Invitée par l’association “Tous Créoles” et Joseph Jos, ce dernier  chargé de coordonner la commission « Réflexion créole » pour  élaborer une définition actualisée au terme « créole ». La psychanalyste martiniquaise Jeanne Wiltord a décliné dans les termes – très polis – suivants cette proposition.

je vous remercie de l’invitation que vous m’avez adressée de participer à l’élaboration d’une “définition actualisée” du terme “créole” dans les dictionnaires de langue française.
L’un des problèmes majeurs auxquels les sociétés antillaises sont confrontées est celui du lien symbolique qui permette des relations apaisées entre ses membres. Ce problème, constitutif de la structuration de ces sociétés, est largement partagé par nombre de sociétés contemporaines, de plus en plus nombreuses à se confronter aux  graves conséquences (flambées des passages à l’acte, des violences, toxicomanies, etc…) de l’absence d’un pacte symbolique qui permette de fonder un lien social apaisé.

Votre souci de trouver un nom qui pourrait faire lien entre les membres de la société martiniquaise, témoigne de ce que vous avez pu pressentir de l’importance de l’opération de la nomination, nécessaire aux humains pour qu’ils arrivent à faire société, quelque soit leur couleur de peau, leur religion, leur origine sociale. 
La psychanalyse propose sur ces problèmes – dont la complexité ne vous a pas échappé – un abord qui peut permettre de se dégager de répétitions qui peuvent nous donner l’illusion de proposer du neuf.

“Les Békés, maîtres et pères”

À partir du travail engagé sur ces questions en Martinique, j’ai pu faire en 2010 à la demande du Cénacle du festival de Fort-de-France, une intervention publique que j’ai intitulée “Les békés : maîtres et pères ?” qui – d’après les nombreuses questions et retours que j’ai pu en avoir – a présenté un intérêt pour celles et ceux, étonnamment nombreux et attentifs, venus l’écouter.

À la suite de cette conférence, j’ai été  sollicitée  par la secrétaire de l’association “Tous créoles” qui me transmettait la demande de reprendre cette conférence pour  l’association ;  je lui avais alors proposé que celle-ci me fasse parvenir une question de son choix sur la société martiniquaise, à partir de laquelle je ferais une conférence pour ouvrir un  débat public. Je n’ai à ce jour pas reçu de réponse. 

Votre souci de travailler à une “définition actualisée” du terme “créole” engage de nombreuses énergies et intelligences.

“Ceux qui se sentiraient – reconnus – et ceux aux plaintes victimaires”

Je crains que dans cette société martiniquaise postcoloniale qui reste souffrante d’une dimension traumatique de l’esclavage, votre projet ne permette pas un abord conséquent de ses graves difficultés mais qu’il vienne offrir les éléments d’une pleine satisfaction imaginaire dont nous connaissons les impasses : qu’il s’agisse de la satisfaction de ceux qui se sentiront enfin “reconnus”, que de la satisfaction de ceux qui seront encouragés dans leur plainte victimaire (“ils -les békés- nous ont encore eus”). 

Vous comprendrez que je ne peux pas accepter de participer à un tel projet qui ne peut selon moi, que mettre un masque sur des questions restées en souffrance.

Celles et ceux qui le souhaitent peuvent lire les textes qui sont en pj de ce mail, celui de la conférence “Les békés : maîtres et pères” ainsi que celui d’une intervention au colloque que l’Association lacanienne internationale-Antilles (ALI-Antilles) oa rganisé en 2011 en Guadeloupe ; il propose quelques éléments situant plus précisément la problématique de la nomination. 

Je ne manquerai pas de répondre aux questions que ces textes auront pu faire surgir et qui viendront nourrir ma réflexion.
Avec mes salutations cordiales,
Jeanne Wiltord

Note d’Anita: les intertitres sont de nous.//LA photo illustrant cet articlea été prise lors de cette conférence au Cénacle (Ville De FDF) …

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