Face à l’aggravation des échouements massifs d’algues sargasses sur les côtes martiniquaises et leurs conséquences sur la santé publique, un Comité Indépendant d’Experts a été mis en place en avril 2025 à l’initiative de l’ARS et de la CTM. Coordonné par le Pr Dabor Résière, ce comité livre un rapport préliminaire accablant, centré sur les risques sanitaires, notamment autour du collège Robert 3 au Robert.
Il propose un plan d’action “Sargasses-Santé” articulé autour de mesures urgentes de prévention, de soins et de protection.
👉 Le rapport complet est disponible en téléchargement en fin d’article.
Un phénomène aux effets toxiques bien identifiés
Depuis 2011, la Martinique subit des échouements massifs d’algues sargasses sur ses côtes, en particulier sur le littoral Atlantique, affectant plus de 120 000 habitants. En décomposition, ces algues dégagent des gaz toxiques (notamment l’hydrogène sulfuré – H₂S – et l’ammoniac – NH₃), responsables de troubles respiratoires, neurologiques, digestifs, oculaires, voire de pertes de conscience.
Un toxidrome sargasses, décrit dès 2018 par le CHU de Martinique, regroupe les symptômes observés chez 700 patients exposés : maux de tête, vertiges, toux, douleurs thoraciques, apnée du sommeil, et troubles cognitifs. Les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes ou les personnes souffrant de maladies chroniques y sont particulièrement vulnérables.
Le collège Robert 3 au cœur de l’urgence
Fermé depuis le 10 avril 2025, le collège Robert 3 (Pontaléry – Le Robert) cristallise l’inquiétude. Plusieurs épisodes d’exposition aiguë, des plaintes sanitaires répétées, une pétition lancée par la communauté scolaire, et le droit de retrait exercé par les enseignants ont conduit à la création en urgence du Comité Indépendant.
Le comité recommande le maintien de la fermeture du collège tant que la zone est impactée, la mise en place de consultations médicales régulières pour élèves et enseignants, un éloignement systématique des personnes vulnérables, et envisage même une délocalisation permanente si nécessaire.
Une stratégie globale pour la Martinique
Le rapport préconise un Plan d’Action Générale “Sargasses-Santé”, en deux grandes phases :
1. Actions immédiates et locales
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Traitement prioritaire du cas du collège Robert 3.
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Extension de la surveillance médicale aux autres écoles et quartiers exposés.
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Renforcement des consultations mobiles de santé (toxicologie clinique et CRPPE).
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Mise en place d’un pilotage centralisé de crise 7 jours sur 7.
2. Recherche et coordination à moyen et long terme
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Études épidémiologiques ciblées sur les populations exposées.
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Suivi environnemental continu (air, santé, météo, relief).
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Collaboration renforcée entre acteurs locaux (CTM, ARS, GIP Sargasses, rectorat…).
Une coordination encore insuffisante
Le rapport critique la faiblesse des dispositifs de prévention actuels, l’insuffisance des moyens financiers, et la mauvaise adéquation des recommandations nationales aux réalités locales. Il appelle à une actualisation urgente des seuils d’alerte du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) pour mieux prendre en compte la toxicité chronique des gaz émis.
Appel aux autorités et perspectives
Pour les experts, il est impensable de continuer à exposer des enfants ou des enseignants à des émissions reconnues comme dangereuses. L’évaluation de la santé de la population, la sécurisation des établissements scolaires, l’accompagnement psychologique, et la transparence de l’information sont autant de chantiers prioritaires.
Le Comité prévoit un rapport final dans deux mois, intégrant de nouvelles auditions et données. Il souhaite que la Martinique devienne un territoire pilote en matière de santé environnementale, avec une approche dite “One Health” reliant santé humaine, animale et écosystémique.
📄 Télécharger le rapport complet (PDF) :
Rapport Comité Sargasses 16-05-2025_final
👉 Rapport du Comité Indépendant d’Experts Sargasses – 16 mai 2025