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L’actuelle république de Haïti est l’héritière de la colonie française de Saint-Domingue. Située dans les Grandes Antilles, elle occupe le tiers occidental de l’île d’Hispaniola, déformation du nom Isla españolaque lui avait donné son découvreur Christophe Colomb le 6 décembre 1492.

Premier État noir indépendant de l’ère moderne, Haïti est aussi aujourd’hui le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental. Vaste comme la Belgique (27 750 km2) et peuplée de 12 millions d’habitants (2020) sans compter une importante diaspora en Amérique du nord et en Europe, elle souffre de l’absence de structures étatiques stables et d’une totale insécurité. Faute de mieux, les ONG occidentales assurent tant bien que mal la survie des habitants, les dissuadant de la sorte de se prendre en charge.

André Larané
Les Antilles

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Les Antilles constituent un chapelet d’îles entre l’Amérique du Nord (péninsule de Floride) et l’Amérique du Sud. Entre l’archipel et l’isthme d’Amérique centrale s’étend la mer des Caraïbes, d’après le nom d’un peuple amérindien qui est aussi le nom que les Anglo-Saxons donnent aux Antilles elles-mêmes. Celles-ci se subdivisent entre Grandes Antilles (Cuba, Jamaïque, Hispaniola, Porto-Rico) et Petites Antilles (Îles-du-Vent et Îles-sous-le-Vent).

Christophe Colomb fonde Hispaniola

Le frère de Christophe Colomb, Bartolomeo, fonde en 1496 la première implantation permanente à Hispaniola. Il la baptise Nueva Isabela en hommage à la reine Isabelle de Castille. En 1502, la ville est détruite par un cyclone et reconstruite sous le nom de Santo Domingo de Guzman, en hommage cette fois à saint Dominique. De là les noms de Saint-Domingue et de Républicaine dominicaine, celle-ci se partageant aujourd’hui l’île avec la république de Haïti.

Le nom d’Haïti vient d’Ayiti, ou Terre des hautes montagnes, nom que donnaient à l’île ses premiers habitants, de pacifiques Indiens Taïnos, du groupe des Arawaks. Tous ont disparu tragiquement en quelques années, victimes de la colonisation européenne (travail forcé et malnutrition, persécutions, maladies) ainsi que de l’invasion des terribles Indiens anthropophages du groupe des Caraïbes venus des îles voisines. D’un million en 1492, la population amérindienne n’est plus que d’une centaine d’individus en 1570.

Hispaniola est exploitée de façon brutale dès l’arrivée des Espagnols. En 1493, Christophe Colomb va chercher des plants de canne à sucre aux Canaries et les ramène à Hispaniola. L’île va ainsi produire de plus en plus de sucre, jusqu’à 1000 tonnes en 1570, mais la concurrence du Brésil l’amènera à ne plus en produire que 125 en 1625…

En 1494, un Espagnol découvre des pépites d’or dans les monts de Cibao, au coeur de l’île. Du coup, Christophe Colomb exige de chaque Amérindien de plus de 14 ans la livraison de l’équivalent d’une pièce d’or tous les trois mois. Impossible. L’île arrivera tout au plus à produire 276 kg d’or en 1501.

Colomb débarque à Hispaniola (gravure de Théodore de Bry, XVIe siècle, BNF)

Les Espagnols s’installent

En 1508, Santo Domingo devient le siège de la vice-royauté des Amériques et le centre de la colonisation espagnole.

Désireux de s’enrichir au plus vite avant de rentrer chez eux, les premiers Espagnols reçoivent des terres avec le droit de faire travailler les Indiens qui y vivent. C’est le principe du repartimiento. L’extraction de l’or dans le sous-sol et les rivières s’avère dans un premier temps très productif, jusqu’à fournir 500 000 écus d’or par an à l’Espagne.

Les esclaves africains débarquent dès 1502 pour remplacer les Indiens dans les plantations et les gisements d’or.

Indiens survivants et Noirs ne manquent pas de se révolter. C’est ainsi qu’un cacique (chef indien) du nom d’Henri se réfugie dans les montagnes avec des compagnons indiens et noirs et parvient à maintenir son indépendance pendant 13 ans. C’est le début du marronnage, nom donné aux fuites d’esclaves dans la forêt (de l’espagnol cimarrón, qui signifie esclave noir fugitif).

La population autochtone disparaît en quelques décennies. Quelques Indiens se fondent par métissage avec les nouveaux arrivants d’Europe et d’Afrique.

En 1535, le gouverneur Nicolas Ovando fait venir des plants de canne à sucre des îles Canaries et encourage leur plantation pour compenser l’épuisement des gisements aurifères.

L’héritage taïno

Sans le savoir, nous vivons aujourd’hui en partie sur l’héritage des malheureux Taïnos. Ces derniers nous ont légué une partie de leur alimentation : manioc, igname, patates douces, tabac et maïs. Ils nous ont laissé aussi quelques beaux témoignages de leur art.
Enfin, beaucoup de mots taïnos sont entrés dans notre langage courant : barbecue (de barbacoa, claie en bois pour griller la viande), boucanier (de boucan, lieu dédié à la cuisson de la viande), hamac (de hamaca), savane (de sabana, plaine sans arbres), ouragan (de huracan), tabac (de tabaco), patate (de patata), goyave (de guayaba), papaye (de papaya), maïs (de maïz) etc.

Les flibustiers livrent l’île à la France

Au XVIIe siècle, des boucaniers français commencent à s’installer sur l’île voisine de la Tortue. Eux-mêmes se dénomment pompeusement les « Frères de la côte ». Ce sont des chasseurs qui doivent leur nom au fait qu’ils consomment du boucan, c’est-à-dire de la viande séchée à la fumée. Ce sont aussi des pirates et des corsaires qui s’en prennent aux métaux précieux que les riches galions espagnols convoient du Mexique vers l’Espagne. Leur présence (ils sont près de 3 000) attire l’attention du roi Louis XIII et de son ministre Richelieu.

Le gouvernement français était jusque-là indifférent aux conquêtes coloniales, si l’on met à part l’exploration du Canada et la prise de possession de la Martinique. Il se contentait d’encourager ses corsaires, qui attaquaient et pillaient les navires espagnols, chargés des richesses du Nouveau Monde ou d’esclaves d’Afrique (les « pièces d’Inde »).

Le 31 août 1640, avec le soutien discret de leur gouvernement, les flibustiers français expulsent leurs rivaux anglais de la Tortue et débarquent sur le nord de l’île d’Hispaniola. Quelques mois plus tard, le huguenot Le Vasseur occupe l’île de la Tortue pour le compte de la France. En 1642, le chevalier de Fontenay prend possession de l’ouest d’Hispanolia au nom du roi Louis XIII.

Dans la nouvelle colonie française, les plantations prospèrent sous le climat tropical de l’île : café, tabac, cacao, indigo… Mais la canne à sucre (véritable or blanc du XVIIIe siècle), tend à l’emporter sur les autres cultures.

Un gouverneur, Bertrand d’Ogeron, fait venir des « engagés » européens pour travailler dans les plantations aux côtés des esclaves africains et dans les mêmes conditions. À la différence des Africains, ces hommes surnommés « Bas-Rouges » sont rémunérés et libérés au bout de 36 mois. Mais les planteurs ne tardent pas à renoncer à cette main-d’oeuvre qui supporte mal le climat tropical.

En 1697, le roi Louis XIV se fait céder légalement la partie occidentale d’Hispanolia par le traité de Ryswick qui met fin à la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Cette acquisition marque le véritable commencement des ambitions coloniales de la France.

Habitation aux Antilles au XVIIIe siècle (gravure d'époque, médiathèque de l'architecture et du patrimoine)

Une colonie prospère

De son nom officiel « côtes et îles de Saint Domingue en l’Amérique sous le vent », la colonie devient très vite la plus prospère des possessions françaises d’outre-mer grâce à ses plantations de café, d’indigo et de canne à sucre et à ses nombreux esclaves noirs.

Planteur de Saint-Domingue (musée de Nantes)À la veille de la Révolution française, Saint-Domingue assure près des 3/4 du commerce mondial de sucre ! C’est aussi le premier exportateur de café. En 1788, son commerce extérieur, évalué à 214 millions de francs, est supérieur à celui des États-Unis et représente le tiers de tout le commerce de la France.

La colonie compte près de 600 000 habitants, dont 40 000 affranchis, essentiellement des mulâtres, et 500 000 esclaves noirs. Les affranchis n’ont pas les mêmes droits que les colons mais bénéficient d’une certaine aisance et sont parfois même propriétaires d’esclaves.

Les esclaves noirs ont été introduits dans l’île dans le cadre de la traiteatlantique, nom donné au trafic pratiqué par les Européens. De 10 000 par an au milieu du XVIIIe siècle, les entrées d’esclaves atteignent le rythme effarant de 30 000 par an dans les années précédant la Révolution, avec un pic à 60 000 en 1787 ! De ce fait, la majorité des esclaves des « habitations »(plantations) sont encore des captifs nés en Afrique…

Le rapport démographique devient, plus qu’en toute autre colonie, favorable aux esclaves avec un Blanc seulement pour dix esclaves, contre un pour sept en Guadeloupe et un pour six en Martinique.

Dans le même temps, la partie espagnole de l’île, Santo Domingo, dépérit et compte à peine quelques dizaines de milliers d’habitants.

De l’insurrection à l’indépendance

Le sort de l’île est bouleversé par la Révolution française. Le 15 mai 1791, à Paris, l’Assemblée nationale accorde timidement le droit de vote à certains hommes de couleur libres. Cette demi-mesure inquiète les colons blancs de Saint-Domingue qui songent à proclamer leur indépendance. Elle ne satisfait pas davantage les affranchis. Les uns et les autres s’affrontent violemment.

Les commissaires de la République française Sonthonax et Polverel se résignent à proclamer la liberté générale des esclaves. Voyant cela, certains planteurs appellent les Anglais à leur secours.

Heureusement pour la France, le chef noir Toussaint Louverture quitte le camp espagnol pour celui de la France révolutionnaire. Avec le grade de général, il combat les Anglais et les chasse de l’île. La prospérité ne tarde pas à revenir. Il est vrai que le nouveau maître de l’île oblige ses frères de couleur à travailler comme salariés dans les plantations dont ils étaient auparavant les esclaves.

Le 8 juillet 1801, Toussaint Louverture proclame l’autonomie de l’île et se nomme Gouverneur général à vie de la nouvelle République. Le Premier Consul ne goûte guère cette initiative. Il arme une puissante expédition pour y mettre fin.

Les affres de l’indépendance

Toussaint Louverture ayant été livré aux Français et envoyé mourir dans un fort glacé du Jura, c’est à un de ses lieutenants, Jean-Jacques Dessalines, que revient l’honneur de chasser les Français et proclamer pour de bon l’indépendance de l’île le 1er janvier 1804. Haïti devient ainsi le deuxième État américain indépendant après les États-Unis et la première république noire du monde. Mais il lui reste à se faire accepter par la communauté des nations « civilisées »

Dès le 22 septembre 1804, le héros de l’indépendance se fait proclamer empereur sous le nom de Jacques Ier dans une pitoyable pantalonnade imitée de Napoléon. Ses excès amènent un soulèvement et l’empereur est tué dans une embuscade le 17 octobre 1806. C’est le début d’une lutte d’influence qui ne va plus cesser jusqu’ à nos jours entre la minorité mulâtre et la majorité noire.

Couronnement de Jacques 1er Dessalines (peinture naïve haïtienne)

Henri Christophe, lui-même ancien esclave noir, succède à Dessalines dans le nord de l’île, cependant que le sud tombe sous la domination d’un mulâtre, Anne Alexandre Pétion. Christophe s’étant fait couronner roi sous le nom de Henri Ier en 1811 est contraint au suicide en 1820. Il se tire dans la tête… une balle en or !

Pétion réunifie l’île sauf la partie orientale que l’Espagne a récupérée en 1814, à la chute de l’Empire français. Instruit par l’expérience, il conserve les formes républicaines. Il apporte aussi un soutien actif aux créoles hispano-américains en guerre contre Madrid et permet au premier d’entre eux, Bolívar, de reconstituer ses forces à Haïti. À sa mort, le 29 mars 1818, un autre mulâtre lui succède. C’est Jean-Pierre Boyer. Il va gouverner la république haïtienne pendant un quart de siècle, jusqu’à sa chute en 1843.

Les colons blancs de la partie espagnole s’étant émancipés de Madrid le 30 novembre 1821, Boyer ne leur laisse pas le temps de savourer leur indépendance et annexe sans attendre leur république. Celle-ci reprendra pour de bon son indépendance après la chute du président haïtien, sous le nom de République dominicaine. Le président règle encore le différend avec l’ancienne métropole et accepte en 1825 de verser à tempérament une lourde indemnité (150 millions de francs-or).

Après la fuite de Jean-Pierre Boyer, le 13 février 1843, et une nouvelle période d’anarchie, un militaire noir de 65 ans, Faustin Soulouque, s’impose en 1847 comme… empereur sous le nom de Faustin Ier. Il est à son tour renversé et chassé en 1859. Avec le retour de la République, les planteurs mulâtres, enrichis dans la culture du café, imposent leur domination sur les petits paysans et travailleurs noirs. Les inégalités se creusent.

Les mauvaises pratiques agricoles accélèrent la déforestation et le lessivage des pentes, stérilisant du même coup les sols. Les petits paysans s’en trouvent d’autant plus appauvris. Les tensions sociales s’aggravent comme jamais. Les jacqueries se multiplient…

Le gouvernement de Washington s’inquiète de cette instabilité chronique à ses portes et décide d’y porter remède. Le 28 juillet 1915, les Marines débarquent à Port-au-Prince. Ces troupes vont tenter de rétablir l’ordre dans l’île, non sans brutalités, cependant que des civils et des entrepreneurs américains tentent de remettre sur pied l’économie, les infrastructures et l’administration. Désespérant d’achever leur mission, les troupes américaines quittent l’île le 21 août 1934 sur l’ordre du président Roosevelt.

Retour de l’instabilité

Après le départ des Américains, l’île retourne à ses démons et les coups d’État se succèdent. Le 12 décembre 1956, le président Paul Magloire quitte le pays en laissant les caisses de l’État vides et le pays une nouvelle fois au bord de la guerre civile.

François Duvalier (1907-1971)Le 22 octobre 1957, l’arrivée au pouvoir d’un médecin de campagne et ethnologue noir de 50 ans, François Duvalier, laisse espérer une sortie des ténèbres. Mais l’on doit vite déchanter…

Le nouveau président instaure une dictature népotique et sanglante en s’appuyant sur une milice privée, les « tontons macoutes ». À force d’obstination, il obtient du Vatican le droit de désigner lui-même les évêques catholiques du pays et n’a pas de scrupule à livrer les évêchés à de véritables « macoutes » aussi conciliants avec le dictateur qu’avec les prêtres du vaudou.

En 1971, à sa mort, il laisse le pouvoir à son fils, le très médiocre Jean-Claude Duvalier (19 ans). Nouveau président à vie, marié à une représentante de la bourgeoisie mulâtre, celui-ci est chassé vers la France en 1986 par un soulèvement populaire.

Espoir trahi

Le 16 décembre 1990, après plusieurs années de désordre, le père Jean-Bertrand Aristide (37 ans) est élu à la présidence. L’élection démocratique de ce militant des droits de l’homme est accueillie avec enthousiasme par l’opinion démocratique mondiale qui se prend à espérer un changement de cap à Haïti. Mais ses maladresses valent au prêtre d’être renversé par un coup d’État militaire sanglant le 29 septembre 1991.

Aristide revient au pouvoir dans les fourgons de l’armée américaine, avec la bénédiction de l’Organisation des Nations Unies, le 19 septembre 1994. Mais à peine les militaires de Washington et les casques bleus de l’ONU sont-ils repartis que l’ancien « curé des bidonvilles » renoue avec les pratiques dictatoriales et sanglantes de ses prédécesseurs. Défroqué et marié à une avocate de la bourgeoisie mulâtre, il pille sans vergogne les caisses de l’État tandis que le peuple se repose pour sa survie sur les organisations caritatives occidentales. On en vient à regretter la dictature duvaliériste et à désespérer de la capacité des Haïtiens à se gouverner !

Aristide est à son tour chassé du pouvoir le 1er mars 2004 cependant que des militaires américains débarquent une nouvelle fois à Port-au-Prince. Les successeurs d’Aristide renouent avec ses pratiques : corruption, népotisme, impéritie.

Avenir bouché

Rien ne permet de présager un futur souriant à un pays surpeuplé d’environ 10 millions d’habitants (la surface et la densité de la Belgique), marqué par la déforestation, le sida, la misère, la corruption et la douleur lancinante d’une Histoire tragique.

Les terres bien arrosées et autrefois fertiles ont été ravinées et stérilisées par des pratiques agricoles archaïques (cultures sur brûlis). C’est au point que la production agricole serait aujourd’hui deux fois moins importante qu’au temps de l’esclavage. Vue d’avion, la frontière qui sépare Haïti de la République dominicaine ne manque pas de surprendre : d’un côté l’ocre des sols lessivés et stériles, de l’autre le vert tendre des cultures et des forêts.

La population est massivement illettrée et la pratique généralisée de la langue créole, essentiellement orale, décourage les campagnes d’alphabétisation.

Les pays occidentaux – la France en premier lieu – , s’interrogent sur le moyen de venir en aide à ce pays au malheur duquel ils ont une part de responsabilité. Ils hésitent sans fin entre le devoir d’assistance, le droit d’ingérence, la mise sous tutelle et une recolonisation dont personne ne veut.

Ces mêmes pays sont tentés de se décharger sur l’Organisation des Nations Unies et les organisations caritatives (ONG) du soin de maintenir l’ordre et d’assurer le fonctionnement a minima des structures étatiques. L’île devient pour ainsi dire un protectorat des ONG, qui justifient ainsi de leur existence auprès de leurs donateurs.

Reste la chaleur d’une culture à nulle autre pareille : une langue, le créole, et une religion, le vaudou, qui conservent, étroitement emmêlés, les souvenirs de la colonisation française et des origines africaines ; une société matriarcale où les femmes élèvent souvent seules des enfants de différents pères ; des couleurs qui s’affichent sur les murs, dans des peintures naïves d’une très grande richesse d’inspiration.

Bibliographie

Il existe peu d’ouvrages en français sur l’Histoire d’Haïti, sans doute en raison d’une réticence des historiens et des citoyens de l’Hexagone à aborder cet aspect peu glorieux de leur propre Histoire.

Le livre le plus intéressant est celui de l’écrivain haïtien en exil Jean Metellus : Haïti, une nation pathétique (250 pages, Denoël, 1987).

Faillite de l’État, faillite des élites

Haïti souffre par-dessus tout de l’absence d’État. Sa bourgeoisie (on n’ose parler d’« élites ») ignore ce que pourraient signifier l’« intérêt national » et le « bien public ». Pillant sans vergogne l’aide étrangère, cette bourgeoisie formée à l’étranger cultive un profond mépris pour le peuple. Elle ne se soucie pas d’investir dans des activités touristiques, agricoles ou industrielles, à la différence de la République dominicaine  voisine, avec laquelle elle a longtemps partagé la même Histoire (esclavage, guerres…).
Lors du dramatique tremblement de terre du 12 janvier 2010, les gouvernants et même la plupart des médecins haïtiens se sont inscrits aux abonnés absents. Ils ont laissé aux étrangers le soin de secourir les victimes, tout en se frottant les mains dans l’attente de la manne internationale : onze milliards de dollars de promesses d’aide, soit un ratio très élevé de 3 000 dollars pour chacun des 3 millions d’Haïtiens frappés par le séisme.
Dix mois après le séisme et alors qu’une épidémie de choléra frappe le pays, cette manne, évaporée ou gaspillée dans les structures administratives des ONG et des États donateurs, n’a encore soulagé personne. Et la population, atavique, habituée à être assistée, ne se soucie même pas de déblayer les ruines et amorcer de ses mains la reconstruction des habitations. Elle demeure à la merci des clans mafieux, lesquels font et défont les gouvernements. C’est l’un de ces gangs qui assassiné le 7 juin 2021 le président Jovenel Moïse, lui-même à leur solde.
L’administration repose toute entière sur les étrangers. Ainsi l’ONG Médecins sans Frontières gère-t-elle les services de santé avec des volontaires occidentaux cependant que la plupart des médecins haïtiens vont chercher en Europe ou en Amérique du nord le confort douillet qu’ils estiment leur être dû.


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