Sarko et le statut des DOM : une opération de politique intérieure ?

Ainsi donc, imperturbablement, le projet de statut de la Martinique et de la Guyane fait son chemin. Il est aujourd’hui au Sénat, demain il sera à l’Assemblée nationale. Il ne faut guère s’attendre à de substantiels amendements. Sans doute fera-t-il l’objet de recours juridictionnels, mais il ne faudrait pas trop y croire tant il paraît évident que cette évolution, quel qu’en soit la forme, répond au vœu des Français et de tous les organismes politiques et juridictionnels institués.

Dès lors peut-on être assez naïf pour croire que le candidat Nicolas Sarkozy espère, du fait de cette évolution,  tirer des dividendes électoraux dans les deux territoires concernés. Il ne peut pas douter que le PPM soutiendra le candidat socialiste à la prochaine présidentielle et qu’il en sera de même pour le RDM. Par ailleurs, il sait que le MIM, fidèle à son habitude, ne participera pas à la campagne. De surcroît, il a bonne conscience qu’il a suffisamment maltraité la droite locale pour que ce qu’il en reste n’appelle pas avec enthousiasme à voter pour lui.

En Guadeloupe « David » Lurel a emporté le morceau

Si l’on veut rechercher une signification électorale à sa volonté de faire évoluer le statut des DOM, il ne peut y en avoir qu’une. Elle ne vise pas l’électorat martiniquais et peu celui de la Guyane, mais bien l’électorat national d’extrême-droite. De toute évidence le candidat Sarkozy fait en Martinique une opération de politique intérieure nationale, de sorte qu’on peut comprendre son désappointement lorsque Victorin Lurel, convoqué à l’Elysée en février dernier, lui a annoncé qu’il ne se coucherait pas. D’aucuns ont préféré retenir l’irritation de Goliath susceptible, selon eux, de provoquer la fureur élyséenne. Ceux-là portent l’attention sur les foncements de sourcils du plus fort et évitent de considérer qu’en réalité c’est « David » Lurel qui a emporté le morceau. Un David plus généralement guadeloupéen qui est de plus en plus efficace et qui ne perd jamais le sens des réalités. La Guadeloupe nous délègue volontiers ses philosophes, apparemment les meilleurs connaisseurs de notre propre littérature, tout en faisant main basse sur les instruments du développement de leur île.

Sarkozy prend au mot le discours de février 2009

En février 2009, Nicolas Sarkozy avait entendu les manifestants de Guadeloupe et de Martinique. Il n’ignorait pas que ces happenings seraient sans lendemain politique. Mais il a voulu prendre au mot ces derniers parce qu’il avait parfaitement compris que les téléspectateurs français n’étaient pas insensibles au fait que pendant plus d’un mois la présence française en outre-mer avait été dénoncée face au monde entier. Les sondages avaient suffisamment démontré le désir des Français de cesser d’apparaître comme des colonialistes. Le président de la République s’est alors investi personnellement et intensément dans le règlement de cette affaire et on peut imaginer la satisfaction qu’il aura de pouvoir dire aux Français de Mme Le Pen de quelle manière il a répondu à ceux qui chantaient « péyi-a cé ta nou cé pas ta yo ».

Le « je vous ai compris » de Nicolas Sarkozy à la Réunion

Mais l’engagement de Nicolas Sarkozy a touché des limites jamais atteintes sous la 5ème République. Certes, le président Charles de Gaulle avait adressé son fameux « je vous ai compris » aux partisans du maintien de l’Algérie française qui avaient compris, eux, quelque chose comme « je suis d’accord avec vous ». En accordant à l’Algérie l’indépendance il n’était donc pas revenu sur son propos, il ne s’était pas déjugé. Mais les choses sont différentes avec Nicolas Sarkozy. Affirmer à la Réunion, en pleine campagne électorale, qu’il se faisait le garant du maintien du département et qu’il ne laisserait pas détourner le vote des Martiniquais, puis, dès le lendemain du scrutin qu’il a ainsi orienté, faire table rase de ces mots rassurants pour l’électeur, jamais parole de président de la République sur un sujet aussi important n’avait été à ce point infirmée par son propre fait et dans un laps de temps aussi court. Aucun élément d’aggravation de la situation n’était intervenu entre temps qui pût justifier un tel retournement. Jamais, à ce niveau de l’Etat, la l’opinion n’avait été prise à pareil contrepied.

Yves-Léopold Monthieux, le 23 avril 2011

 

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