Eliane Houlette, ancienne cheffe du parquet financier mis en place après l’affaire Cahuzac, déclare devant une commission parlementaire qu’elle a subi «des pressions» pendant l’enquête de ses limiers sur l’affaire Fillon. Aussitôt, à droite et ailleurs, grandes orgues, hourvari et chœur des vierges. On parle «d’instrumentalisation», de «forfaiture», de «cabinet noir» et on regonfle le mythe d’une «élection volée» qui aurait privé un Fillon blanc comme neige de son ticket d’entrée à l’Elysée.

Qu’à  dit exactement Mme Houlette ? Que sa supérieure hiérarchique, la procureure générale Champrenault, lui a collé au train pour avoir des informations sur l’enquête et qu’on lui a demandé, non de poursuivre son enquête préliminaire, mais d’ouvrir une information judiciaire sur le couple Fillon et de nommer un juge d’instruction. Laquelle instruction a débouché sur une mise en examen en pleine campagne présidentielle.

Houlette la boulette ? La même avait déclaré il y a un an n’avoir subi aucune pression. Elle a changé d’avis. Elle se plaint des demandes d’information. Mais celles-ci sont légales et habituelles en France. Il est de tradition de transmettre à la Chancellerie des synthèses sur les affaires sensibles en cours.

Ladite Chancellerie, en revanche, depuis la loi Taubira de 2013, n’a pas le droit d’intervenir dans les affaires individuelles. Or, Mme Houlette ne dit pas qu’il y a eu intervention politique, mais seulement celle de la procureure générale, non sur le fond, mais sur la procédure à suivre. Elle vient d’ailleurs de préciser que ses propos avaient été «déformés ou mal compris» et que «M. Fillon n’a pas été mis en examen à la demande ou sous la pression du pouvoir exécutif». De plus le fait de confier l’affaire à un juge d’instruction – magistrat indépendant qui ne reçoit d’ordre de personne – était plutôt une garantie contre toute interférence politique.

Mme Houlette a surtout précisé qu’elle jugeait en fait le dossier assez solide pour justifier une information judiciaire et qu’elle a pris cette décision en toute indépendance. C’est là où l’arbrisseau cache la forêt. Les indignés de la droite reprochent en fait à la justice d’avoir agi avec trop de célérité : on se plaint en général de la lenteur de la justice ; s’agissant de Fillon, on se plaint de sa diligence. Autre contradiction. Mais surtout, d’autres juges et d’autres procureurs, au vu des charges pesant sur le couple, ont estimé ensuite qu’il y avait bien matière à procès (lequel sera jugé le 29 juin). Autrement dit, la suite de la procédure a validé la démarche initiale du parquet financier : sans augurer de leur culpabilité, il y avait bien des soupçons suffisants pour ouvrir une information sur François Fillon. Si l’on ne l’avait pas fait, et que François Fillon avait été élu, toute l’affaire aurait été renvoyée aux calendes grecques. Serait-ce une bonne administration de la justice ? Certains n’auraient pas manqué de dire que les juges épargnent les puissants…

Le comique de l’affaire, c’est de voir une ribambelle de politiques, de Mélenchon à Le Pen, crier à l’instrumentalisation de la justice. Emouvante solidarité transpartisane devant une iniquité ? Ou bien autoprotection ? La plupart de ceux qui protestent ont eux aussi maille à partir avec la justice. En défendant Fillon, ils se défendent eux-mêmes.

LAURENT JOFFRIN
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