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Le Giec a publié, hier, une partie de son nouveau rapport sur le climat. Sept ans après son dernier rapport qui avait déjà tiré le signal d’alarme, ce groupe d’experts de l’ONU dresse un nouvel état des lieux catastrophique et cela, à trois mois de la Cop 26, très attendue mais très mal préparée.

Jean-Marc Sylvestre

Giec : les puissances mondiales espèrent que l’annonce d’une catastrophe climatique va provoquer un électrochoc et obliger les grandes entreprises à trouver des solutions

La plupart des puissances politiques mondiales se félicitent des conclusions du rapport sur le climat, en espérant qu’elles provoquent un électrochoc, mais les responsable politiques ne se précipitent pas, pour autant, pour proposer des solutions. La plupart des gouvernements comptent sur les grandes entreprises mondiales pour qu’elles apportent des réponses, sans pour autant abandonner les objectifs de développement économique et financier. La vraie question est là : comment continuer à produire ce dont on a besoin mais à produire « propre », à des conditions financières acceptables pour le plus grand nombre ? Le rapport du GIEC ne répond pas à cette question mais la renvoie aux acteurs des systèmes économiques de production. Les responsables politiques, aussi. Le rapport était nécessaire, incontournable, mais pour les solutions à mettre en œuvre, c’est « Courage fuyons » !

La multiplication des incendies autour de la Méditerranée et notamment en Grèce, la reprise des feux en Californie et d’une façon générale, la succession de catastrophes naturelles depuis quelques années, éclairent avec brutalité l’état des lieux et les prévisions quasi-apocalyptiques contenues dans le rapport du Giec qui vient de sortir.

Le Giec, c’est le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat constitué dans le cadre de l’ONU. Le précédent rapport date de 7 ans maintenant, mais à l’époque, il avait déjà fait l‘effet d’une bombe, en décrivant le réchauffement climatique et ses effets sur l’humanité si on ne réussissait pas à limiter les émissions de gaz carbonique, principales causes de l’élévation de la température sur la Terre.

L’effet du précédent rapport n’a pourtant pas provoqué une mobilisation internationale pour trouver des solutions. On peut seulement espérer que le précédent rapport avait sans doute préparé le terrain à une prise de conscience de cette perspective auprès des opinions publiques et du coup, commencé à faire bouger et les gouvernements et les entreprises pour que chacun commence à prendre des mesures de freinage.

Mais ne rêvons pas, les gouvernements ne se précipiteront pas sur le dossier tant que la pression populaire ne les contraindra pas à le faire.

Le rapport qui vient de sortir est d’une tonalité très différente. Puissance Dix sur l’échelle de la sévérité.

Le GIEC considère, en gros, que ce qui a été fait pour lutter contre le réchauffement climatique n’est rien par rapport à ce qu‘il faudrait faire et très vite.

« Nous sommes désormais au bord de la catastrophe » selon Alok Sharma, le ministre britannique, chargé de présider la COP 26 qui doit démarrer ses travaux à Glasgow en novembre prochain.

Ce rapport est le résultat d’un long travail de plusieurs années avec les 195 pays décideurs, et prend des allures de dernière chance pour freiner le réchauffement climatique. Le diagnostic du rapport est très clair mais brutal.

1e point : le réchauffement climatique ne fait pas débat. Les experts sont capables de le mesurer et font un lien de causalité avec la fréquence des catastrophes naturelles auxquelles nous sommes confrontées : incendies de forêt, températures record, inondations en Europe et en Chine.

2e point : Ce réchauffement climatique est essentiellement dû à l’activité humaine. C’est donc sur le comportement humain qu’il faut agir.

3e point : La décennie que nous venons de traverser a été la plus chaude jamais enregistrée, l’année dernière a battu tous les records. La prochaine décennie va être  décisive en termes d’actions pour le climat.

Au-delà de cet état des lieux, le Giec invite donc les gouvernements et les opinions publiques à mettre en œuvre tous les moyens pour ralentir ou stopper ce changement. Mais le rapport n’est pas plus précis. Il avertit seulement que : « Seul, un réchauffement mondial maintenu nettement au-dessous de 2°C, qui était déjà l’objectif de l’accord de Paris, permettrait d’éviter la catastrophe et maintenir les zones côtières, les sites du patrimoine culturel, les écosystèmes terrestres et marins dans un état viable dans la plupart des zones du bassin méditerranéen ». Parce que la Méditerranée, qui compte 500 millions d’habitants, est sans doute la région du monde qui souffrira le plus des hausses de températures, et est qualifiée de “point chaud du changement climatique” par ce rapport. Selon le Giec, jusqu’à 93 millions de personnes supplémentaires pourraient être confrontées à des canicules sur la rive nord de la Méditerranée d’ici 2050. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le risque pour les personnes âgées de mourir de fortes chaleurs pourrait être multiplié entre 3 et 30 d’ici à 2100 et les morts pourraient se monter à 20.000 par an en Méditerranée septentrionale d’ici 2050.

La chaleur est donc le principal risque que nous courrons parce que “le changement climatique nous emmène à des niveaux où ne pouvons pas survivre.”

Ça va donc être à la Cop 26 de tirer tous les enseignements de cet état des lieux pour obtenir des gouvernements un accord plus contraignant que le précédent, de trouver les moyens financiers pour que les ONG puissent travailler mais surtout convaincre les opinions publiques de notre responsabilité individuelle et collective.

Le travail est titanesque parce qu’il s’agit de convaincre plus de 7 milliards d’êtres humains dont les cultures, les niveaux d’éducation, et surtout les niveaux de vie et de développement sont tellement différents ; avec des organisations politiques et administratives opposées, avec des intérêts et des priorités contradictoires. La lutte contre le réchauffement climatique n’a pas le même prix en Europe qu‘au fin fond de l’Afrique. Pas la même urgence pour le peuple de l’Inde, dont une partie souffre de la faim, que pour celui de l‘Amérique du Nord engagé dans la course à la consommation.

Les pays développés et riches ont tout juste réussi à mettre en œuvre des chantiers écologiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sous la pression forte des populations, des consommateurs ou des actionnaires. Les projets d’électrification, la food révolution et le recul de l’utilisation des plastiques non recyclables sont a priori non réversibles. Les mouvements sont engagés mais ne représentent qu’une petite partie du chantier.

Les pays à gouvernement autoritaire peuvent évidemment lancer des opérations d’envergure, c’est le cas de la Chine, mais beaucoup ont d’autres priorités plus urgentes.

La Cop 26 aura un rôle de premier plan, mais son organisation augure mal de son autorité. La réunion aura lieu en Grande Bretagne, à un moment où Londres a peu de crédibilité en matière d’environnement. Le respect des normes environnementales qui était imposé dans le cadre de l’Union européenne ne sont pas garanties de l’être dans le cadre du Brexit.

Mais il y a plus grave. Toutes les ONG environnementales sont vent-debout contre la Grande Bretagne qui vient d’autoriser de nouvelles explorations de gisements de gaz et de pétrole (au large des îles Shetland pour commencer et en mer du Nord), cela au moment où l’agence internationale de l’énergie venait d’avertir que le monde entier devait rénover tout nouveau projet pétrolier, gazier ou charbon, si on voulait encore pouvoir limiter le réchauffement à 1,5%.

La Cop 26 va donc s’ouvrir avec un état des lieux désastreux, mais avec des pays qui sont largement piégés par la contradiction de leurs différents objectifs. Toutes les puissances politiques qui vont participer aux travaux saluent le sérieux des analyses et espèrent que cela provoquera des réactions, notamment au niveau des entreprises pour qu’elles apportent des solutions, à condition qu‘elles soient compatibles avec leurs autres objectifs qui portent sur le développement économique et social et le bien être pour tous.

La cohérence est compliquée. Beaucoup de pays qui ont une grande influence auront du mal à convaincre qu‘ils peuvent réduire les émissions de gaz à effet de serre sans hypothéquer les capacités de croissance économique. A commencer par l’Allemagne qui n’a toujours pas déterminé une politique énergétique responsable, puisqu’elle continue d’utiliser massivement le charbon. Ou la Grande Bretagne qui cherche à relancer sa production de pétrole et de gaz alors qu’en organisant la Cop 26, tout le monde s’attendait à ce qu’elle donne l’exemple.

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