chauve-souris-oreillard-gris
La photo : Oreillard gris (Plecotus austriacus)
© Christophe Magdelaine / www.notre-planete.info – Licence : CC BY-NC-SA

Chaque été, des citoyens et des collectivités territoriales se félicitent de la mise en place de nichoirs pour les chauves-souris. Si c’est une excellente initiative pour préserver les chiroptères dont les populations régressent, l’efficacité de des chauves-souris pour diminuer la prolifération des moustiques est bien plus nuancée.

Il existe près de 1 400 espèces connues de chauves-souris à travers le monde dont 34 en France où elles représentent un tiers des espèces de mammifères terrestres en France. Comme de nombreux animaux, les chauves-souris jouent un rôle écologique essentiel et sont de véritables indicateurs de la bonne santé d’un écosystème.

En France, toutes les chauves-souris sont protégées suite à la loi de protection de la nature de 1976 et l’arrêté du 17 avril 1981 :  il est strictement interdit de les détruire, de les transporter ou de les commercialiser, ainsi que de détruire ou détériorer leurs habitats. Cependant, selon la dernière évaluation de la Liste rouge des mammifères menacés en France métropolitaine “sur les 34 espèces de chauves-souris présentes en France, 8 sont aujourd’hui menacées et 8 autres quasi menacées, contre 4 et 7 respectivement lors de la précédente évaluation. Cette évolution traduit en partie l’amélioration des connaissances sur ces espèces. Mais pour beaucoup, l’aggravation est causée par la disparition des habitats qu’elles affectionnent, du fait de l’isolation et de la rénovation des bâtiments et de l’exploitation forestière réduisant l’abondance des vieux arbres. Dans d’autres cas, le développement du secteur éolien est en cause, touchant particulièrement les espèces migratrices, victimes notamment de collisions avec les pales.”

Des chauves-souris pour lutter contre les moustiques ?

Considérées comme effrayantes et capables de se “prendre dans les cheveux” (ce qui est évidemment faux), les chauves-souris ont mauvaise réputation et voient leurs habitats disparaître. Et pourtant, les chauves-souris remplissent de nombreux services comme la pollinisation et la fonction d’auxiliaires naturels. “En Europe, toutes les chauves-souris sont quasi-exclusivement insectivores. Dès le soir, elles prennent le relais des oiseaux et peuvent consommer en une nuit près de la moitié de leur poids en insectes variés”, explique la SFPEM.
Pourraient-elles, en plus, nous débarrasser des moustiques ?

Anopheles-gambiae
Anopheles gambiae
Crédit : Jim Gathany / US CDC / Pixnio – Licence : CC0

En fait ce n’est pas évident. La chauve-souris est une opportuniste qui va se nourrir principalement de papillons de nuit, coléoptères, mouches, guêpes et mites… Et accessoirement de moustiques… Mais ils ne constitueraient que 1% de leur nourriture selon l’American Mosquito Control Association (AMCA). “De grandes populations concentrées de moustiques pourraient fournir une nutrition adéquate en l’absence de nourriture alternative” précise l’AMCA. Autrement dit, les chauves-souris, comme tous les animaux, vont rechercher l’efficacité et se nourrir en premier lieu d’insectes plus nutritifs et plus gros comme les papillons. Si ils sont en nombre insuffisants, les moustiques feront l’affaire.

Seules les chauves-souris les plus petites mangeraient des moustiques

Autre critère : la taille des chauves-souris. Selon une étude publiée dans Plos One en 2013, “les moustiques ne représentent généralement qu’une faible proportion de l’alimentation des chauves-souris”, principalement à cause de la petite taille des moustiques qui les rend plus difficilement détectables par l’écholocation à basse fréquence des chauves-souris. En outre, les moustiques ne volent pas en essaim comme on le croit souvent et sont donc difficiles à cibler.

L’écholocalisation est utilisée par la plupart des chauves-souris pour localiser et caractériser les éléments à proximité. Il s’agit d’une sorte de « vision acoustique » qui se caractérise par l’émission au niveau du larynx de sons très aigus appelés ultrasons dont les échos captés par la chauve-souris permet d’obtenir une vision extrêmement précise de son environnement.

Selon cette étude menée par Leroy Gonsalves en Australie, seules les plus petites chauves-souris (Vespadelus vulturnus de 4 g et Vespadelus pumilus de 4,5 g seulement) se nourrissent de moustiques dans des proportions variables : 55 % et 20 % des individus étudiés respectivement en mangent).

En France, le poids des chauves-souris varie entre 4,5 à 50 g selon les espèces. Si la règle est la même, la pipistrelle commune, d’environ 5 g pourraient se nourrir de moustiques, mais si elle ne trouve pas mieux.

Toutefois, une équipe de chercheurs de l’Université du Wisconsin-Madison (Etats-Unis) a apporté en 2018 une réponse encourageante à cette question de l’utilité des chauves-souris contre les moustiques.

Nos résultats montrent que les chauves-souris mangent plus de types de moustiques, et le font plus fréquemment, que ce que les études passées ont montré“, explique Amy Wray, auteure principale de l’étude. “Bien que cette étude ne nous dise pas si les chauves-souris suppriment réellement les populations de moustiques, elle apporte un argument solide pour réévaluer leur potentiel de régulation des moustiques via des recherches supplémentaires.” ajoute-t-elle.

Pour arriver à cette conclusion, les scientifiques ont étudié le régime alimentaire, dans leur milieu naturel, de deux espèces communes de chauves-souris nord-américaines trouvées dans l’Etat américain du Wisconsin. Là aussi, l’étude a confirmé que les petites chauves-souris brunes mangeaient plus de moustiques que les grandes chauves-souris brunes. En effet, les grosses chauves-souris brunes ont des contraintes de taille qui affectent leur capacité à s’attaquer aux petits moustiques. Les moustiques n’offrent pas non plus suffisamment de calories pour répondre aux besoins énergétiques des chauves-souris plus grosses.

Cependant, ils ont constaté que les chauves-souris mangent de nombreuses espèces de moustiques dans un large éventail de conditions écologiques. Par exemple, les petites chauves-souris brunes ont mangé neuf espèces de moustiques connues pour abriter le virus du Nil occidental, une maladie qui constitue une menace pour les humains et de nombreuses espèces d’oiseaux.

« Cette étude est une première étape pour réexaminer des questions importantes concernant le rôle de la chauve-souris en tant qu’agent anti-moustiques, ce qui pourrait avoir des implications pour la santé humaine », s’enthousiasme Claudio Gratton, professeur d’entomologie à UW-Madison et co-auteur de l’étude.

Pour lutter contre la prolifération des moustiques et l’invasion progressive de moustiques vecteurs de maladies dangereuses comme le moustique Tigre, il est nécessaire de l’empêcher de se reproduire en éliminant les sources d’eau stagnante. Des campagnes de démoustication sont également menées.

Si la chauve-souris n’est sans doute pas le prédateur obsessionnel de moustiques qui en dévore plusieurs milliers par nuit comme on l’entend souvent, il est certainement un atout supplémentaire pour la lutte anti-moustiques

Partager.

Laissez votre commentaireAnnuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Exit mobile version