Le Parc est porteur de l’opération depuis plus de dix ans, en tant que maître d’ouvrage délégué par la CTM. Un long travail, véritable challenge qu’évoque ici Ronald Brithmer, son directeur.

La reconnaissance n’est pas une finalité, c’est le début d’un chantier de protection et développement qui fera sens pour le pays à condition qu’on puisse y faire adhérer tout le monde. »

Antilla :  Quel a été le processus mis en œuvre dans la démarche de reconnaissance à l’Unesco ?

Ronald Brithmer : Il a fallu d’abord réunir les scientifiques pour démontrer la Valeur Universelle Exceptionnelle (VUE) du bien. C’est leur rapport qui démontre qu’il s’agit d’un bien unique et exceptionnel et cela ce sont les experts de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) qui le valide sur la base de ce rapport scientifique étayé. C’est ensuite cet organisme qui fait le rapport final qui va être présenté. Ils viennent vérifier cette valeur, font des diagnostics. Si vous n’avez pas leur avis favorable le dossier ne peut pas être présenté.

Jean-Pierre Fiard et d’autres scientifiques ont participé aux inventaires, ce sont leurs travaux qui ont servis de base au rapport scientifique.

C’est un travail immense, les gens ne se rendent pas compte et nous ne sommes pas juges de nous-mêmes, ce sont des experts internationaux qui le décident.

A: Qu’est-ce qui a initié cette démarche ?

RB : C’est une démarche qui a été initiée par la CTM qui l’a déléguée au Parc. Le Parc s’en est emparé et a réuni tous les éléments pour avancer. Nous avons constitué un comité de pilotage et les experts de l’UICN nous ont conseillé. Et donc, nous avons construit le dossier avec les deux critères biodiversité et volcanisme. Et la Valeur Universelle Exceptionnelle a été validée.

A: Comment a été décidé le périmètre ?

RB : ll y a eu pas mal de concertations parce qu’il fallait le définir. Toute la Martinique aurait pu être concernée par ce projet mais le problème est qu’il ne suffit pas d’avoir une Valeur Universelle Exceptionnelle, il faut aussi pouvoir la préserver. C’est ça la philosophie du Patrimoine mondial. Et la question est, serons-nous capables de préserver ce bien, car nous en sommes responsables, et comment ? Il se trouve que nous avons constaté que la plupart des forêts du sud sont des forêts privées et cela est plus difficile à gérer qu’un patrimoine public. Les forêts du nord appartiennent soit à la Collectivité, soit à l’État, donc sont dans le domaine public. Il était plus simple d’établir un périmètre sur une zone plus facilement gérable, nous l’avons réduit aux forêts du nord.

Antilla: Justement qui serait le gestionnaire et de quelle façon?

RB : Il a fallu établir un plan de gestion qui devrait être mis en œuvre à priori par le Parc. Il y a plusieurs axes dans ce plan. En premier lieu, la préservation du bien, ensuite le partage des connaissances, il faut continuer à faire des inventaires de ce bien et les faire connaître. Il y a aussi un volet de vulgarisation scientifique, pour mettre à la portée de tous les connaissances afin qu’une appropriation se fasse de la part de la population. Car si la population ne s’approprie pas cette idée, on aura du mal à protéger le bien, il n’y a qu’à voir les déchets sur la route de la Trace, entre autres…Il faut absolument que la population comprenne qu’elle est garante de la protection du bien pas seulement pour nous seuls, mais aussi pour l’humanité ! Il y a tout un travail de communication à faire. Puis, il y a le projet de territoire, un volet développement qui va permettre de générer de l’activité et de l’emploi. Enfin, il y a la coopération internationale. Ces aspects-là seront à mettre en œuvre par le gestionnaire. Ce plan de gestion détaillé fait partie des critères d’attribution de la reconnaissance. D’ailleurs, il doit être mis en application avant l’attribution du label.

A : Qu’est-ce que cette reconnaissance peut apporter à la Martinique et quels risques comporte-elle ?

RB : Oui, on dit que la reconnaissance amène un flux touristique important qu’il faut gérer. Nous devons pouvoir appréhender cela et concilier protection et développement. Nous avons déjà des exemples en Martinique sur lesquels nous appuyer, même s’il reste des choses à faire. La Réserve Naturelle de la Caravelle est un site protégé qui accueille chaque année entre 200 et 300 000 visiteurs. Nous parvenons à y préserver des espèces endémiques, uniques, qui ne vivent qu’à cet endroit, je pense à la gorge blanche. La gestion permet à la fois la protection et le développement, il y a des sentiers balisés, des stratégies etc…

A : En fait il s’agit de protéger le sauvage tout en y donnant accès ?

L’UICN nous attend sur la protection, parvenir à protéger pour les générations futures, tels sont les enjeux ! Il y a toute une stratégie à mettre en œuvre, sur l’hébergement, la circulation, les accès, les activités de la population, parvenir à générer de l’activité,de l’emploi en compatibilité avec le bien comme former des guides par exemple. Ce sont de gros enjeux pour le développement durable de la Martinique. Il faut qu’on profite de la visibilité internationale que cela peut nous apporter tout en préservant. Et la concertation doit continuer avec les populations qui vivent sur le bien, c’est essentiel !

En attendant, croisons les doigts pour le 17 !

Propos recueillis par Nathalie Laulé

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