Réélue sénatrice dès le premier tour avec 479 suffrages sur 809 grand.e.s électeurs et électrices, Catherine Conconne affiche une victoire qui peut légitimement laisser croire à une côte de confiance croissante auprès d’un certains nombre d’élu.e.s de Martinique, notamment membres de nos conseils municipaux. Pour rappel, la sénatrice réélue était, de même que Frédéric Buval, également soutenue par Bruno Nestor Azérot et David Zobda (ainsi que leurs formations politiques respectives) pour cette élection. Vers une nouvelle alliance dans le paysage politique martiniquais ? Un nouvel « axe », porté notamment par Catherine Conconne et ses deux soutiens à l’instant mentionnés, est-il en construction ? A suivre (bis). Pour le moment, place aux entretiens post-victoires.

Antilla : A vous écouter c’est donc le travail réalisé durant votre première mandature qui a porté ses fruits aujourd’hui ?

Catherine Conconne : Oui il y a beaucoup du travail que j’ai fait pendant ces 6 ans, mais ça fait 23 ans que je suis une femme active, dans l’action ; je passe très vite de l’idée à l’action, j’essaie d’être concrète tout le temps, beaucoup de gens le reconnaissent et là beaucoup de gens m’ont témoigné leur soutien très en amont : je pense à David Zobda, à Frédéric Buval, à Bruno Nestor Azérot, qui m’ont dit ‘’sé si nou malonnèt sèlman nou péké voté ba’w (sourire) pas ou fè travay-la’’. Ils m’ont dit que le pays a besoin de gens qui travaillent, donc que je pouvais compter sur leur soutien parce qu’ils sont objectifs, lucides et justes.

Avez-vous l’impression que votre succès en ce jour est aussi une victoire pour les femmes en politique – vous qui avez, sans doute, fait les frais du sexisme et de la misogynie – ou est-ce excessif de dire cela ?

Même si on progresse – aujourd’hui 5 maires sont des femmes et j’espère qu’il y en aura d’autres – être femme en politique c’est aussi une histoire d’hommes. Parce qu’il faut que les compagnons et les parents puissent suivre, il faut que la société comprenne que vous pouvez rentrer tard, être occupée, ne pas être derrière vos fourneaux, telle l’image qu’on veut donner aux femmes le plus souvent. C’est donc une vraie révolution et si je mène ce combat-là aussi c’est pour les femmes de mon pays, pour dire à leurs maris, à leurs compagnons, à leurs parents : ‘’lâchez-les, laissez-les vivre, an fanm pa fèt pou fè yenki lavésèl épi manjé…’’. Et comme beaucoup de femmes élèvent leurs enfants seules, il faut que dans les collectivités et les institutions il y ait une véritable organisation qui puisse permettre aux femmes de se libérer pour exercer leur devoir citoyen. Par exemple des crèches qui ouvrent tard le soir, des moyens de garde pour aller en réunion. Il faut ces accompagnements-là pour permettre aux femmes de se libérer, de pouvoir y aller, etc. Mais c’est un vrai combat et ce n’est pas gagné : jusqu’à présent des copains hommes me disent ‘’moi je n’aurais jamais accepté que ma femme rentre après moi le soir.’’ Donc le chemin est encore très long… .

Bruno Nestor Azérot

Juste après votre victoire vous avez évoqué des dossiers « brûlants » : pouvez-vous nous en citer un ou deux qui vous occuperont dans les temps à venir ?

Dans le trimestre qui vient j’ai deux urgences. La première c’est donner un contenu budgétaire aux progrès que nous avons réussis à faire sur la continuité territoriale. Il y a des annonces pour un meilleur accompagnement des déplacements de nos populations, donc il faut que ce soit traduit dans les budgets. Les votes du budget c’est en octobre, novembre et décembre, donc il faut que les lignes soient abondées. Et ce sera un combat parce que la France va aborder ces deux prochaines années budgétaires dans des contraintes extraordinaires de période post-Covid. C’est-à-dire qu’il faudra payer le ‘’quoi qu’il en coûte’’ en quelque sorte et on nous annonce déjà, très légitimement peut-être, qu’il y aura des restrictions, des coupes sombres budgétaires ; la continuité territoriale ne doit pas passer par là.

Et votre seconde « urgence » ?

J’aimerais que la Martinique soit décrétée ‘’territoire prioritaire en politique de la ville’’. On demande des renforts en gendarmerie, en police, en personnels de Justice, etc. Mais ça c’est quand les faits sont accomplis. Mais que fait-on, en amont, pour se battre contre le décrochage scolaire, contre les violences intrafamiliales, qui sont le premier chapitre de la délinquance et de la violence à la Martinique ? Souvent derrière chaque porte de nos compatriotes des drames se jouent : sur des enfants, avec des taux d’inceste importants, avec des violences sur les séniors, sur les femmes, et souvent des conditions difficile d’éducation, des carences éducative et affective sur des enfants, etc.

Avec David Zobda

Concernant ces réalités et fléaux-là, vous plaidez donc également pour davantage de moyens ?

Oui et il faut qu’on multiplie les politiques de médiation. J’ai exercé de la médiation à Fort-de-France, quand j’étais en charge de la sécurité, et ça a réglé des problèmes de manière extrêmement rapide et efficace. Par exemple il nous faut des adultes-relais, et qui soient payés correctement – pas les petits contrats de 600 euros comme on se complaît à donner -, ça permet de former un corps de médiateurs pour aller casser régulièrement ces logiques de violence(s), de délinquance que l’on a dans les familles martiniquaises, dans les cours et classes d’école. Alors on m’annonce une centaine d’adultes-relais : or il en faut 300 ou 400 parce que c’est bien payé par l’État et que ça va soulager les mères. Il faut recréer des classes d’études le soir, car il y a des gamins pour qui faire les devoirs d’école c’est une chimère. On a déjà constaté que des familles ne remplissent pas leur rôle comme avant, mais on ne va pas passer de notre temps à chigner : il faut mettre en place des alternatives mais aussi reprendre cette société à la base. Et se battre contre les addictions. Fumer un joint n’est pas fumer une cigarette : il faut qu’on le dise courageusement. Egalement se battre contre l’alcoolisme endémique, se battre contre tous ces phénomènes qui sont le terreau favorable à la délinquance.

Frederic Buval, Catherine Conconne et Maurice Antiste

Au-delà de la « loyauté » que vous avez dit avoir pour Frédéric Buval, quelles qualités présente-t-il selon vous en tant que désormais sénateur ?

Je suis sûre que c’est quelqu’un qui porte des valeurs de solidarité importantes, qui souhaite une certaine justice sociale : on en a déjà assez parlé pour que je puisse le croire. Et une fois au Sénat je pense qu’on pourra faire un excellent tandem pour aller chercher ce qu’il y a lieu de prendre. Je sais que Frédéric Buval est un combattant ; on se connaît depuis très longtemps et il correspond à un très beau profil de sénateur.

Propos recueillis par Mike Irasque

Crédits photos : Roland Dorival.


Résultats des premier et second tours


Premier tour : Catherine Conconne (479 voix, réélue), Frédéric Buval (194 voix), Raphaël Séminor (161 voix), Yvon Pacquit (120 voix), Richard Barthéléry (109 voix), Frantz Thodiard (94 voix), Jean Lanoix (90 voix), Belfort Birota (84 voix), Louise Telle (54 voix), Édouard Tinaugus (23 voix). Second tour : Frédéric Buval (366 voix, élu), Yvon Pacquit (158 voix), Richard Barthéléry (130 voix), Frantz Thodiard (51 voix).

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