Suite à notre article annonçant deux livres publiés par Oruno D. LARA, dont l’un concerne la période de la libération des esclaves en 1848, et suite aussi aux commentaires assortissant ce Blog, commentaires mettant en relation les liens et l’histoire réelle des échéances effectives qui ont conduit et abouti à “1848”, YL Monthieux, souligne ici ce qui lui paraît important dans cette chronologie “fondatrice”. à vous de juget et, évidemment, notre blog et les pages de Antilla vous sont ouvertes…

Y-L Monthieux : “Le 25 février 1848, une date peu connue des Martiniquais.”

A ce jour, ni les historiens ni les commémorateurs de l’Abolition de l’esclavage n’avaient été prolixes sur la date du 25 février 1848 que Oruno de Lara porte à la connaissance des lecteurs non-initiés. La décision d’abolir l’esclavage a donc été prise par le gouvernement provisoire à l’Hôtel de ville de Paris au lendemain même du jour de la proclamation de la République, le 24 février 1848. Ce fut donc l’une de ses toutes premières décisions prises par la Deuxième République. C’est dire que le dossier avait déjà été ficelé.

Mais on ne doit pas instrumentaliser cette décision au profit ou au détriment de tel ou tel héros. Le bénéfice historique de l’évènement doit être partagé entre : – les esclaves eux-mêmes, dont les mouvements de résistance se sont multipliés, – Cyrille Bissette et Victor Schoelcher qui y ont pris leur part, le premier en payant durement de leurs personnes, le second en usant du pouvoir que lui confiaient ses fonctions officielles de député de la Martinique et de la Guadeloupe, – les porteurs des idées anti-esclavagistes exprimées à l’époque, – les 11 membres du gouvernement provisoire, – le Parlement français dont le député Victor Schoelcher.

La vie d’un projet de loi obéit à plusieurs étapes, de la mise en chantier à la mise en application de la loi. On vient de le voir pour la loi créant une nouvelle collectivité. Parfois on n’entend plus parler d’une loi, une fois votée : elle meurt en quelque sorte par inapplication. Et de fait, le cimetière des lois jamais appliquées est assez vaste. Aussi, la véritable conséquence du soulèvement du 22 mai aura été l’application immédiate de la loi d’Abolition imposée par les insurgés. Cette date qui pourrait symboliser, par ailleurs, les mouvements de résistance des esclaves est retenue à la Martinique pour commémorer le fait historique de l’Abolition.

En revanche, je ne vois pas en quoi la date du 25 février 1848 serait gênante pour les partisans de Victor Schoelcher. Il est plutôt gratifiant pour un homme qui a porté une idée, certes concurremment avec d’autres, de se retrouver à la consécration de cette idée, en la transformant par son propre vote en loi de la République. Cette date devrait davantage incommoder, semble-t-il, ceux qui présentent le 22 mai 1848 comme la seule véritable date de l’Abolition de l’esclavage. En effet, si la controverse porte parfois sur la possibilité ou non, pour les insurgés, d’avoir eu connaissance du décret du 27 avril précédent au moment du soulèvement, il n’y a pas de doute que tous, le 22 mai , à la Martinique, aient eu une parfaite connaissance de la décision du gouvernement provisoire, prise 3 mois plus tôt. Cette décision a découlé, entre autres, des actions menées par Bissette et Schoelcher ainsi que des faits de résistance des esclaves, mais certainement pas du mouvement du 22 mai qui, par contre, pourrait être considéré – on l’a dit plus haut – comme l’accélérateur de l’application de la loi, mais aussi comme un baroud d’honneur.

On observera, enfin, que si justice doit être faite de l’action menée par Cyrille Bissette, ce dernier ne doit pas, devrait pas, devant l’histoire, se trouver en compétition avec le Victor Schoelcher ou se substituer à lui. Il ne faudrait donc pas substituer le Tout-Bissette au Tout Schoelcher, au risque supplémentaire de jeter un voile sur la partie Guadeloupéenne de l’évènement, que représente aussi Schoelcher, puisque ce député représentait les deux colonies au moment du vote de la loi.

Quoi qu’il en soit, nous ne devons pas nous payer de mots et laisser croire aux Martiniquais, par des déclarations, des allusions et surtout des silences, que le gouvernement provisoire ait attendu le soulèvement des Martiniquais, le 22 mai 1848, pour décider de la fin de l’esclavage sur l’ensemble des « terres françaises », 3 mois plus tôt.

Si l’on en croit Henri Pied, les ouvrages de Oruno D. Lara devraient secouer le cocotier. Cela promet.

Yves-Léopold Monthieux, samedi 23 juillet 2011

NDLR : La photo représente la Statut de la libération de l’escalve à Gorée/Sénégal.

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