se perd ensuite pendant près de 30 ans, jusqu’à sa restitution officielle en 1977 au Conseil général de Haute-Garonne. Depuis, elle siège dans la salle d’exposition permanente du Musée de la Résistance et de la Déportation de Toulouse. C’est son double qui fera son entrée vendredi au musée du Grand Orient à Paris

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