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Bombycilla cedrorum
Auteur : Thompson Bill / USFWS – Licence : DR

Dans les milieux urbains, la pollution sonore et lumineuse font partie du quotidien des habitants, de jour comme de nuit… En tant qu’êtres humains nous avons quelques moyens pour atténuer ces nuisances. Cependant, les oiseaux ont-ils les capacités d’adaptation nécessaires pour vivre dans ces endroits où la pollution n’est pas uniquement celle liée à l’air que nous respirons mais aux bruits excessifs et aux lumières incessantes ?

En effet, à l’heure actuelle et au niveau mondial, on ne peut pas nier les impacts liés à la lumière nocturne artificielle et au bruit anthropique sur les espèces de divers écosystèmes. Des chercheurs de l’Université d’État Polytechnique de Californie se sont penchés sur la question en se focalisant sur l’influence des polluants sonores et lumineux sur de nombreuses espèces d’oiseaux.

Selon eux, les recherches existantes jusqu’à ce jour se sont principalement concentrées sur le bruit ou la lumière seule, et sur une espèce en particulier. Cependant, ces stimulus co-existent souvent et nous savons peu de choses sur la façon dont la co-exposition influence la faune et si les réponses varient selon les espèces.

Par conséquent, dans une étude publiée dans le Global Change Biology, l’équipe de chercheurs a utilisé les données du programme scientifique communautaire Program FeederWatch et ils ont analysé plus de 3,4 millions d’observations d’environ 140 espèces d’oiseaux distinctes sur le continent américain.

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“D’une manière générale, nous commençons tout juste à nous pencher sur les conséquences de la lumière et du bruit pour les animaux”, a déclaré Ashley Wilson, une étudiante diplômée de la California Polytechnic State University qui a dirigé l’étude. “La plupart des études se concentrent sur les réponses d’une seule espèce à la pollution sonore ou lumineuse. Notre étude portant sur 140 espèces fournit l’évaluation la plus complète de la façon dont le bruit et la lumière influencent les oiseaux que nous voyons dans nos arrière-cours et nos quartiers.”

L’étude répond aux trois objectifs suivants : 

  1. Connaître la réaction de différentes espèces d’oiseaux face au bruit, à la lumière et à l’interaction entre les deux en utilisant une approche explicite pour modéliser les changements d’abondance de 140 espèces d’oiseaux répandues en Amérique du Nord.
  2. Etudier les réactions des oiseaux face à l’interaction entre l’exposition à la lumière nocturne artificielle et la durée de la nuit.
  3. Identifier les traits fonctionnels et les affiliations aux habitudes qui expliquent la variation des réponses spécifiques aux espèces à ces stimuli sensoriels avec des modèles phylogénétiques. 

Les polluants sonores et lumineux ont des impacts différents selon les espèces

Par exemple, les chardonnerets d’Amérique (Spinus tristis), les jaseurs d’Amérique(Bombycilla cedrorum) ou encore les sittelles à poitrine blanche (Sitta carolinensis) sont des espèces d’oiseaux courantes qui cherchent à éviter à tout prix les zones où le bruit est excessif. 

Lorsque les deux polluants – sonores et lumineux– se produisent en même temps, de nombreuses espèces d’oiseaux supplémentaires cherchent à éviter les mangeoires à oiseaux placés dans ces endroits. Les chercheurs en concluent que certaines espèces semblent pouvoir faire face à un polluant mais lorsque les deux sont réunis, il est plus difficile pour elles de s’adapter.

Par conséquent, les espèces qui réagissent à l’exposition au bruit ont tendance à diminuer en abondance et si l’exposition à la lumière s’ajoute, les effets négatifs s’exacerbent

“Ces réponses auraient été complètement négligées si nous nous concentrions uniquement sur l’influence de la lumière ou du bruit individuellement plutôt que de considérer l’exposition totale aux deux polluants sensoriels”, a indiqué Ashley Wilson. “Notre influence globale sur les espèces sensibles pourrait être plus étendue que nous ne le pensions à l’origine.”

De plus, d’après les observations des chercheurs, l’impact du bruit et de la lumière diffère selon l’environnement des espèces. Par exemple, les oiseaux vivant dans les forêts ont tendance à être plus sensibles au bruit et à la lumière que ceux vivant dans les prairies. 

Influence de la lumière nocturne artificielle

De plus, les espèces sont fortement influencées par les modèles saisonniers et la variation de la durée de la nuit. Par exemple, 47 espèces (72%) ont augmenté en abondance lorsqu’elles sont exposées à la lumière nocturne artificielle et à des nuits plus longues. 

“Le fait que de nombreuses espèces soient plus abondantes dans les zones éclairées lorsque les nuits sont plus longues pourrait être dû au fait que les nuits d’hiver présentent des conditions difficiles, en particulier plus au nord où les températures chutent en dessous de zéro et où les oiseaux utilisent beaucoup d’énergie pour rester au chaud et survivre”, a déclaré le professeur de biologie Cal Poly. et l’auteur principal Clint Francis. “Il est possible que la lumière la nuit offre la possibilité de rester actif et de continuer à manger pendant la nuit. Pourtant, l’exposition à la lumière pourrait créer des problèmes que nous n’avons pas pu mesurer dans cette étude, comme des habitudes de sommeil modifiées et un stress accru.”

La présence de lumière nocturne artificielle a le potentiel d’élargir la niche temporelle et d’allonger la photopériode perçue – rapport entre la durée du jour et la durée de la nuit -. 

Cependant, il y a eu relativement peu d’études qui ont formellement examiné l’effet de la lumière artificielle sur la modification du comportement ou la restructuration du cloisonnement temporel des niches. 

Par exemple, le moqueur polyglotte (Mimus polyglottos) et le merle noir (Turdus merula) augmentent les temps de recherche de nourriture lorsque la lumière artificielle est présente. Cependant, ces études ont enregistré le comportement des oiseaux pendant la saison de reproduction lorsque leur modèle de recherche de nourriture est différent. Les recherches sur l’influence de la lumière nocturne sur l’activité des oiseaux hivernants près des mangeoires urbains, avant et après le crépuscule, ont révélé des résultats contradictoires.

En effet, au cours d’une étude d’observation, tout au long de l’hiver, de 24 mangeoires à oiseaux dans une zone résidentielle en Norvège, seules trois espèces étaient régulièrement actives la nuit. D’autres études suggèrent qu’il existe de faibles preuves pour soutenir que les oiseaux modifient le moment de la recherche de nourriture avec le présence de pollution lumineuse. Les oiseaux ont tendance à arriver plus tard le matin aux mangeoires plutôt que plus tôt lorsque la lumière artificielle est présente.

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Paris, bords de Seine, la nuit
Crédit : Free-Photos / Pixabay – Licence : CC0

Les zones naturelles protégées en danger

Dans les zones urbaines, il est clair que le bruit et les lumières sont des éléments ancrés dans le quotidien des habitants et difficilement modifiables. Cependant, d’après les chercheurs ces polluants commencent à s’infiltrer dans les zones naturelles protégées et à les impacter. Or, comme son nom l’indique ce sont des zones qui devraient être préservées afin que la faune et la flore puissent se développer sans être entravées par les activités humaines.

“Si les oiseaux ne peuvent pas tolérer l’intensité et la présence accrues de ces polluants, alors nous pourrions finir par voir moins d’espèces dans des endroits très éclairés et bruyants, même dans les zones protégées”, a affirmé Ashley Wilson.

Les recherches doivent continuer afin de réussir à comprendre comment gérer ces polluants et à identifier les zones en danger sensoriel qui pourraient présenter de grands risques pour les espèces dites vulnérables et rares.


Auteur

lucie.t lucie.t / SINE LIMES

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