Après d’ultimes négociations, les 200 pays ont réussi à se mettre d’accord sur un texte aux ambitions trop limitées, mais avec quelques nouveautés très symboliques.

Par Grégory Rozières

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YVES HERMAN VIA REUTERS

La COP26 a fini, samedi 12 novembre, par accoucher d’un accord appelé “Pacte de Glasgow”, avec des avancées importantes, mais très insuffisantes pour endiguer le réchauffement climatique

SCIENCE – C’est peut-être un détail pour vous, mais… Après des négociations prolongées, les 200 pays de la Cop26 ont réussi à se mettre d’accord sur un texte baptisé “Pacte de Glasgow pour le climat”, une feuille de route complexe, pleine de nuances, servant de guide d’application pour l’Accord de Paris et la limitation du réchauffement climatique.

Jusqu’aux dernières minutes, des ajustements ont été effectués et des ambitions amoindries. Évidemment, ce texte est loin d’être parfait et loin d’être suffisant, aux yeux (en larme) même de son président Alok Sharma. Les ONG ont critiqué des manquements sur plusieurs points, notamment le financement pour les pays en développement de l’adaptation aux dégâts du réchauffement. À l’inverse, le fait que le calendrier pour améliorer les ambitions de chaque pays ait été accéléré (dès 2022) est une bonne chose, même si chaque pays garde la possibilité d’invoquer des “circonstances nationales” comme joker.

Pour Greta Thunberg, ces discussions techniques n’ont été que du “bla-bla-bla”, loin d’être à la hauteur des enjeux climatiques. Reste que dans ces phrases techniques, deux mots extrêmement symboliques sont à noter tout particulièrement: “fossile” et “biodiversité”. Même si tout n’est pas parfait, leur simple présence dans le Pacte de Glasgow est importante, car ils étaient jusque-là tabou dans ce genre de texte.

Réchauffement et énergies fossiles, le lien impossible

Depuis des décennies, le consensus scientifique est clair: le réchauffement climatique que nous vivons depuis le début de l’ère industrielle s’accélère et est en grande partie lié aux rejets de gaz à effet de serre des activités humaines. De la même manière, on sait avec clarté que l’accumulation de ces gaz est due en grande majorité aux énergies fossiles que nous utilisons.

Pourtant, comme nous le rappelions dans l’épisode ci-dessous de notre podcast environnement,L’enver(t) du décor, le terme ”énergies fossiles” n’est pas présent dans l’Accord de Paris signé en 2015. Pas plus que dans aucun autre document officiel de ce type… jusqu’au Pacte de Glasgow établi à la Cop26.

Comment vivre la COP26 sans déprimer

Cela peut sembler étrange, mais les COP, jusque-là, engageaient les États à diminuer leurs émissions de CO2, mais sans enjoindre à limiter l’origine de ces émissions: la consommation de charbon, de pétrole et de gaz. Alors quand dans une première version du texte, les observateurs ont découvert la phrase “appeler les parties [les États, NDLR] a accélérer la sortie du charbon et des subventions aux énergies fossiles”, tous ont sauté de joie.

“Cela faisait partie de nos demandes depuis longtemps, mais nous pensions que ça ne passerait jamais, on a été surpris”, explique au HuffPost Marine Pouget, en charge des questions internationales au Réseau action climat (RAC). “C’est un grand tabou qui tomberait, c’est une brèche qui s’ouvre et dont on a besoin pour organiser cette sortie des énergies fossiles”, abonde Pierre Cannet, directeur du plaidoyer du WWF, interrogé par Le HuffPost.

Les ONG ont ensuite déchanté, malheureusement. La version finalement adoptée du texte mentionne toujours les énergies fossiles, mais de manière bien plus subtile, notamment après les demandes de la Chine, de l’Inde et de l’Arabie-Saoudite, en parlant des subventions “inefficaces”. Pire, sur le charbon, seules les centrales n’utilisant pas de technologie de capture de carbone sont visées (“unabated coal power” dans le texte”). De plus, le texte ne parle plus de “sortir”, mais de “réduire” l’utilisation du charbon.

Climat et biodiversité enfin reliés

L’autre grand symbole de ce texte, c’est la mention de la biodiversité. Ce terme était déjà présent dans l’Accord de Paris, mais les États “notaient” simplement qu’il était important de préserver la biodiversité. En clair, s’il fallait défendre la nature, c’était une mission parallèle, mais différente de la lutte contre le réchauffement climatique.

Sauf que les études scientifiques s’accumulent pour montrer que ces deux crises sont intimement liées. En juin, un premier rapport conjoint du Giec et de l’IPBES (le “Giec de la biodiversité) alertait justement sur cette question, rappelant que des solutions pour le climat nocives pour la biodiversité ne permettront pas d’endiguer le réchauffement de la planète.

Dans le texte de la Cop26, un des paragraphes souligne l’importance de la protection de la nature “pour atteindre les objectifs de température de l’Accord de Paris”, évoquant la préservation des forêts et la protection de la biodiversité. “Les énergies fossiles sont responsables des deux tiers de l’accumulation des gaz à effet de serre, mais la déforestation est également à l’origine de 12%”, rappelle Pierre Cannet. Même si, ici aussi, tout n’est pas parfait. “Le langage reste un peu flou”, regrette Marine Pouget.

Surtout, si ces deux mots sont très symboliques et si leur présence dans un texte de ce niveau est nécessaire, il n’est pas suffisant. “On ne résout pas le problème principal qui peut se décliner ainsi: d’abord, comment aller plus vite et plus loin sur les objectifs. Ensuite, comment s’assurer que ce qui est mis sur la table est bien appliqué, estime Pierre Cannet.

Sur ces deux points, les nombreux non-dits, échecs et vides laissés dans le texte à l’interprétation des États sont malheureusement eux-aussi symboliques.

À voir également sur Le HuffPost: Greta Thunberg quitte une table ronde de la Cop26 la qualifiant de “greenwashing”

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