Il y a une trentaine d’années, il se disait de M6 qu’elle était alors « la petite chaîne qui monte… ». Un descriptif qui peut légitimement être appliqué à ZITATA.TV tant ce média, très récent dans notre PAM (Paysage Audiovisuel Martiniquais), suscite une adhésion grandissante chez les téléspectateurs et téléspectatrices de Martinique. Genèse, réalités et perspectives d’une chaîne dont le slogan est « créateurs de proximité » avec Max Monrose, le créateur et passionné directeur de ZITATA.TV.

Antilla : Pourquoi cette envie de créer une chaîne de télévision ?

Max Monrose : En termes de métier, je fais de la production audiovisuelle depuis une quarantaine d’années : j’ai fourni des émissions ‘’clé en main’’ à toutes les chaînes de télévision de Martinique, dont certaines n’existent plus comme TCI (Télé Caraïbes International). Il y a un peu moins d’une vingtaine d’années je fournissais même six émissions, par semaine, à des chaînes : avec l’équipe de l’époque nous étions une véritable ‘’usine’’ à programmes de télévision (sourire). Et à côté de cela nous réalisions pas mal de captations – de matches de football, de concerts – surtout pour RFO (aujourd’hui Martinique la 1ère, ndr). J’ai donc fait cela pendant près de 40 ans et j’ai aussi fait de la production pour des chaînes nationales comme EQUIDIA – d’ailleurs cela fait presque dix ans que j’assure des captations et retransmissions de courses de chevaux à l’hippodrome de Carrère, qui sont diffusées dans le monde entier. Mais il y a quelques années, je me suis rendu compte que 80% des programmes que je faisais partaient ailleurs, et que seuls 20% concernaient la Martinique. Donc ça a commencé à me titiller et j’ai vu mes commandes de programmes de chaînes locales nettement baisser, voire parfois s’arrêter, notamment pour des questions de budget(s). Et là, l’idée de créer un média qui soit le miroir de ce qu’il se passe chez moi en Martinique, et de réaliser des programmes chez nous pour les envoyer à l’extérieur, a commencé à germer.

A l’époque vous travailliez déjà sur un projet de chaîne de télévision ?

Oui, j’avais commencé à travailler sur un projet de chaîne, que j’imaginais être diffusée via les opérateurs connus de la place, mais cela a vraiment pris forme quand le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) a fait son ‘’appel à candidature’’ pour le renouvellement de la fréquence de Zouk TV sur la TNT (Télévision Numérique Terrestre). Et comme être présent sur la TNT offre des avantages – notamment la position de la chaîne sur la télécommande du téléviseur – cela a beaucoup amplifié mon projet initial. J’ai donc énormément travaillé mon dossier, que j’ai présenté au CSA.

L’issue de votre demande est bien sûr connue, mais comment les choses se sont-elles déroulées avec le CSA ?

› Axel Cage : Journaliste, présentateur, Mehdi Monrose : directeur technique, Jazzie Carriel : JRI journaliste reporter Images et Jovahny Guannel : Technicien polyvalent, Réalisateur

Le CSA a d’abord sélectionné cinq dossiers. Puis il y a eu les auditions devant les neuf ‘’sages’’ du CSA : ces auditions étaient retransmises en direct sur internet, et les porteurs de dossiers concurrents étaient présents et vous écoutaient défendre votre projet. D’ailleurs c’est paradoxal car ‘’tu’’ veux convaincre des gens qui sont de vrai.e.s spécialistes de la télévision, mais tu ne veux pas trop en dire car tes concurrents sont là et t’écoutent ! (rires) En tout cas j’en ai dit suffisamment pour que mon projet soit retenu (sourire).

Ces « sages » vous ont-ils dit ce qui leur avait plu dans votre projet ?

Oui, l’exigence technique et le contenu.

« Je me suis dit que si ça continuait comme ça, Zitata était morte avant même d’avoir commencé… » 

Et que s’est-il passé entre cette « victoire » et le démarrage télévisuel de Zitata ?

Après avoir été retenu par le CSA je voulais embaucher plusieurs journalistes, faire ci, faire ça, etc. J’avais une grande ambition, mais qui allait dans le sens de ce que j’avais annoncé au CSA. Mé kovid-la vini anlè nou… (sourire). Et là, le changement a été radical dans la tête de certaines personnes.

 C’est-à-dire plus précisément ?

Avant la ‘’crise Covid’’ certaines personnes que je connais m’avaient dit ‘’Max, man ké ba’w an koudmen pou télé-a, man ké fè si, man ké fè sa, etc.’’. Mais depuis cette crise Covid et jusqu’à aujourd’hui, ce ne sont plus les mêmes personnes : il y a eu un changement radical dans leur tête. Et là j’ai commencé à flipper, parce que je me suis dit ‘’mé si sé moun-tala pa la ankò…’’.  Je me suis dit que si ça continuait comme ça, Zitata était morte avant même d’avoir commencé. Lors du premier confinement j’ai donc écrit au CSA que ce n’était pas le bon moment pour démarrer la chaîne, et de me permettre de commencer en 2022. Mais malgré une visioconférence face aux sages, où j’ai expliqué le pourquoi de mon souhait de 2022, ces sages m’ont répondu par courrier qu’il fallait impérativement que nous débutions en mai 2021… . Cette décision m’a beaucoup surpris, et j’ai donc dû démarrer dans la précipitation.

› Marthe Elisabeth Lina : Maquilleuse

Par quels types de programmes avez-vous débuté en mai 2021 ?

Par des talk-shows, animés par des figures connues de Zitata comme Barbara Jean-Elie, Gérard Dorwling-Carter et Jean-Marc Kromwel. Et j’ai eu un accord avec un producteur avec qui je travaille, pour la fourniture de programmes intéressants. Donc nous avons donné très rapidement une couleur attractive à Zitata avec ces talk-shows, mais aussi avec des documentaires et des concerts. Bien sûr nous avons produit d’autres programmes depuis, et nous nous obligeons à lancer au minimum un nouveau programme tous les mois. Par exemples, La Pause Yoga et 100% Energie, qui sont des émissions de bien-être et remise en forme, et Check One, qui est une émission consacrée à l’entreprenariat et au numérique. Et c’est pas fini ! (sourire).

Nous aurions pu diffuser en 4K, car toute notre production se fait en 4k, mais les distributeurs comme canal+, orange et autres ne nous donnent suffisamment de bande passante pour cela. SFR qui nous en donne un peu plus, nous permet de diffuser en HD. Nous travaillons pour que cette qualité de distribution évolue.

« Je voudrais que le téléspectateur martiniquais se sente frustré quand il n’a pas pu regarder Zitata » 

Entre mai 2021 et aujourd’hui, êtes-vous objectivement satisfait – en termes de contenus, de qualité technique, etc. – de tout ce qui a été diffusé sur Zitata ? Est-ce que l’ensemble de ces émissions et programmes correspondait vraiment à ce que vous vouliez en termes d’« identité » de la chaîne ?

Oui et non. Oui parce qu’il y a une réelle progression et que les gens nous disent qu’ils regardent nos émissions car ils y apprennent des choses ; non parce que la totalité de nos programmes ne répond pas à ce critère-là et qu’on n’est pas en mesure aujourd’hui de produire à l’image de ce que je veux produire, ni d’acheter des programmes à l’image de ce que je veux pour la chaîne. Par exemple nous essayons de diffuser un maximum de clips musicaux locaux, mais ces clips n’étant pas tous de bonne qualité nous diffusons aussi des clips nationaux et internationaux, également pour créer une émulation chez les jeunes réalisateurs et producteurs martiniquais. Donc je sors un peu du ‘’sillon’’, mais toujours pour répondre à un besoin de qualité.

Quels autres types de programmes et contenus aimeriez-vous voir sur Zitata ?

Je ne veux pas trop en dire car la concurrence existe (sourire) mais il faut que ce soit des contenus utiles, instructifs et enrichissants. En fait je voudrais que le téléspectateur martiniquais se sente frustré quand il n’a pas pu regarder Zitata (sourire) parce qu’il n’y aura pas appris quelque chose. A Zitata nous voulons de la qualité, à tous les niveaux, de la proximité et de l’ancrage.

Hormis cette dimension instructive, quelles qualités reviennent dans les retours que vous avez sur les programmes de Zitata ?

Les expressions qui reviennent souvent, c’est : « différent », c’est « propre », c’est « ça qu’on attentait », « les présentateurs sont pros » …

Une télévision doit bien-sûr proposer du divertissement – d’ailleurs vous ne verrez jamais autant de concerts sur une autre chaîne locale de Martinique que sur Zitata. Nous aurons donc de plus en plus de divertissements, notamment nos directs sportifs et culturels.

« Nous avons beaucoup de retours positifs, donc c’est très gratifiant, encourageant et motivant »

Des publicités sont diffusées sur Zitata : cela a-t-il été compliqué à faire advenir ? La chaîne est-elle aussi en phase ascendante à ce niveau-là ?

C’est en ‘’dents de scie’’. Il y a des périodes où des annonceurs font des campagnes assez longues avec un budget conséquent, et d’autres périodes où c’est un peu plus calme. Vous savez, nous n’avons pas communiqué quand Zitata est née : nous n’avions pas d’argent pour faire des campagnes de pub, etc. Mais une chaîne qui en moins de deux ans avoisine les 100.000 téléspectateurs réguliers sans pub, c’est une vraie performance. En fait, plus nous avons des annonceurs plus nous faisons des programmes : c’est notre modèle économique. Et je pense que c’est ce que nous continuerons de proposer – dans et par nos contenus – qui intéressera, je l’espère, de plus en plus d’annonceurs*.

Tous corps de métiers inclus, combien de personnes composent aujourd’hui l’équipe de Zitata ?

Tous corps de métier inclus nous sommes un peu plus d’une dizaine, dont six techniciens. Et à bien des niveaux notre équipe est vraiment top !

Vous arrive-t-il de ressentir de la frustration quant à certains projets ou envies pour la chaîne ?  

Comme je l’ai dit nous avons beaucoup de retours positifs, donc c’est très gratifiant, encourageant et motivant. Mais comme je travaille énormément pour arriver à ces résultats je n’ai pas toujours mes capacités physiques et intellectuelles à 100% (sourire). Donc il peut y avoir de la tension et des choses qui ne se font pas bien, parce que nous ne sommes pas suffisamment nombreux dans l’équipe, parce que toutes les composantes de l’équipe sont au taquet, etc. Mais il règne un vrai esprit d’équipe à Zitata.

A vous écouter j’ai l’impression que vous considérez ne pas avoir encore atteint l’objectif de départ que vous vous étiez fixé : suis-je dans le vrai ? Si c’est le cas, quel est cet objectif ?

(sourire) Vous êtes dans le vrai. Je veux que quand ‘’vous’’ n’avez pas regardé Zitata vous ayez le sentiment d’avoir perdu quelque chose. Je continue donc de viser le meilleur.

Propos recueillis par Mike Irasque

*En termes de ressources financières, Zitata.TV fait partie des quatre chaînes privées de Martinique pour lesquelles l’Assemblée de la CTM a validé, fin octobre 2022, une subvention annuelle de 200.000 euros par média concerné, pour la production et diffusion de contenus relatifs au péyi. (MI)

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