Récemment lancé à l’Agence Régionale de Santé (ARS), le mois de lutte contre le cancer colorectal en Martinique mois dénommé ‘’Mars Bleu’’est présenté par ses promoteurs-acteurs comme une nécessaire relance, notamment depuis la survenue de la Covid-19 dans nos vies, du programmed’actions relatif à cette pathologie causant 90 décès par an. Explications.

Dr Jérome Viguier. DR

A propos des facteurs de risque le Dr Jérôme Viguier, le directeur général de l’ARS, mentionna notamment la consommation excessive de boissons alcoolisées, viande rouge et charcuterie, le tabagisme, la faible consommation de fibres alimentaires, la sédentarité et l’activité sportive faible, ou encore la surcharge pondérale. « Mais ce cancer peut être guéri », souligna alors le dirigeant, « il y a la détection précoce et le dépistage, afin d’avoir une prise en charge elle aussi précoce. » Une détection qui implique, par exemple, de réagir très vite s’il y a du sang (« rouge ou noir ») dans vos selles, en procédant à des examens. Quant au dépistage, il s’adresse aux personnes n’ayant aucun symptôme ou trouble, poursuivit le Dr Viguier, mais qui sont âgées de plus de 50 ans. Une participation à ce dépistage qui est, hélas, largement insuffisante sous nos cieux : à savoir un « petit tiers » des presque 125.000 personnes âgées de 50 à 74 ans, censées se faire dépister en Martinique. Un nombre de dépistages qui a encore diminué depuis l’épidémie de Covid-19.

« On peut guérir les gens dans plus de 90% des cas »

« Si on ‘’arrive’’ tôt, sur des lésions précancéreuses ou cancéreuses débutantes, on sait qu’on peut guérir les gens dans plus de 90 % des cas », précisa Jérôme Viguier, « alors que si on arrive à un stade évolué de la maladie les traitements sont beaucoup plus lourds : il peut y avoir une chirurgie de l’intestin très compliquée, et parfois on a des métastases, des cellules cancéreuses (…) et là, même si énormément de progrès ont été faits le pronostic est beaucoup plus péjoratif. » D’où cette campagne de santé publique, visant à « remobiliser » l’ensemble des acteurs via la prévention, la détection précoce, le « renforcement et la relance du programme de dépistages », ainsi qu’un travail sur l’amélioration des délais de prise en charge, d’accès à la coloscopie, aux traitements, etc.

« Seuls 04% des tests réalisés sont positifs »

S’exprimant à son tour, le Dr Jean-Luc Fanon, médecin-conseiller au ‘’Centre de coordination des dépistages des cancers’’ en Martinique, partagea ces quelques éléments chiffrés : environ 65.000 invitations sont envoyées par courrier chaque année, par ledit Centre, aux hommes et femmes de la tranche d’âge concernée ; 20.000 tests sont réalisés par an (soit environ 400 par semaine) mais seule une personne sur trois invitées à se faire dépister, procède à ce test. Et le Dr Fanon d’indiquer notamment que cette diminution régulière du taux de réalisation de dépistages était aussi « une constante sur le territoire national » mais que les femmes pratiquaient ce test plus que les hommes ; ou encore qu’il y avait des variations de participation à ce dépistage selon la commune : la participation étant plus élevée, par exemple, à Case Pilote, au Diamant et à Rivière-Pilote, qu’à Fonds Saint-Denis et au Lorrain. Puis l’intervenant de partager ces informations rassurantes. « Seuls 04% des tests réalisés sont positifs », indiqua-t-il en effet. Les personnes dont les résultatssont positifs sont alors priées de faire une coloscopie, « et là letaux de participation est très élevé, proche des 90%. » Et le Dr Fanon de souligner : « Ce n’est parce que vos selles présentent du sang que vous avez un cancer : 50% des coloscopies reviennent normales, sans polype(s), qui est la forme anticipée du cancer. Seuls 10% des cancers sont découverts à partir de ces 04% de tests positifs. Et à ces stades précoces, on peut prévoir 90% de guérisons. »

« La mortalité par cancers en Martinique semble corrélée aux facteurs sociaux » 

M. Guy-Albert Rufin Duhamel (MI)

Bouclant la séquence des communications, Guy-Albert Rufin Duhamel, le directeur de la ‘’Plateforme régionale d’oncologie de Martinique’’, indiqua notamment que 40% des cancers (colorectaux) pouvaient être évités grâce à une hygiène alimentaire et la limitation maîtrisée de certaines consommations. Et que, plus généralement, « 30% des cancers » (de différents types) étaient liés à de mauvaises habitudes alimentaires. Il poursuivit : « 60% des personnes qui ne participent pas aux dépistages présenteraient des signes, plus ou moins évidents ou significatifs, d’un besoin particulier : précarité, isolement, handicaps, etc. Quand on ‘’analyse’’ ces personnes non-répondantes, on voit bien qu’il y a un sujet – social ou sociétal – à investiguer. Et la mortalité par cancer(s) en Martinique semble, malheureusement, corrélée aux facteurs sociaux. D’où l’intérêt d’encourager la résorption des inégalités. » Le mot (clé) est lâché.

 

 

« On a besoin de remettre en place le fonctionnement de proximité »

Concernant les priorités pour 2022, le dirigeant fut d’une limpide brièveté : « On est conscients d’une nécessité de progresser. » Avant de préciser que deux ans de Covid-19(« entre autres éléments »), « font qu’aujourd’hui on a besoin de remettre en place le fonctionnement de proximité. » Puis de préciser les contours des ‘’chantiers’’ : « Renforcer et adapter les messages de prévention, avec la langue créole quand il le faut, répondre aux besoins et attentes des gens, être au contact du public, ajuster la réponse aux publics plus fragiles – précarisés, etc. (…) mettre en place des partenariats plus ou moins innovants, en proximité avec des partenaires associatifs. » Une carence en « lisibilité » des outils de prévention, pointa Guy-Albert Rufin Duhamel, carence que le dirigeant voit comme étant l’une des causes de la faiblesse d’accès aux dépistages chez certains publics. « Egalement contribuer activement à réduire les délais d’accès aux différents examens-diagnostics, car ça décourage », souligna-t-il en conclusion, « quand vous dites à quelqu’un qu’un cancer traité tôt n’est potentiellement pas ‘’méchant’’, mais que vous mettez beaucoup de temps à pouvoir lui donner une solution… . » Un ‘’Mars bleu’’ aux accents de nouveau départ dans la prévention et lutte contre les cancers ?

 Mike Irasque

Note : Si vous avez entre 50 et 74 ans, vous pouvez obtenir un kit de dépistage du cancer colorectal auprès de votre médecin traitant. Ce kit est gratuit et décrit comme étant simple d’utilisation et indolore. Les résultats devraient alors être disponibles sous quinzaine, via les laboratoires dédiés.

                                                                                                         

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