Dans CETTE CONTRIBUTION, āParlons dāHaĆÆtiā, Yves Marie SERALINE partage son expĆ©rience et sa connaissance approfondie de la nation haĆÆtienne, acquise au cours des vingt derniĆØres annĆ©es. Lāauteur dĆ©crit la situation actuelle dāHaĆÆti comme une tragĆ©die, avec une population souffrant de la faillite politique, de lāinsĆ©curitĆ© chronique et de la paralysie collective, en raison de dĆ©cennies de prĆ©varications et de pillage par les nantis, encouragĆ©s par lāinertie internationale. SERALINE souligne que la communautĆ© internationale devrait aider le pays Ć sortir de la crise et Ć rĆ©aliser son potentiel.
Cāest le peuple de la nation HaiĢtienne qui souffre et subit la situation actuelle. Je partage avec beaucoup ce ressenti, tenant compte de mes deĢplacements et activiteĢs en HaiĢti durant les vingt dernieĢres anneĢes, ce qui māa permis notamment de mieux connaiĢtre une partie du territoire et dāen constater vers la trageĢdie: la zone de Port-au-prince et communes proches, Carrefour, la reĢgion de Jacmel, un peu lāArtibonite, Saint-Marc, Saut dāeau, la campagne profonde, des zones du littoral, la traverseĢe de la frontieĢre depuis Jimani en ReĢpublique Dominicaine. Jāai eu lāopportuniteĢ dāinviter et dāaccueillir chaque anneĢe en Martinique, jusquāaĢ la crise sanitaire covid, de nombreux groupes de jeunes, artistes, entrepreneurs HaiĢtiens.
Enfin ces dernieĢres temps, des projets eĢducatifs et culturels ont pu se deĢvelopper avec mes correspondants de HaiĢti pour reĢaliser des actions de formations et des activiteĢs culturelles. Des belles perspectives de relations dāamitieĢs et de coopeĢrations eĢtaient en preĢfiguration, malgreĢ la vulneĢrabiliteĢ eĢvidente dāun pays, dont la somme des capaciteĢs et potentialiteĢs donne autant le vertige que la deĢliquescence des pouvoirs.
Nous avons veĢcu le basculement dāun pays en difficulteĢ mais prometteur, aĢ une territoire englueĢ dans une probleĢmatique multidimensionnelle, imploseĢ par la conseĢquence de deĢcennies de preĢvarications et de pillage par les nantis, encourageĢs par lāinertie internationale.
HaiĢti est une rubrique dans lāinformation planeĢtaire du moment, les meĢdias montrant aĢ juste titre les deĢgaĢts de la faillite politique et lāinseĢcuriteĢ chronique entraiĢnant en une insupportable paralysie collective. La queĢte dāaudience des meĢdias internationaux met en valeur la face sombre du pays, y compris en reĢalisant des scoops graĢce aux reĢmuneĢrations verseĢs aĢ des chefs de bande pour les interroger. La deĢtresse, les lamentations et le chaos permanents sont certainement des sujets de choix pour les eĢquipes des teĢleĢs, qui ne montrent pas de motivation particulieĢre aĢ explorer les vraies valeurs et reĢalisations encore visibles dans une grande partie du pays.
La conscience collective mondiale, qui souffre pour des victimes de conflits aĢ travers la planeĢte, sāexprime geĢneĢralement de manieĢre solidaire avec HaiĢti aĢ travers des actions citoyennes, parfois deĢsinteĢresseĢes, dāautres plus douteuses y compris par certaines ONGs. Ces initiatives eĢparpilleĢes, limiteĢes malgreĢ leur geĢneĢrositeĢ quand elles viennent dāamis du peuple HaiĢtien, constituent une sorte de saupoudrage humanitaire.
Quāen est-il dāune mobilisation salutaire de la diaspora haiĢtienne ? Le freĢmissement des HaiĢtiens du dehors est perceptible, mais semble en ordre disperseĢ chez des compatriotes ou descendants conscients de la situation du pays dāorigine. On peut regretter que des expatrieĢs en grand nombre, notamment dans la CaraiĢbe, soient plutoĢt enclins aĢ se reĢfugier dans leur nouvelle vie, pour oublier lāancienne qui fut douloureuse et sans perspective.
Vu de lāexteĢrieur, et graĢce aĢ quelque connaissance du reĢel, veĢcu sur place, et les informations recĢ§ues directement de ceux qui vivent la situation, on comprend clairement que le deĢpartement de lāouest et la zone meĢtropolitaine de Port-au-Prince avec ses plus de 3 millions dāhabitants, est un espace vital pour HaiĢtis. Ses acceĢs vers le reste du territoire national sont controĢleĢs par les gangs. LāarriveĢe des produits agricoles en provenance des greniers du pays y est controĢleĢe tout comme la fourniture de produits vers les autres zones. On y trouve les infrastructure essentielles, qui eĢtaient deĢjaĢ devenues peu efficaces voire inopeĢrantes, par suite du deĢseĢquilibre territorial et de lāhypercentralisation imposeĢes progressivement par les forces obscures du pays qui ont une mainmise sur lāeĢconomie.
Cāest, pour les fossoyeurs dāHaiĢti, la combinaison parfaite afin de bloquer les rouages essentiels du territoire, le port, lāaeĢroport Toussaint Louverture appeleĢ peut-eĢtre aĢ de venir un camp retrancheĢ, le circuit du carburant, les lieux symboliques et les attributs du pouvoir ou de la culture.
La politique de la terre bruĢleĢe engageĢe par le crime organiseĢ, le pillage geĢneĢraliseĢ des ressources et moyens techniques de la zone deĢstabiliseĢe reĢduit aĢ neĢant quelques efforts dāeĢquipement de nombreux lieux attaqueĢs meĢthodiquement : eĢtablissements de santeĢ, eĢcoles, universiteĢs, lieux de formation des artistes et dāexpression du geĢnie populaire comme lāartisanat de Croix des Bouquets reconnu mondialement, si essentiels aĢ HaiĢti, des espaces dāactiviteĢ commerciale, et les lieux de vie collectifs comme le Ā« champ de mars Ā» au centre de Port au Prince pour Ā« Portail Ā», espace dāeĢchanges de transports et de petits commerce.
Des quartiers de la zone meĢtropolitaine sont deĢvasteĢs, lāhabitat deĢjaĢ insalubre devenant champ de ruines, mais les grands buildings et les hoĢtel, Digicel, Marriot, et dāautres sont, pour lāinstant, aĢ lāabri des deĢgaĢts que le peuple subit (qui les proteĢge?), mais on voit que certains eĢtablissements prennent les devant comme lāenclave touristique ameĢricaine de Labadee reĢduisant ou arreĢtant leurs activiteĢs.
LāactiviteĢ eĢconomique, lāeĢconomie souterraine de HaiĢti, incompreĢhensible pour beaucoup permettait jusquāalors aĢ un HaiĢtien des couches sociales deĢfavoriseĢes de trouver ses 3 euros par jour pour subsister. Aujourdāhui il sāenfonce encore plus dans le lumpen proleĢtariat Il est expulseĢ de sa maison bruĢleĢe par les bandits dans leur guerre pour controĢler le territoire, en reĢsidence surveilleĢe ou deĢplaceĢ sur sa propre terre, en laissant sur le tapis aĢ chaque vague de violence des milliers dāenfants sans avenir.
HaiĢti dispose pourtant dāun tissu eĢconomique mateĢrialiseĢ par les 4 grandes organisations patronales du pays, ce qui nāa pas du tout lāair de profiter aĢ la population : Chambre ameĢricaine de commerce en HaiĢti (AMCHAM), Association des industries dāHaiĢti (ADIH), Chambre de commerce et dāindustrie de lāOuest (CCIO) et lāAssociation touristique dāHaiĢti (ATH). On peut raisonnablement se poser des questions sur leur efficaciteĢ pour le deĢveloppement de leur pays.
Aujourdāhui, ayons une penseĢe pour aĢ tous ces citoyens, femmes et hommes, agriculteurs, peĢcheurs, ouvriers, petits employeĢs, fonctionnaires, eĢducateurs, entrepreneurs et commercĢ§ants des bords de route, Ā« madan sara Ā», creĢateurs et artisans, qui ont perdu pied dans une situation qui a pris lāallure dāune guerre, vivant avec un sentiment permanent dāinseĢcuriteĢ, meĢme pour les habitants les zones eĢloigneĢs des perturbations meurtrieĢres au quotidien. Portant le pays garde un semblant de fonctionnement puisque quāaĢ Cap HaiĢtien un aeĢroport fonctionne, les villes connues comme JeĢreĢmie, Jacmel, Ouanaminthe, et dāautres, sans eĢtre totalement aĢ lāabri dāune criminaliteĢ latente, ont une activiteĢ beaucoup moins probleĢmatique que dans la Capitale. Les enjeux ne sont pas les meĢmes. Ce nāest pas une grande surprise car depuis longtemps la majoriteĢ des 150 communes de HaiĢti est livreĢe aĢ elle-meĢme sans beĢneĢficier dāun veĢritable soutien financier et mateĢriel du gouvernement.
Les scandales aĢ reĢpeĢtition et la corruption tant politique quāeĢconomique, la mauvaise gouvernance et les conflits incessants en vue dāobtenir le leadership dāune gouvernance improbable allant jusquāaux tentatives de coup dāeĢtat et assassinats dāun PreĢsident, ont reĢveĢleĢ la deĢliquescence dāune nation dont nous avons longtemps compris que les vents contraires sāopposaient aĢ sa libeĢration finale. Comment comprendre que la saga des PreĢsidents teĢleĢguideĢs, soutenus, exfiltreĢs, deĢbarqueĢs ou reĢtablis par les puissances eĢtrangeĢres depuis Aristide, PreĢval, MartheĢlly, MoiĢse et les inteĢrim, accompagneĢs par 119 deĢputeĢs et 30 seĢnateurs, nāaient pas produit de reĢsultat probant, malgreĢ lāargent de Petrocaribe ou du Core Group ? Ils ont eĢchoueĢ aĢ administrer HaiĢti comptant probablement plus sur lāaide internationale, le soutien humanitaire priveĢ ou de villes jumeleĢes avec des communes haiĢtiennes.
Les deĢgaĢts causeĢs par ce choix deĢlibeĢreĢ de non-deĢveloppement au profit des tenants dāun statu-quo neĢolibeĢral aĢ lāavantage des nantis et du libeĢralisme exacerbeĢ du territoire et sous le regard inteĢresseĢ de forces exogeĢnes, sont amplifieĢs certes autant par les conditions naturelles climatologiques, les catastrophes naturelles hors norme, que les manÅuvres post-coloniales. Ainsi, nous gardons en permanence aĢ lāesprit le poids de la dette imposeĢe par la France pour punir HaiĢti acceĢdant aĢ lāIndeĢpendance. De plus, ce serait une heĢreĢsie dāeĢvoquer juste ce veĢritable hold-up, sans rappeler que les USA y sont aussi alleĢs de leur domination, saisissant au passage les reĢserves dāor de la ReĢpublique dāHaiĢti en 1915, aĢ lāoccasion de lāoccupation eĢtasunienne, sans parler de la mainmise plus reĢcente et tentaculaire de leurs lobbies et multinationales.
Entre sectes religieuses heĢriteĢes des Etats-Unis et exploitation malsaine de la culture Vaudou qui est pourtant initialement un authentique ciment culturel pour ce peuple, la spiritualiteĢ HaiĢtienne est dilueĢe dans la peur et le repli que les auteurs parviennent parfois aĢ surmonter dans la production artistique, litteĢraire et musicale. Dans ce contexte geĢneĢral, le riche patrimoine Historique et culturel dāHaiĢti est invisibiliseĢ par lāeĢpais eĢcran de fumeĢe qui obscurcit litteĢralement le ciel HaiĢtien.
Cette population HaiĢtienne affronte des politiciens avides de position dominante et habiles aĢ gratter les poches des miseĢrables, aux coteĢs des puissances dāargent issues du monde des affaires, ils mis en place pour leur protection une seĢcuriteĢ priveĢe qui a engendreĢ les les gangs, jusquāaĢ en perdre le controĢle, sous le regard et peut-eĢtre le soutien inteĢresseĢ des puissances eĢtrangeĢres. Avec comme conseĢquence, lāinsuffisance des forces nationales de seĢcuriteĢ du pays, largement sous-eĢquipeĢes et opposeĢes aĢ une armeĢe paralleĢle de milliers de membres surarmeĢs, organiseĢe en bandes et coalitions de gangs, renforceĢes reĢcemment par les centaines dāeĢvadeĢs de la prison centrale. Qui arreĢtera le trafic dāarmes continu en provenance principalement des USA, ou passant par JamaiĢque et ReĢpublique Dominicaine ?
Mais, au final, le manque de coheĢsion au sein de la population et plus particulieĢrement la deĢsaffection des classes dirigeants et peut-eĢtre des eĢlites intellectuelles, a engendreĢ une inertie preĢjudiciable aĢ lāameĢlioration de la situation. Par exemple, on restera longtemps dubitatif sur lāaction de la ceĢleĢbre eĢcrivaine E. PropheĢte, ministre de la culture ā et de la justice, en faveur de son peuple. Une manieĢre de souligner, aĢ lāanalyse des soubresaut de la politique inteĢrieure de HaiĢti et de sa repreĢsentation internationale, que les intentions des dirigeants ne sont jamais claires dans un contexte politique trop instable pour favoriser une eĢmergence populaire. Ceci, en deĢpit de lāextraordinaire vitaliteĢ des forces vives et populaires, comme les mouvements de femmes treĢs actives aĢ deĢfendre la condition feĢminine sous tous ses aspects, et de nombreuses structures citoyennes, des syndicats deĢmunis, heĢlas manquant de cadres et de moyens.
Ce tableau doit prendre en compte, pour longtemps encore, de la deĢteĢrioration du systeĢme eĢducatif haiĢtien, malgreĢ des approches theĢoriques reĢcentes inteĢressantes de travailleurs eĢducatifs et un soubresaut en terme dāorganisation et de moyens pour les apprenants, par Lesly Manigat, un membre du gouvernement actuel. HaiĢti, cāest tout de meĢme un niveau dāengagement intellectuel remarquable, connu aĢ travers ses intellectuels, auteurs, cineĢastes et artistes en tout genre. On aurait lāembarras du choix pour dresser une liste ici, et la place manquera !
Mais rappelons lāexistence du secteur universitaire animeĢ par un encadrement valeureux et des scientifiques de haut niveau. Le pays compte 40 universiteĢs dont: 19 faculteĢs et 4 eĢcoles infirmieĢres de lāUniversiteĢ dāEĢtat dāHaiĢti (UEH) et 10 UniversiteĢs Publiques en ReĢgion (UPR), 7 autres sont priveĢes telle que Quisqueya aĢ la reĢputation internationale. On pourrait y ajouter un tissu dā organisations eĢducatives et fondations priveĢes de haute tenue comme la Fondation du Docteur Daniel Mathurin (FDDM), il en existe dāautres. En theĢorie, les conditions paraissaient reĢunies pour de belles avanceĢes en matieĢre de formation des eĢlites, mais au final le tableau est sombre compte tenu de lāassaut permanent des gangs contre le secteur eĢducatif, faciliteĢ par lāincurie du pouvoir privant les UniversiteĢs des moyens aĢ la hauteur de ses ambitions, et de la seĢcuriteĢ neĢcessaire.
Aucune strateĢgie de reĢparation ou de reconstruction nationale nāapparaiĢt clairement en ce mois dāavril 2024, en deĢpit des grandes manÅuvres engageĢes depuis la fuite de Ariel Henry et la nomination dāun Conseil de la Transition installeĢ, qui annonce deĢsormais une feuille de route sur preĢs de 2 ans avant les prochaines eĢlections deĢmocratiques, si toutefois la constitution HaiĢtienne est utiliseĢe aĢ bons escient par les protagonistes qui se la disputent. Un pari sur lāavenir, avec des deĢs probablement pipeĢs pour les 600 partis politiques en HaiĢti. Mais on sāattachera plus particulieĢrement aĢ observer les eĢvolutions des formations politiques de nationales de premieĢre importance (2).
HaiĢti pays jeune, pionnier et icoĢne de la lutte contre lāEurope colonisatrice et dominante, qui a eĢteĢ la lumieĢre de la zone caraiĢbe, avant de devenir la proie des opportunistes sans vergogne, est donc une nation encore vivante mais deĢstabiliseĢe aĢ tous points de vue. Notamment par la fuite des cerveaux, heureusement contrebalanceĢe par ceux qui ont la volonteĢ, et parfois la seule solution, de rester sur le sol HaiĢtien, en essayant de sāimpliquer dans un possible renouveau.
Nous avons besoin dāun certain temps, et de beaucoup de pudeur pour eĢvoquer la deĢtresse dāun peuple et de ses citoyens,. Aujourdāhui, on preĢfeĢre ne pas penser aĢ une agonie de cette nation HaiĢtienne, mais consideĢrer que le pays vit une eĢtape dāune extreĢme graviteĢ, qui devra eĢtre suivie treĢs rapidement dāune nouvelle dynamique. Il faut donc peser ces mots quand on pense avoir bien compris la situation de ce pays, qui semble maintenant plus claire aĢ nos yeux, car on nāassiste plus seulement aĢ une seĢrie de meĢfaits et de crimes, mais aĢ une strateĢgie de nasse visant aĢ capturer un peuple vulneĢrable, lāimmobiliser et le contraindre aĢ se retrouver en position de domineĢ, sans droit aĢ la parole.
Lāune des preĢoccupations majeures en HaiĢti sera dāaffronter la monteĢe en fleĢche des probleĢmes de santeĢ mentale, dans un territoire ouĢ le systeĢme de santeĢ deĢjaĢ meĢdiocre condamne les plus pauvres qui sont eĢloigneĢs des oins parce que les centres sont inaccessibles ou deĢtruits, les meĢdicaments sont soumis aĢ une contrebande permanente et distribueĢs avec parcimonie, les meĢdecins et infirmiers sont attaqueĢs voir kidnappeĢs. La litanie des chiffres des organisations internationales montrent un secteur meĢdical sinistreĢ, avec comme principales victimes les enfants, et les personnes vulneĢrables. En dehors des prouesses des personnels de santeĢ locaux et de leurs colleĢgues venus preĢter main forte, le seul progreĢs le plus eĢtonnant de la meĢdecine HaiĢtienne est ironiquement une sorte de nouvelle compeĢtence de meĢdecine de guerre des professionnels confronteĢs depuis plusieurs anneĢes aĢ des blessures de champ de bataille reĢsultant des agissement criminels.
Les soutiens internationaux annonceĢs pour une possible force internationale, encore soumise aĢ bien des conditions et attendue avec circonspection par ceux qui ont connu la Minustah et autres actions onusiennes, lāattitude trouble de la Caricom, du Kenya ou dāautres pays qui annoncent, puis refusent de participer aĢ la mission de seĢcuriteĢ international, nāaugurent pas dāune capaciteĢ de reĢsolution rapide de la question HaiĢtienne. La plupart de ces deĢcideurs eĢtrangers, Core Group, mais en particulier les USA comme interlocuteur imposeĢ, ou le Canada, ont infantiliseĢ le pays interdit de fait de deĢvelopper son armeĢe nationale aĢ des conditions acceptables.
Les relations particulieĢres en dent de scie avec la France, nation se deĢclarant amie dā HaiĢti, occupant une position confortable derrieĢre le paravent de la francophonie, et sāappuyant sur la proximiteĢ des terres francĢ§aises de la CaraiĢbe, sont toujours soumises aĢ la reĢalpolitik. Aussi, aider la PNH (Police Nationale), organiser les deĢplacements dāeĢtudiants (Campus France), creĢer des flux culturels (Institut et Alliance FrancĢ§aise) ne dispensent pas Paris de recevoir des critiques acerbes, les plus reĢcentes eĢtant exprimeĢes par Victorin Lurel, responsable politique guadeloupeĢen, ancien ministre francĢ§ais.
Aujourdāhui lāinternational est repreĢsenteĢ en HaiĢti par des ambassades (1) qui fonctionnent peu ou se vident meĢthodiquement, se preĢoccupant de lāeĢvacuation leurs ressortissants par peur de la puissance des gangs, ce qui est un aveu de deĢfiance de la protection que le gouvernements (?) HaiĢtien doit au corps diplomatique.
Avant le grand seĢisme, et encore plus apreĢs lorsque le nombre des Ā« kokorat Ā» (enfants des rues) a encore eĢteĢ gonfleĢ par les orphelins de la catastrophe Jāai vu les ai vu se deĢmener quotidiennement pour trouver quelques sous dans la rue avant de passer la nuit dans des lieux improbables, nāayant rien connu dāautres que la pauvreteĢ, la deĢbrouille et toutes les violences. Ils sont sans doute aĢgeĢs en cette anneĢe 2024 de 14 aĢ 22 ans. Ils alimentent les gangs, baignant dans une ambiance magico- religieuse leur confeĢrant un sentiment de puissance, heureux dāune sorte de consideĢration et de lāimpuniteĢ sous lāinfluence et aux ordres dāun chef, comme dāun peĢre quāils nāont pas connu leur procurant le giĢte, le repas et lāarme au sein dāune population de territoires controĢleĢs, qui nāa plus de repeĢres eĢconomiques et sociaux.
Une geĢneĢration doublement perdue. Des jeunes vivant sans aucune valeur aĢ respecter, qui contribuent aĢ traumatiser āautres jeunes. MalgreĢ tout, Il faut espeĢrer que les autres enfants qui ont globalement pu freĢquenter les eĢcoles bon an mal an, malgreĢ les dispariteĢs criantes du systeĢme eĢducatif, ne perdront pas toutes leurs chances dāacqueĢrir, graĢce aĢ lāeĢducation leur passeport pour lāavenir et participer aĢ la reconstruction de leur nation.
IndeĢpendamment des conseĢquences immeĢdiatement visibles et de toutes suppositions sur la collusion entre les start-ups du crime et les politiciens, la perplexiteĢ reste entieĢre sur les raisons profondes de cette deĢmarche qui ne reĢsume pas aĢ une guerre de territoires ou de trafics en tous genre. Car deĢtruire pour deĢtruire, cela ameĢne aĢ quoi ? Transformer des zones entieĢres en cimetieĢre aĢ ciel ouvert pour des morts sans seĢpultures ?
Sauf aĢ consideĢrer quāun treĢsor de guerre est disponible pour investir dans une autre HaiĢti, peut eĢtre encore plus domineĢe demain que maintenant avec ses 11 millions de captifs deĢsespeĢreĢs et controĢleĢs, encore soumis aĢ un couvre-feu pour de longues semaines, partiellement coupeĢs du monde sous lāoeil des speĢcialistes de lāingeĢrence internationale, et dāune ReĢpublique Dominicaine, peut-eĢtre en embuscade, aĢ lāaffuĢt dāune deĢgringolade massive et sans retour.
Le dernier acte de la trageĢdie, se deĢroule sous le regard dāune presse haiĢtienne treĢs vivante et capable de regarder son pays qui compte nombreux meĢdias dont 700 radios et des martyrs. Les grandes manÅuvres engageĢes depuis la fuite de Ariel Henry ont abouti aĢ la creĢation laborieuse et contesteĢe de ce Conseil de la Transition, installeĢ mais toujours vulneĢrable aĢ toutes les manÅuvres politiciennes, soumis au regard de lāAutre, Caricom, Core, Group, etcā¦ Il preĢpare une feuille de route sur preĢs de 2 ans avant les prochaines eĢlections deĢmocratiques. Cāest donc un pari sur lāavenir, mais avec des deĢs pipeĢs pour les 600 partis politiques en HaiĢti. Mais on pourra suivre plus particulieĢrement les liste formations politiques de nationales de premieĢre importance (2).
Restons dans le concret : sans mateĢriel pour se deĢfendre, le peuple nāa plus comme armes pour aller vers lāameĢlioration de sa condition que lāeĢducation et le bulletin de vote.
Ne ceĢdons pas aĢ la tentation de lāhomeĢlie funeĢbre pour HaiĢti, mais plutoĢt exprimons une vision dāespeĢrance.
Yves Marie SERALINE
10 avril 2024
(1) Les ambassades preĢsentes a Port au Prince actuellement :
USA ā Canada- France ā Cuba ā Chili ā Cuba ā Bahamas ā BreĢsil ā Argentine ā Allemagne ā Espagne ā Japon ā Mexique ā ReĢpublique Dominicaine ā Panama ā Royaumes Unis ā Suisse ā Taiwan ā Venezuela ā Nonciature Apostolique du Saint Siege.
(2) Formations politiques de niveau national:
-Organisation du peuple en lutte (OPL) : Il est neĢ en 1996 de la scission en deux groupes de lāOrganisation politique Lavalas (OPL) pro-Aristide fondeĢe en 1991. Il est actuellement dirigeĢ par le coordonnateur geĢneĢral Edgard Leblanc Fils.
-Parti fusion des sociaux-deĢmocrates haiĢtiens (PFSDH) : Cāest un parti neĢ le 23 avril 2005 de la fusion entre les trois partis deĢmocrates suivants : Ayiti kapab, le CongreĢs national des mouvements deĢmocratiques (KONAKOM) et le Parti national progressiste reĢvolutionnaire (PANPRA).Il est dirigeĢ par Edmonde Supplice Bauzile
-Front pour la reconstruction nationale (FRN) : Le FRN a eĢteĢ creĢeĢ en feĢvrier 2004 par un groupe dāanciens rebelles dirigeĢ par Guy Philippe. Il est dirigeĢ par Buteur Metayer et a comme secreĢtaire geĢneĢral Guy Philippe.
-Latibonit an Aksyon (LAAA, LāArtibonite en Action) aujourdāhui deĢnommeĢ HaiĢti en Action: Ce parti est dirigeĢ par Youri Latortue.
-Mouvement chreĢtien pour une nouvelle HaiĢti (MOCHRENA) : Il est aussi connu sous lāappellation de Mouvement chreĢtien national. Cāest un parti de centre-droit fondeĢ en 1991 par des eĢglises eĢvangeĢliques. Il est dirigeĢ conjointement par Luc MeĢsadieu et Gilbert LeĢger.
-Mouvement pour la reconstruction nationale (MRN) : Le MRN a eĢteĢ fondeĢ en 1991 par ReneĢ TheĢodore, alors dirigeant du Parti unifieĢ des communistes haiĢtiens (PUCH). Il est actuellement dirigeĢ par Jean-Enol Buteau.
-Union nationale chreĢtienne pour la reconstruction dāHaiĢti (UNCRH) : LāUNCRH est actuellement dirigeĢe par Jean Chavannes Jeune.
-Action coopeĢrative pour construire HaiĢti (KONBA) : Ce parti est dirigeĢ par Jean-Baptiste Chavannes.
-Action deĢmocratique pour baĢtir HaiĢti (ADHEBA) : Ce parti a eĢteĢ fondeĢ en 2004. Il est preĢsideĢ par Camille Leblanc.
-Alyans (Alliance deĢmocratique) : Cāest une coalition de centre-gauche entre la Kovansyon Inite Demokratik (KID) (ConfeĢdeĢration dāunion deĢmocratique) et le Parti populaire pour le renouveau dāHaiĢti. Elle est actuellement dirigeĢe par Evans Paul.
On peut regretter que les forces de seĢcuriteĢ du pays dans leur ensemble, soient notoirement en effectif insuffisant et largement sous-eĢquipeĢs opposeĢs aĢ une armeĢe paralleĢle de milliers de membres surarmeĢs, des bandes et coalitions de gangs, renforceĢes par les centaines dāeĢvadeĢs de la prison centrale au mois dernier, qui beĢneĢficient dāun trafic dāarmes continu en provenance principalement des USA.